ICRSP

Foi de Marie

Marie fut plus heureuse en recevant la foi du Christ qu’en concevant la chair du Christ, dit saint Augustin. Car à la femme qui lui disait : Heureux le ventre qui vous a porté, Jésus-Christ répondit : Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent (Lc II, 27-28). La parenté maternelle n’aurait servi de rien à Marie, si, plus heureusement pour elle, elle n’eût pas porté le Christ dans son cœur avant de le porter dans son sein (De sancta Virginitate).

Heureuse, vous qui avez cru, dit Elisabeth à Marie ; car ce que le Seigneur vous a dit s’accomplira : Beata quæ credidisti, quoniam perficientur ea quæ dicta sunt tibi a Domino (Lc I, 45). Marie a foi en ces paroles ; elle ne doutait point, dit saint Bernard, qu’elle était choisie pour cet incompréhensible mystère, pour cet admirable commerce, pour ce sacrement inscrutable, croyant qu’elle était Mère du Dieu fait homme (In Nativit. B. Mariæ, serm. 3).

La foi de Marie, dit saint Bernardin de Sienne (De Laudibus virginitatis, cap. 11), la portait à la sagesse, à s’élever des choses sensibles aux choses invisibles, et à méditer les merveilles spirituelles ; à séparer le faux du vrai ; à se réjouir en Dieu et à se plaire en son bon vouloir. Ainsi, par sa foi, son âme tout entière était environnée, pénétrée des lumières surnaturelles pour contempler Dieu. Elle croit parfaitement aux paroles de l’ange, et elle dit : Qu’il me soit fait selon votre parole. La charité qui croit tout, comme le dit l’Apôtre (1 Co XIII), était consommée en elle. Alors elle donne pleinement son consentement à la volonté de Dieu pour devenir dignement sa Mère ; elle plut à Dieu par sa parfaite volonté gouvernée par la foi, et par sa foi sublime et son ardent amour, elle conçoit le Fils de Dieu et l’enfante. Ce n’est donc pas sans raison que la stérile sainte Elisabeth, devenue féconde par un miracle, lui parle de sa grande foi et lui dit : Heureuse, vous qui avez cru ; car ce que le Seigneur vous a dit s’accomplira. Et en cela les femmes, et surtout les vierges, sont instruites dans la vérité pour imiter la Vierge dans la pureté de sa foi, sont invitées à croire tout ce que Dieu enseigne, mais à ne pas croire à toutes choses indistinctement, comme saint Jean les avertit, disant : Ne croyez pas à tout esprit, mais éprouvez les esprits, s’ils sont de Dieu : Nolite omni spiritui credere, sed probate spiritus, si ex Deo sint (1 Jn IV, 1).

La foi de Marie apparaît premièrement en ce qu’elle croit ce qui paraît incroyable ; deuxièmement en ce qu’elle croit à des choses merveilleuses ; troisièmement en ce qu’elle croit à des choses aimables. Elle ne tait pas, elle ne dissimule pas, elle ne nie pas ce qu’elle croit ; mais elle donne un consentement plein de foi, disant : Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole. Tous les fondements de notre foi sont proposés à la Vierge ; elle ne peut donner son consentement qu’appuyée sur ces fondements. Elle croit ce qu’elle n’a jamais ouï dire ; elle croit ce qui est au-dessus de la nature ; elle croit qu’elle sera coopératrice dans une si grande merveille.

Heureuse, vous qui avez conçu ; car ce que le Seigneur vous a dit s’accomplira. La foi rend heureuse la Vierge, dit saint Bonaventure. Vous êtes heureux, Simon, fils de Jean, dit Jésus à Pierre ; car ni la chair ni le sang ne vous ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux (Mt XVI, 17). Heureux ceux qui n’ont point vu et qui ont cru, dit Jésus à Thomas (Jn XX, 29). La foi fait les hommes bons, parce qu’en commençant le mérite elle dispose à la consommation de la récompense. Marie a cette foi, que celui qui a commencé cette bonne œuvre en elle la consommera jusqu’au jour du Christ Jésus (Ph I, 6). Et cela s’est fait à bon droit en Marie. Heureuse donc, vous qui avez cru, parce qu’en croyant vous avez conçu, et qu’en concevant vous avez procuré à tous la béatitude (Exposit. in 2 cap. Lucæ).

La foi de Marie, dit Louis de Grenade (De l’Annonciation de la Vierge), se fit voir dans un merveilleux éclat en son annonciation ; elle ne douta point des grandes choses que l’ange lui déclara, elle ne lui en demanda aucune preuve, comme Zacharie, quoiqu’il parût bien plus extraordinaire qu’une vierge enfantât, qu’une femme stérile, et de voir naître un Dieu que de voir naître un homme. La Vierge, comme vraie fille d’Abraham, se rendit imitatrice de sa foi. Comme ce patriarche crut qu’après avoir immolé son fils Dieu était assez puissant pour le ressusciter et ne le laisser pas sans enfant, Marie crut que, demeurant vierge, elle serait mère, parce qu’il n’y a rien que la toute-puissance de Dieu ne puisse faire. Et aussi tous les saints Pères enseignent que, lorsque la Vierge demanda : Comment cela se fera-t-il ? Elle ne douta nullement de la chose, mais qu’elle s’informa seulement du moyen par lequel elle s’accomplirait ; qu’elle crut sans hésiter qu’il était facile à Dieu de faire ce qu’il promettait, mais qu’elle souhaita de savoir le moyen que Dieu prendrait pour opérer un si grand miracle sans nuire à sa virginité qu’elle lui avait vouée. Mais l’ange, connaissant la sincérité de son cœur, la satisfit sur-le-champ en l’un et en l’autre, lorsqu’il lui dit qu’elle aurait un Fils et qu’elle demeurerait vierge, et qu’ainsi elle aurait le contentement d’être mère sans perdre sa virginité.

La foi, que saint Paul appelle la base de notre espérance, et saint Paulin l’entretien et la nourriture de toutes les bonnes actions, s’est trouvée si parfaite en la sainte Vierge, dit le P. Poiré (4ème traité, chap. 11), que le grand évêque d’Avila (Paradox. 1, cap. 31) l’a bien osé nommer le chef de tous les croyants : non que ce titre n’appartienne proprement et principalement à son très honoré Fils, qui est par excellence le chef de tous les élus, et par conséquent de tous les croyants ; mais la sainte Vierge a un droit spécial à cette prérogative. Car la foi n’ayant point trouvé de place dans l’âme du Sauveur, qui est la science infinie et l’intelligence illimitée, c’est Marie qui a porté la foi à son plus haut point de perfection. Et pour descendre plus au particulier, il est certain que sa foi a été douée de trois qualités éminentes, qu’elle a été très clairvoyante, très simple et très constante.

Je dis très clairvoyante ; car avant la promulgation de la loi d’amour, avant tous les discours des prédicateurs, avant les millions de prodiges, avant la confession des martyrs, et avant tant d’autres marques qui confirment aujourd’hui notre foi, Marie a cru plus vivement et plus distinctement que nul autre le mystère de la Très Sainte Trinité, ceux de l’incarnation, de la rédemption, de la glorification de son Fils, et ainsi de tous les mystères. Et, comme l’enseigne saint Bernard (Epist. 77), elle a été la première des pures créatures qui a eu la claire connaissance de toutes les circonstances particulières de l’économie de notre salut. C’est pour cela que le saint archevêque de Tolède (Serm. 4 de Assumpt.) lui donne le beau titre de clairvoyante en la foi, et saint Grégoire le Thaumaturge (Orat. 2 de Annuntiat.) l’appelle le réservoir et le cabinet de tous les mystères. Vous savez, ô sainte Vierge, lui dit-il (Orat. 1 de Annuntiat.), ce que les patriarches ont ignoré ; vous avez appris ce qui jusqu’à présent n’avait point été révélé aux anges ; vous avez ouï ce que tant de prophètes inspirés de Dieu n’avaient jamais entendu. Moïse, David, Isaïe, Daniel, et tant d’autres, ont parlé hautement des mystères de notre salut, il est vrai ; mais il s’en faut bien qu’ils aient pénétré comme vous la manière dont ils se devaient accomplir. En un mot, ce qui est caché à tous les siècles passés vous est découvert ; mais vous avez eu, en outre, cela de propre et de particulier, que l’exécution de la plupart de ces merveilles dépend encore de vous.

Sa foi a été très-simple, en ce qu’elle a passé par-dessus toutes les considérations qui étaient capables de l’ébranler et de lui donner de la peine. Il n’était rien au monde de plus humble qu’elle, disent les Pères, et jamais pure créature n’eut plus basse opinion d’elle-même.

D’ailleurs, c’était une chose inouïe qu’une vierge pût concevoir, et la qualité de Mère de Dieu dépassait tout ce que peut concevoir l’esprit humain et même l’esprit angélique. Et cependant, sans nulle difficulté, sans contradiction, sans objection, à la première parole de l’ange, elle crut qu’elle serait Mère de Dieu et vierge tout ensemble ; et à la première proposition qui lui en fut faite, elle accepta l’honneur que la Très Sainte Trinité lui offrait, et avec ce consentement si franc et si ouvert, elle mérita (je le dis après saint Augustin, sermon 16 sur la Nativité du Seigneur) d’ouvrir le ciel, qui jusque là avait été fermé. Car, en effet, nous pouvons bien dire avec saint Anselme que la foi de Marie fut la porte par laquelle Jésus, notre Réparateur, vint au monde. Sa foi ouvrit le ciel quand elle donna son consentement aux paroles de l’ange : Fides Mariæ cœlum aperuit, cum angelo nuntianti consensit. Disons encore mieux que ce fut la porte par laquelle entrèrent avec Jésus des merveilles sans fin, qui ne devaient être accomplies qu’en la très-sacrée Vierge. C’est ce qu’entendait sa cousine Elisabeth quand elle lui dit : Vous êtes bienheureuse pour avoir ajouté foi à la parole de l’ange, d’autant que tout ce qui a été dit de la part du Seigneur sera de point en point effectué en vous.

Sa foi fut très constante, en ce qu’elle ne se démentit jamais, même dans les conjonctures les plus difficiles. La Vierge fut la première qui vit Dieu réduit à la pauvreté et ayant besoin de son secours. Elle vit la force infirme, la sagesse enfantine, la majesté tremblante. Elle vit le Roi de gloire mener une vie d’artisan ; elle le vit dénué de force pour se défendre, et sans nulle assistance des siens, cloué sur une croix ; elle vit tout cela et bien d’autres choses, et elle le vit sans défiance, sans trouble, sans agitation d’esprit. Au contraire, elle vit des merveilles de grandeur au travers de cet abaissement, et jamais elle ne douta que ce qui lui avait été révélé ne dût être accompli jusqu’à la moindre circonstance. Elle ne le crut pas seulement de cœur, mais elle en fit profession publique au pied de la croix quand l’orage de la persécution avait écarté les plus courageux et les plus zélés disciples et apôtres du Sauveur, et de tout son pouvoir elle s’employa à les ramener au bercail comme de pauvres brebis égarées.

À l’exemple de la Mère de Dieu, ses chers enfants s’étudieront, en premier lieu, à avoir une foi vive, ou, comme parle l’Apôtre, à avoir les yeux de la foi clairvoyants. Ils prendront plaisir à s’exercer à la méditation des mystères de la foi, et à pénétrer le plus avant qu’ils pourront dans cette divine science, se souvenant que le Sauveur du monde, en saint Jean, enseigne qu’en la foi consiste la vie éternelle, c’est-à-dire la félicité de l’homme qui se commence en cette vie et qui se perfectionne dans l’autre, et que saint Paul, en considération de cette divine lumière, fait litière de tout ce qui a quelque apparence de douceur, de beauté ou de grandeur en ce monde. Ils diront souvent avec les saints apôtres : Augmentez en nous la foi. Seigneur, surtout lorsqu’elle rencontrera quelque point qui aura besoin d’un entendement éclairé, d’une lumière plus qu’ordinaire, ainsi que le dit élégamment saint Jean Chrysostome, expliquant le psaume 44ème.

Mais si notre divine Mère est bien heureuse d’avoir cru, soyons assurés que l’imitation de sa foi nous fera participer à son bonheur.

Le royaume des cieux est semblable à la foi de Marie, dit saint Bernard, parce que la ruine des anges a été réparée par cette vertu de la très pure Vierge. Travaillons donc à former souvent des actes de foi sur tout ce que la religion enseigne ; croyons simplement toutes les vérités catholiques, toutes les maximes de l’Évangile.

C’est encore une partie de la foi de demeurer soumis et attaché au Saint-Siège ; estimer les moindres cérémonies de l’Église, les indulgences, les confréries et toutes les dévotions approuvées ; en parler toujours avec respect ; condamner ceux qui condamnent ces choses, et les fuir. Attachons-nous à tout ce que l’Église nous propose de croire. L’unique moyen pour entendre les vérités que la foi nous enseigne, c’est de les croire avec une parfaite soumission, puisque Dieu cache ses secrets aux sages et aux prudents du siècle, et qu’il les révèle aux petits et aux humbles.

Marie, dit Suarez (Quæst. 37, sect. 1), eut dans cette vie la foi des mystères de Dieu, parce que dans le voyageur la foi est le fondement de la sainteté et de la justice ; mais tant que la bienheureuse Vierge fut dans un corps mortel, elle fut voyageuse et sainte ; elle marcha donc toujours par la foi, parce que sans la foi elle n’aurait pas pu plaire à Dieu. C’est pourquoi, en saint Luc (Lc II), elle est proclamée heureuse, parce qu’elle crut.

Il est évident que cette foi fut très parfaite en la Vierge, soit du côté du sujet, dans lequel elle fut très forte et absolument certaine, excluant tout mouvement de doute même indélibéré, soit du côté de l’objet. Par cette foi, en effet, elle crut très distinctement les mystères de la Trinité et de l’incarnation, et tout ce qui appartient à la Divinité et à l’humanité. Ainsi l’enseignent les Pères. La raison en est que la bienheureuse Vierge avait tout don et toute perfection de la grâce sanctifiante qui a été communiquée aux anges et aux hommes, et même d’une manière plus excellente ; mais toute cette perfection de la foi appartient aux dons de la grâce était parfaite en elle, afin qu’elle fût proportionnée à une sainteté et à une justice si grandes.

La lumière de la foi, dit Vincent Contenson (Marialogia, lib. 10, dissert. 6, speculat. 2), accompagnait en Marie la plénitude de la grâce. Heureuse, vous qui avez cru, lui disait sainte Elisabeth (Lc I). Sa foi fut parfaite, ferme, inébranlable ; c’est pourquoi elle remporte avec droit la victoire sur toutes les hérésies. Le cortège des dons intellectuels ornait sa foi au suprême degré. Denys le Chartreux en donne la raison que voici : le Seigneur Jésus, source abondante de sagesse, remplissait de sa sagesse sa divine Mère plus que tout autre. D’où il suit qu’elle était abondamment pourvue de toute prudence, de toute science, partout et toujours, et rendait parfaites et sacrées toutes ses actions, toutes ses démarches.

Marie, dit saint Liguori (Vertus de Marie), est la Mère de la foi. Le dommage qu’Ève causa par son incrédulité, Marie le répara par sa foi, dit saint Irénée. Marie, en consentant à l’incarnation du Verbe, dit saint Augustin, ouvrit par le moyen de sa foi le paradis aux hommes. C’est à cause de cette foi que sainte Elisabeth appela bienheureuse la Vierge.

Suarez dit (ut supra) que la sainte Vierge eut plus de foi que tous les hommes et tous les anges ensemble. Elle voyait son Fils dans l’étable de Bethléem, et le croyait le Créateur du monde ; elle le voyait se dérober à la fureur d’Hérode, et le reconnaissait pour le Roi des rois ; elle le vit naître, et le crut éternel ; elle le vit pauvre, manquant d’aliments, et le crut Maître de l’univers ; elle le vit couché sur le foin, et l’y adora comme tout puissant ; elle s’aperçut qu’il ne parlait point, et crut qu’il était la Sagesse infinie ; elle l’entendait pleurer, et croyait qu’il était la joie du paradis ; elle le vit à sa mort méprisé et crucifié, mais quoique les autres ne conservassent alors qu’une foi chancelante, Marie crut toujours fermement qu’il était Dieu. Marie, à raison de sa foi vive, mérita d’être établie la lumière de tous les fidèles, selon saint Méthode ; la Reine de la foi catholique, selon saint Cyrille d’Alexandrie ; et l’Église attribue à la foi de Marie l’extirpation de toutes les hérésies.

Il faudrait être aveugle, dit Cornelius a Lapide (Comment. in Cant.), pour soutenir que la raison nous fournit une preuve suffisante de lumière par rapport à la morale et au dogme surtout, et conséquemment que la révélation et la foi sont inutiles. Car premièrement il n’y a que la foi qui puisse nous montrer la vraie cause de notre corruption et nous indiquer le remède de nos maux ; deuxièmement il n’y a qu’elle qui puisse nous apprendre quelle est notre dernière fin et nous y conduire ; troisièmement il n’y a qu’elle qui puisse nous préserver de plusieurs erreurs capitales, contraires à la loi même de la nature, qui se trouvent mêlées parmi les belles maximes que débitent les philosophes païens ; quatrièmement il n’y a qu’elle qui puisse nous enseigner les vertu les plus essentielles à notre bonheur : l’humilité, le renoncement à soi-même, l’amour des ennemis, le pardon des injures, la résignation à la volonté de Dieu, la pureté, la virginité, etc. Quelques païens parlent de ces vertus, mais ils ne donnent pas des motifs suffisants pour décider l’homme à les pratiquer ; et s’ils en parlent, c’est parce qu’ils les ont apprises du christianisme.

Il n’y a pas, dit saint Augustin, de richesses comparables, il n’y a point de trésors, aucun honneur, aucune chose dans le monde qui soit au niveau de l’excellence de la foi. La foi catholique sauve les pécheurs ; elle éclaire les aveugles, guérit les infirmes, baptise les catéchumènes, justifie les fidèles, réhabilite les pénitents, multiplie les justes, couronne les martyrs (Serm. 1 de Verbis Apostoli).