ICRSP

Saint François de Sales

Gricigliano, le 29 janvier 2017


Panégyrique de saint François de Sales prononcé par Mgr Wach

 

« Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt ; Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu. »[1]

 

Monseigneur [2],

Monsieur le Supérieur,

Messieurs les chanoines,

Ma Révérende Mère,

Messieurs les abbés,

Mes sœurs,

Mes bien chers fidèles,

 

Parmi ceux qui ont enseigné la vérité chrétienne aux âmes, l’Église a remarqué plusieurs personnages qui ont parlé avec plus d’éclat, de doctrine ou de succès, qui ont professé avec plus de profondeur, d’érudition et de clarté, et qui ont uni la sainteté à l’éloquence, conformé leur vie à leur doctrine. Ils disaient et faisaient. Ceux-ci, elle leur a donné le titre officiel de docteurs de l’Église. Chacun d’eux a son génie particulier, on peut même dire qu’aucun ne se ressemble, ils sont comme ces étoiles qui brillent au firmament, qui sont toutes admirables mais qui diffèrent pourtant en intensité de lumière et en splendeur.

Nous n’avons pas à les comparer, l’Église elle-même ne l’a pas fait mais nous devons les étudier pour nous inspirer de leurs paroles comme de leurs exemples. Pour nous, saint François étant un de nos saints Patrons, il nous faut donc l’aimer et le suivre en particulier.

 

I

Qui dit docteur de l’Église dit savant, non pas dans la science profane, mais dans la science divine, la science de la vérité, de la religion, qui nous fixe dans la connaissance et l’amour de Dieu, ou qui nous ramène à lui si nous avions eu le malheur de le quitter. La science profane n’est point négliger, et nous sommes loin de la condamner, sauf dans le cas où elle se dresse contre Dieu ; car alors elle n’est plus la science, elle est l’erreur. Elle nous charme, elle nous étonne, elle nous inspire parfois une juste fierté par ses éblouissantes découvertes ; mais elle ne nous apprend guère touchant notre âme, touchant nos destinées. Si nous voulons savoir d’où nous venons et où nous allons, quelle est l’origine de l’homme et le terme, l’aboutissement de ses efforts et de sa vie, c’est la science divine qu’il faut consulter, ce sont les docteurs de l’Église qu’il convient d’interroger.

Saint François de Sales, parce qu’il a vécu dans un temps rapproché du nôtre, et parce qu’il a écrit dans notre langue, nous plaît davantage. Son langage jeune, élégant et fleuri nous fait mieux comprendre et accepter les grandioses vérités de la foi. Ce qui le caractérise, c’est que sa science tend toujours à la piété ; elle s’adresse au cœur parce qu’elle vient de son cœur très pur qui a vu Dieu, elle nous ravit par son onction et sa douceur. Ceux qui ont reçu des grâces de suavité perdent ordinairement en force tout ce qu’ils accordent à la bonté, ils sont volontiers d’une compatissance qui voisine avec la faiblesse. Pour attirer les âmes, il est de mode aujourd’hui de jeter un voile sur les aspérités du devoir et sur la rudesse de la doctrine. Il n’en fut pas ainsi de saint François de Sales ; et voici son autre caractéristique : c’est que jamais il ne diminua la vérité. Il convertit les âmes par sa manière éminemment persuasive, mais sous sa douceur réelle on trouve constamment une indomptable fermeté.

Dieu lui avait donné en partage un esprit pénétrant, une humeur aimable, avec un cœur très tendre. Ajoutez qu’il avait, dit son historien, un corps bien fait, un visage attrayant, une voix charmante. Aussi à Annecy comme au Collège de Navarre, à Paris, il est aimé de tous ses maîtres, et, par son travail assidu, il garde le premier rang. Il garde surtout sa pureté de cœur qui lui fait mieux saisir encore les mystères divins ; il la confie à la Sainte Vierge à qui il s’est voué tout enfant, comme à la plus douce et la plus miséricordieuse des mères. Dans ses tentations c’est à elle qu’il recourt, car il eut à lutter non seulement contre les tentations de la chair, mais contre celles de l’esprit, qui sont l’épreuve et l’écueil de ceux qui étudient. Le démon lui disait et redisait qu’il n’était pas en état de grâce, et donc qu’il allait droit à l’inévitable damnation.

Alors il faisait cette belle prière : « Seigneur, si je ne dois point vous voir, faites au moins que jamais je ne vous maudisse ni ne vous blasphème. Et si je ne puis vous aimer en une autre vie, eh bien je mettrai mon temps à profit pour vous aimer durant cette trop courte existence. »

Il voulait tout apprendre, tout savoir ; non point pour satisfaire une vaine curiosité, mais pour acquérir des lumières, des armes nouvelles, afin d’éclairer les âmes, de combattre pour elles. C’est pourquoi, à peine âgé de dix-huit ans, ses études achevées à Paris, il va pendant six années s’asseoir au pied de la chaire du plus grand jurisconsulte de son temps, à Padoue. Le jour où il conquit son titre de docteur en droit, il voulut remercier ses maîtres, mais ce fut surtout pour proclamer son amour de Jésus-Christ et sa résolution bien arrêtée de rester fidèle à l’Évangile : « Ô Loi éternelle, règle de toutes les lois ! s’écria-t-il devant les quarante-huit docteurs qui l’avaient félicité, mettez votre loi au milieu de mon cœur, et que le chemin de vos justifications soit ma loi ; parce que bienheureux est celui que vous instruirez, Seigneur, et à qui vous enseignerez votre loi ! »

L’onction de sa parole, son humilité sa pureté de cœur qui rayonnait sur son front, lui avaient conquis tous ceux qui avaient joui de la grâce de son commerce. Aussi le plus brillant avenir s’ouvrait devant lui. Il n’a que vingt-cinq ans, et déjà il est accepté à Chambéry comme avocat du Sénat de Savoie. Avec quels accents il célèbre alors la Justice, « la plus belle des vertus » descendue du ciel et née de Dieu, le lien du monde, la part des nations, le soutien de la patrie, la sauvegarde du, peuple ; la force d’un pays, la protection du faible, la consolation du pauvre, l’héritage des enfants, la joie de tous les hommes et l’espérance d’un bonheur éternel pour ceux qui l’administrent dignement ! Quel langage élevé, mais aussi quels hommes que ceux à qui on pouvait le tenir ; et qui écoutaient ; en interrogeant leur conscience, ces paroles de sagesse qui s’épanouissaient sur ces lèvres jeunes et gracieuses !

Dirai-je que le docteur d’Annecy reçut la plus haute approbation qui soit au monde, celle du pape Clément VIII, qui, émerveillé de tout ce qu’il entendait dire de François, voulut dans un examen solennel, qu’il présida lui-même, mettre en relief une science, un mérite hors de pair qui réjouissait déjà l’Église. François n’avait que trente-deux années quand il comparut devant des hommes comme Baronius et Bellarmin qui étaient alors les lumières de Rome, et dont les siècles n’ont point fait pâlir la gloire. Quand il l’eut entendu, le Souverain Pontife descendit de son trône et lui appliqua ces paroles de l’Écriture : « Buvez, mon fils, de votre puits et des eaux de votre fontaine. Répandez vos flots au dehors et partagez vos eaux sur les places publiques. Bibe, fili mi, aquam de cisterna tua. »

Aussi bien avait-il déjà évangélisé, sur sa propre demande le Chablais, livre à l’hérésie, où il ne pénétra qu’au péril de sa vie, où il ne s’établit qu’à force de patience, de courage et d’intrépidité.

Cette province est toute paralytique, mandait-il à son évêque, Mgr de Granier, et avant qu’elle puisse marcher, je pourrai bien penser au voyage de la vraie patrie. Il se trompait, elle se releva vite et se mit à marcher, les peuples se convertirent en masse, attirés par cette éloquence aimable, claire et tout apostolique. Sa manière est celle des Pères de l’Église Il ne s’arrête pas aux détails sans fin de l’erreur, aux objections et aux difficultés de chacun ; il ne viendrait jamais à bout de ce travail. Il expose la doctrine de Jésus-Christ dans toute son ampleur, il montre que l’enseignement de l’Église remonte aux Apôtres, qu’il est exact, solide, sincère, également appuyé sur l’Écriture et sur la raison. Sa parole lumineuse ressemble aux rayons du soleil qui éclairent jusque dans les recoins pleins d’ombre, et font disparaître les ténèbres de la nuit. Les objections se résolvent d’elles-mêmes, les difficultés s’évanouissent et les peuples accueillent, acclament la vérité présentée avec tant de science, de simplicité et d’onction.

Cependant il ne fuit ni la controverse ni les contradictions, il les provoque ensuite au contraire. Ceux que ses discours n’ont fait qu’ébranler, mais qui cherchent de bonne foi la vérité du Christ, viennent l’entretenir et il leur consacre de longues heures, de longues journées. Il est généreux de son temps pour les autres, il est délicat, attentif et aimable. Notre saint, dont le temps est si précieux et si bien employé, estime qu’il le doit tout entier à tous et à chacun pour les amener tous et chacun à Jésus-Christ. Il discute avec d’Avully presque tous les jours dans un lieu écarté, à une lieue de Thonon, sous les grands arbres de la forêt, et là, dans la solitude, l’Écriture Sainte à la main, il lui montre que les hérétiques ont falsifié les textes, dénaturé la doctrine, accumulé des nuages afin de tenir la lumière captive. Il convainc de même Pierre Poncet, avocat de Gex, et tous deux font enfin généreusement leur abjuration publique C’étaient des âmes sincères et pures.

Il n’en alla pas de même de Théodore de Bèze, que le pape Clément VIII lui avait recommandé de visiter, car cet homme jouissait d’un grand crédit auprès des protestants et il avait une juste réputation de science. Plusieurs fois notre saint essaya de le convertir, il le convainquit même que la vérité enseignée par l’Église est en tout conforme à celle des Pères des cinq premiers siècles. Bèze n’avait pas assez étudié les Pères, parce qu’il n’acceptait pas l’autorité de la tradition qui est consignée dans leurs écrits, et qu’il se confinait dans le libre examen. Comment pourrions-nous comprendre sûrement les vérités chrétiennes si l’Église ne projette pas sur elles son flambeau, si nous voulons ignorer ce que nos aïeux, ce que les Pères, ce que les Apôtres ont cru et pensé ; si répudiant ces certaines et magnifiques lumières, nous n’acceptons que les humbles et vacillantes lueurs de la raison ? Quand des jurisconsultes éminents étudient un texte de loi, ils commencent par examiner les arrêts de Cour qui en précisent le sens et rien n’est plus raisonnable N’est-ce pas ainsi qu’il faut aussi expliquer les textes de l’Écriture et les prescriptions de l’Église, si nous entendons demeurer dans la pure doctrine ?

Bèze pourtant convenait que l’Église romaine est la vraie Église ; mais il prétendait aussi se sauver dans la religion réformée qui facilitait le chemin du ciel, disait-il, et qui enseignait que les actes de pénitence n’étaient que de conseil. Au fond il n’était retenu que par ses passions ; et s’il ne revenait pas à Dieu, c’est qu’il n’avait pas le cœur pur, il ne pouvait donc jouir du bonheur de la vision sereine de la parole divine. Beati mundo corde.

La vision sereine de Dieu lui-même, François eut le bonheur d’en jouir le jour même de son sacre. Il demeura en extase sans aucun mouvement, puis, quand il revint à lui, pendant que le prélat consécrateur accomplissait les cérémonies prescrites par l’Église, il voyait clairement et distinctement la Sainte Trinité qui agissait dans son âme et la transformait, à mesure que se poursuivaient les rites mystérieux. Son visage d’ailleurs était rayonnant comme s’il eût été illuminé par un soleil demeuré invisible aux assistants. Jusque-là il avait déjà le sentiment habituel de la présence de Dieu désormais ce sentiment se fortifie de la réalité mystique dont il a joui. Il parle de Dieu comme s’il le voyait, sa parole mesurée revêt une onction, une grâce nouvelle, parce que sans cesse son amour s’accroît. Il cherche Dieu partout et il le trouve partout : « J’ai rencontré Dieu, mande-t-il à Mme de Chantal, j’ai rencontré Dieu tout plein de douceur et de suavité, même parmi nos plus hautes et plus âpres montagnes, où beaucoup d’âmes simples l’adoraient en toute sincérité et vérité ; où les chevreuils et les chamois couraient çà et là, parmi les effroyables glaces, pour annoncer ses louanges. Faute de dévotion, je n’entendais que quelques mots de leur langage ; mais il me semblait qu’ils me disaient de bien belles choses. » Saint François d’Assise, qu’il était si fier d’avoir pour patron, n’aurait pas parlé avec plus de suavité pénétrante et voyante. Ces deux âmes avaient les mêmes affinités de bonté et de grâce, les mêmes visions divines, parce qu’ils avaient le cœur pur.

II

C’est ainsi que par sa douceur persévérante, par sa persuasivité irrésistible, ii faisait la conquête des âmes. « Donnez-moi un hérétique, disait le grand cardinal du Perron, je me charge de le convaincre ; mais pour le convertir, il faut le conduire à l’évêque de Genève. » S. François de Sales trouvait dans son cœur d’apôtre des traits d’amour, des traits de feu qui pénétraient les âmes. Il savait, dit Bossuet, que la chaleur entre bien plus avant que la lumière, Celle-ci ne fait qu’effleurer et dorer légèrement la surface ; la chaleur pénètre jusqu’aux entrailles pour en tirer des effets merveilleux. Toutefois il n’était pas homme à sacrifier en rien les droits de la vérité Dieu suscita en ces temps troublés deux hommes de caractère très dissemblable. Charles Borromée et S. François de Sales : l’un austère et énergique, d’une foi profonde, d’un zèle inlassable, porté aux mortifications les plus effrayantes visitant par devoir et par amour son diocèse jusqu’aux gorges les plus sauvages, jusqu’aux cimes neigeuses, jamais content de lui et convaincu qu’il ne s’était pas acquitté des obligations de sa charge pastorale comme l’exigeait la dignité du Maître qu’il représentait, tremblant à la pensée de ses responsabilités ; l’autre plus aimable, également mortifié, mais jetant sur ses mortifications un sourire qui les déguisait, faisant accourir des milliers d’hérétiques qu’il retenait par ce charme de sa personne et de sa parole, ne reculant non plus ni devant les fatigues, ni devant les périls, poursuivi par les sectaires et ne désirant que le martyre. L’un était la force : il réforma le clergé de son Eglise de Milan et rendit ses prêtres zélés et pieux comme lui ; l’autre fut la douceur et il convertit le peuple, il ramena la piété dans le monde qui ne la connaissait plus. Mais tous deux, d’une sainteté éminente et passionnés pour le salut des âmes : Charles Borromée se signalant par des condescendances charmantes afin de gagner les Suisses qu’il évangélisait. François apportant à sa douceur une fermeté calme et invincible, une tranquille autorité, ne transigeant point sur l’enseignement de l’Église et ne cédant pas une syllabe de la parole de Jésus-Christ qui ne passe pas.

Ce furent deux hommes providentiels. Mais si l’un s’appliqua plutôt à restaurer la hiérarchie, l’autre restaura la foi, la dévotion dans les classes élevées comme dans l’âme populaire. On s’imaginait que la dévotion était bonne pour les monastères et les cloîtres, et qu’il était impossible de la pratiquer dans le monde, François de Sales montre qu’elle est nécessaire partout et partout facile. Mais il ne l’enveloppe pas de vêtements qui empêchent de marcher, il ne la complique pas d’austérités extérieures qui effraient : il la fait voir simple, aisée, avenante et, si j’ose dire, bon enfant. Elle ne s’impose point par des dehors pompeux et olympiens ; avant tout elle doit être franche, joyeuse, elle laisse sur son passage un parfum de grâce et d’aménité, elle est obligeante pour le prochain et si elle fait de durs sacrifices, Dieu seul les connaît, Elle est la bonté qui recherche les misères et sourit aux malheureux. Le dévouement qui les recueille et panse leurs plaies du corps et de l’âme d’une main douce, et avec des paroles suaves. Elle est la perfection de la charité, et elle apparaît si belle, si agréable, si heureuse, que tous l’accueillent, l’admirent, et se laissent attirer par elle avec le désir de l’imiter.

Mais ne croyez pas, ajoute Bossuet, que notre saint l’ait déguisée pour la rendre plus agréable aux yeux des mondains : il l’amène dans son habit naturel, avec sa croix, avec ses épines, avec son détachement et ses souffrances

Comme il s’entend à peindre la vraie et la fausse dévotion ! Celui-ci fait beaucoup de prières, mais à l’égard des autres il n’a que des paroles « fières et fâcheuses » ; celui-là tient toujours sa bourse ouverte aux pauvres, mais il a le cœur toujours fermé à l’amour de son prochain. « Voilà l’erreur de beaucoup de personnes qui se couvrent de certaines pratiques extérieures de dévotion et que l’on prend pour très spirituelles et très dévotes ; mais au fond ce ne sont que des statues et des fantômes de dévotion. »

Pour lui, vous le voyez, dans la dévotion tout est vrai, tout est sincère ; point de trompe-l’œil, point de façade ambitieuse qui cache les lézardes de l’édifice. La pierre de touche de la dévotion, c’est l’amour du prochain. Qui n’aime pas le prochain ne peut se targuer de vertu ni de piété, il ne saurait même se prévaloir d’être sur le chemin du ciel, car ce chemin n’est émaillé que des fruits de la charité, et dans sa vie il n’y en a point. La vraie et solide dévotion, dit-il, c’est le vrai amour de Dieu. « Cet amour s’appelle grâce, parce qu’il embellit notre âme et nous rend agréables à la divine Majesté ; il s’appelle charité, parce qu’il nous donne la force de faire le bien ; il s’appelle dévotion quand parvenu à sa perfection, il nous fait opérer le bien avec soin, avec promptitude et fréquemment. » C’est toujours le bien du prochain qu’il a en vue. Remarquez ces trois mots : il faut le faire avec soin, c’est-à-dire avec zèle et sans négligence aucune ; avec promptitude, c’est-à-dire avec empressement, plaisir et bonne humeur ; fréquemment, c’est-à-dire sans se lasser, et rechercher les occasions d’être utile au prochain, et toujours dans le but supérieur de lui faire du bien, d’éclairer son âme, de la remettre sur la voie du salut, de la ramener à Dieu.

Mais il prévoit que cet amour du prochain a ses périls et qu’il peut s’y glisser quelque affection naturelle et sensuelle, qui non seulement en détruirait le mérite, mais chargerait la conscience d’un péché subtil qui peut être grave. Aussi fait-il cette recommandation : « Dès la première atteinte que votre cœur en ressentira, quelque légère qu’elle soit, tournez-le aussitôt de l’autre côté. Ayez recours en esprit à la croix du Sauveur, et prenez sa couronne d’épines pour en faire, comme parle la sainte Écriture, une haie à votre cœur. Vous avez devant vous votre ennemi. Ne dites pas : "Je lui prêterai l’oreille, mais je lui refuserai le cœur !" Pas d’entretien donc avec l’ennemi. Au lieu de l’écouter, fuyez ! D’ailleurs cette affection n’est pas véritable, car la véritable amitié ne peut subsister dans le péché. »

Il poursuit jusque dans ses derniers retranchements la vanité mondaine non seulement des paroles, mais des modes qui sévissaient alors comme à notre époque, tentatrices et immodestes. Il répond à celles qui se disent et se croient innocentes « On dit qu’on n’y pense pas mal, mais je réplique que le diable y pense toujours. » Il veut « qu’un homme dévot et une femme dévote soient les mieux habillés de la compagnie » ; et aussi, « comme il est dit dans les Proverbes, ornés de grâce, de bienséance et de dignité. »

Vous voyez si sa doctrine est aimable, indulgente, miséricordieuse ! Cependant, il ne cède rien des droits de la morale et de la vérité, rien !

 

Quelle belle doctrine, douce et ferme, agréable et précise, avec une sévérité joyeuse, avec un bon sens exquis, celui de la foi éclairée par la charité ; avec une certaine gaîté dans cet héroïsme obscur du devoir de chaque jour qui doit se renouveler tous les jours. Aussi demanderons-nous surtout à notre saint de nous obtenir cette grâce de parole et d’exemple qui attire et convertit, ainsi qu’une douce fermeté qui nous maintienne dans le devoir constamment aimé. Oui, aimer la Vérité dans la Charité !

 

Ainsi soit-il



[1] Mt. 5, 8.

[2] Monseigneur Marco Agostini, cérémoniaire pontifical, était présent au séminaire à l'occasion de la fête de Saint François de Sales.