Les références sont celles de l’Edition d’Annecy
A une religieuse, 6 janvier 1619, Tome XVIII, page 334
« Oui, ma Fille, ne retournons point en la région de laquelle nous sommes sortis (Matt, II,12) ; laissons pour jamais l'Arabie et la Chaldée, et demeurons aux pieds de ce Sauveur. Disons avec la céleste Épouse (Cant, III, 4) : J'ai trouvé Celui que mon cœur aime, je le tiens, et ne l'abandonnerai. »
A Madame de Chantal, 28 décembre 1605, Tome XIII
« Mon Dieu, ma Fille, que je vous souhaite en Bethléem maintenant, auprès de votre sainte Abbesse. Hé, qu'il lui sied bien de faire l'accouchée et de manier ce petit Enfançon ; mais surtout j'aime sa charité, qui le laisse voir, manier et baiser à qui veut. Demandez‑le lui, elle vous le donnera ; et l'ayant, dérobez lui secrètement une de ces petites gouttelettes qui sont dessus ses yeux. Ce n'est pas encore la pluie, ce ne sont que les premières rosées de ses larmes. C’est merveille combien cette liqueur est admirable pour toute sorte de mal de cœur…. »
A une religieuse, Tome XX, page 212
« Mon Dieu, que cette naissance fait naître de saintes affections dans nos cœurs ! Mais par-dessus tout la parfaite abnégation des biens, des tentations, des plaisirs du monde. Je ne connais pas de mystère qui mêle si suavement la tendresse avec l’austérité, l’amour avec la rigueur, la douceur avec l’âpreté. Jamais on ne vit un plus pauvre ni un plus heureux accouchement, ni jamais un si somptueux et si joyeux fruit. Certes, celle qui accouche du Fils de Dieu n’a que faire de mendier du monde des consolations extérieures. »
A une religieuse de la Visitation, Tome XIX, page 86
« Ce si aimable petit Jésus, caressez-le bien, faites-lui bien l’hospitalité, chantez-lui bien des beaux cantiques, et surtout, adorez-le bien fortement et doucement, et en Lui, sa pauvreté, son humilité, son obéissance et sa douceur, à l’imitation de sa très sainte Mère et de Saint Joseph ; et prenez-Lui une de ses chères larmes, douce rosée du ciel et mettez-la sur votre cœur, afin qu’il n’ait jamais de tristesse que celle qui réjouit ce doux Enfant. »
A une religieuse, Tome XIX, page 91
« L’ange qui préconise la naissance de notre petit Maître annonce en chantant, et chante en annonçant qu’il publie une joie, une paix, un bonheur aux hommes de bonne volonté, afin que personne n’ignore qu’il suffit, pour recevoir cet enfant, d’être de bonne volonté, encore que, jusqu’ici, on n’ait pas été de bon effet ; car il est venu bénir les bonnes volontés et, petit à petit, il les rendra fructueuses et de bon effet, pourvu qu’on les lui laisse gouverner, comme j’espère que nous ferons les nôtres. »
A la Mère de Chantal, Tome XVI, page 120
« Le grand petit enfant de Bethléem soit à jamais les délices et les amours de notre cœur. Hélas ! Comme il est beau, ce pauvre petit Poupon ! Il me semble que je vois Salomon sur son grand trône d’ivoire, doré et ouvragé qui n’eut point d’égal ès royaumes comme dit l’Écriture et ce Roi n’eut point d’égal en gloire ni en magnificence ; mais j’aime cent fois mieux voir le petit Enfançon en la crèche que de voir tous les rois sur leurs trônes. Mais si je le vois sur les genoux de sa sacrée mère, où entre ses bras ayant sa petite bouchette comme un bouton de rose attachée au lis des saintes mamelles, ô Dieu, je le trouve plus magnifique en ce trône, non seulement que Salomon dans le sien d’ivoire, mais que jamais même ce Fils éternel du Père ne fut au Ciel. »
A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Lyon, Tome XVII, Lettre MCXLVIII, page 117
« Je ne vous dis pas encore mes pensées sur le sujet dont vous m'avez écrit, parce que c'est aujourd’hui Noël, jour auquel les Anges viennent chercher le Paradis en terre, ou certes aussi il est descendu en la petite spelonque de Bethlehem, dans laquelle, ma très chère Fille, je vous trouverai tous ces jours suivants avec toutes nos chères Sœurs, qui sans doute feront leur résidence, comme des sages abeilles, autour de leur petit Roy (sermon 95, S2 p.40). Celles qui s'humilieront plus profondément le verront de plus près ; car il y est tout abîmé dans le fin fond de l'humilité, mais humilité courageuse, confiante et constante.
« Ce doux Enfant soit a jamais la vie de votre cœur, ma très chère Fille, que je chéris non pareillement, et qui est toujours présent au mien, tant il plaît a Dieu que mon affection se fortifie par cette petite séparation de bien extérieur. »
A la Mère de Chantal, Tome XIV, Lettre DCXLV, page 392
« Hé, vrai Jésus ! Que cette nuit est douce, ma très chère Fille ! " Les cieux, " chante l'Eglise, " distillent de toutes pars le miel ; " et moi je pense que ces divins Anges qui résonnent en l'air leur admirable cantique, viennent pour recueillir ce miel céleste sur les lys ou il se trouve, sur la poitrine de la très douce Vierge et de saint Joseph. J'ay peur, ma chère Fille, que ces divins Esprit ne se méprennent entre le lait qui sort des mamelles virginales, et le miel du Ciel qui est abouché sur ces mamelles. Quelle douceur de voir le miel sucer le lait (Ct 4,11) !
« Mais je vous prie, ma chère Fille, ne suis-je pas si ambitieux que de penser que nos bons Anges de vous et de moi se trouvèrent en la chère troupe des musiciens célestes qui chantèrent en cette nuit ? 0 Dieu, s'il leur plaisait d'entonner derechef aux oreilles de notre cœur cette même céleste chanson, quelle joie, quelle jubilation ! Je les en supplie, affin que gloire soit au ciel, et en terre paix aux cœurs de bonne volonté (Lc 2,14).
« Revenant donc d'entre les sacrés mystères, je donne ainsi le bon jour à ma chère Fille ; car je crois que les pasteurs encor, après avoir adoré le céleste Poupon que le Ciel même leur avait annoncé (Lc 2,8), se reposèrent un peu. Mais, O Dieu, que de suavités, comme je pense, a leur sommeil ! Il leur était d’avis qu'ils entendissent toujours la sacrée mélodie des Anges qui les avaient salués si excellemment de leur cantique, et qu'ils vissent toujours le cher Enfant et la Mère qu'ils avaient visité.
« Que donnerions-nous à notre petit Roy que nous n'ayons reçu de lui (1 Co 4,7) et de sa divine libéralité ? Or sus, je lui donnerai donc a la sainte grand' Messe la très uniquement fille bien-aimée qu'il m'a donnée. Hé, Sauveur de nos âmes, rendez-la toute d'or en charité, toute de myrrhe en mortification, toute d'encens en oraison, et puis recevez-la entre les bras de votre sainte protection, et que votre cœur die au sien : Je suis ton salut (Ps 34,3) aux siècles des siècles. Amen. »
A la Baronne de Chantal, Tome XIII, Lettre CCCLIX, page 201
« Nous voulons toujours ceci et cela, et quoi que nous ayons noster doux Jésus sur notre poitrine, nous ne sommes point contents; et néanmoins, c'est tout ce que nous pouvons désirer. Une chose nous est nécessaire, qui est d'être auprès de lui. Dites moi, ma chère Fille, vous savez bien qu'a la naissance de Notre Seigneur les bergers ouvrent les chans angéliques et divins de ces Esprit célestes ; l'Ecriture le dit ainsi (Lc 2,13). Il n'est pourtant point dit que Notre Dame et saint Joseph, qui étaient les plus proches de l'Enfant, ouïssent la voix des Anges ou vissent ces lumières miraculeuses ; au contraire, au lieu d'ouïr les Anges chanter, ils entendaient l'Enfant pleurer, et virent, a quelque lumière empruntée de quelque vile lampe, les yeux de ce divin garçon tout couvert de larmes, et transissant sous la rigueur du froid. Or, je vous demande en bonne foi, n'eussiez-vous pas choisi d'être en l'étable ténébreux et plein des cris du petit Poupon, plutôt que d'être avec les bergers a pâmer de joie et d'allégresse a la douceur de cette musique céleste et a la beauté de cette lumière admirable ? »
Dernier entretien de notre très saint et bienheureux Père sur plusieurs questions que nos chères sœurs de Lyon lui firent deux jours avant sa bienheureuse mort, le jour de Saint Etienne 1622
« Voyez-vous le petit Jésus dans la crèche ? Il reçoit toutes les injures du temps, le froid et tout ce que son Père éternel permet lui arriver. Il ne refuse point les petits soulagements que sa Mère lui donne, il n'est pas écrit qu'il étendit jamais ses mains pour avoir les mamelles de sa Mère, mais laissait tout cela à son soin et pré- voyance. Ainsi, nous ne devons rien désirer ni rien refuser, souffrant tout ce que Dieu nous enverra, le froid et les injures du temps. » On lui demanda s'il ne se fallait point chauffer ; il répondit: « Quand le feu est fait, l'on voit bien que c'est l'intention de l'obéissance que l'on se chauffe, pourvu que ce ne soit pas avec tant et de si grands empressements. »