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Marie comparée à l'Arche d'alliance

(La Sainte Vierge d'après les Pères, Abbé Jean-André Barbier, édité par F. Girard en 1867. Tome I, chapitre 9.)

L'arche d'alliance est la figure de la sainte Mère de Dieu, dit saint Bernard ; l'une est l'œuvre de Béséléel, l'autre est le chef-d'œuvre de la puissance divine (De B. Maria serm., Ave Maria). Béséléel fut aidé par Oliab ; la Vierge des vierges a été créée, choisie, préservée, préparée et ornée par le Saint-Esprit et par celui qu'elle a enfanté dans le temps. Béséléel veut dire ombre de Dieu; Oliab, ma protection. Le premier représente le Saint-Esprit, le second le Fils. Béséléel fabriqua l'arche de concert avec son associé; la sainte Trinité sanctifia pour elle la Vierge, consacra ce très-saint temple, s'y prépara une demeure très-pure, et prépara admirablement ce lit sacré d'où sortirait pour se faire connaître l'Epoux le plus beau parmi les enfants des hommes.

Levez-vous, Seigneur, dit le Psalmiste (Ps CXXXI, 8), entrez dans votre repos, vous et l'arche de votre sainteté : Surge, Domine, in requiem tuam; tu et arca sanctificationis tuæ. Marie est la véritable arche, toute brillante d'or à l'intérieur et à l'extérieur, l'arche qui a reçu le trésor entier de la sanctification.

L'arche d'alliance était de bois de cèdre incorruptible, pour marquer la pureté de la bienheureuse Vierge Marie, qui fut très-pure d'âme et de corps, et qui, après sa mort, fut préservée da la corruption (Strabo, in cap. 25 Exodi).

Marie, Mère de Dieu, est l'arche d'alliance, dit Pierre de Celles, renfermant en elle-même tout ce qu'il y a de sacré dans le Créateur et dans la créature (Cap. 21, in libello de Panibus). La Vierge, dit saint Bonaventure, fut l'arche qui contenait par l'arche de Moïse, dont il est dit qu'elle renfermait les tables de la loi divine : Virgo fuit arca continens divinorum eloquiorum arcana. Et ideo per arcam Moysi designatur, de qua dicitur, quod continebat tabulas legis divinæ (Expositio in 2 cap. Lucæ).

L'arche d'alliance, dit le P. Poiré (2ème étoile, chap. 3, titre 3), a été une figure de la Mère de Dieu, tant à cause que les docteurs de l'Eglise en font mention, qu'à cause des grands mystères qu'elle contient et des excellents traits qui se rapportent à l'une et à l'autre. Car l'arche ancienne était gardée au lieu le plus retiré du temple, qui s'appelait le Saint des saints ; et au même endroit la sainte Vierge, véritable arche figurée, passa plusieurs années. Toute la sainte Trinité a élaboré ce temple, elle a apprêté ce logis. L'arche du Vieux Testament était faite d'un bois incorruptible, pour montrer que, lors même que la Vierge fût sortie d'une tige souillée par le péché, elle avait néanmoins été choisie et préparée par le Saint-Esprit, à raison de l'office pour lequel elle était élue de Dieu.

L'arche était revêtue d'or fin au-dedans et au-dehors, et la Vierge est enrichie du trésor de toute sainteté. L'une, dit saint lldefonse (Lib. de Partu Virginis), avait en elle ou près d'elle tous les plus secrets mystères de l'ancienne loi, et l'autre eut tous les trésors de la science et de la sagesse de Dieu, toutes les merveilles de la nouvelle loi. Elle a porté dans son sein la loi de Dieu et le Dieu de la loi; elle a eu longtemps près d'elle le Roi de gloire, la joie et la consolation des saints, je veux dire son bien-aimé Fils. Elle a porté au milieu de son cœur la loi de Dieu, et a eu près d'elle le vrai pain des anges qu'elle a donné au monde et la fleur des enfants des hommes. Voulez-vous l'envisager autrement? Je dirai que ces trois choses ont été les symboles de trois rares qualités qu'elle a singulièrement possédées : la sagesse, figurée par les tables de la loi; la droiture, par la verge d'Aaron, et la miséricorde, par la manne. L'arche était couverte et comme protégée par les ailes des chérubins, et la Vierge toujours assistée et accompagnée des esprits bienheureux. Celle-là était environnée d'une couronne, et celle-ci est ennoblie de mille victoires qu'elle a remportées sur les vices et sur les ennemis de Dieu; de plus, elle a autour d'elle ses bien-aimés enfants qu'elle chérit comme la couronne de sa gloire, pour parler avec le prophète Isaïe (Is LXII). Celle-là portait le nom de gloire de Dieu, et celle-ci en a les effets. Celle-là avait à ses quatre coins des anneaux d'or par où l'on passait les brancards qui servaient à la transporter d'un lieu à un autre, et celle-ci était, dans toutes ses facultés, remplie et pénétrée des dons du Saint-Esprit, qui lui donnait l'impulsion et réglait tous ses mouvements. Lorsque l'arche était élevée et posée sur les épaules des lévites, les prêtres entonnaient le cantique que Moïse avait composé (Nb X) : Levez-vous, Seigneur, dissipez vos ennemis et mettez en fuite tous ceux qui vous haïssent ; et à mesure qu'elle était remise en sa place, ils disaient : Retournez, Seigneur, à votre armée nombreuse d'Israël. De même, dit saint Bernardin de Sienne (Tom. 3, serin. 2, art. J, cap. 2), par l'exaltation de la Mère de Dieu, les forces de nos ennemis sont affaiblies, et avec elle vient toujours à nous la miséricorde de Dieu. Aussitôt que l'arche paraît, le Jourdain recule, les murailles de Jéricho sont renversées, l'idole de Dagon est abattue, et ceux qui la traitent sans respect sont châtiés. Ainsi, à la seule vue de la sainte Vierge, la résistance des cœurs obstinés est détruite, le torrent impétueux de la concupiscence et des passions s'arrête, le démon est vaincu, et tous ceux qui l'insultent tombent dans les mains de la justice vengeresse de Dieu. L'arche fut enfermée par le prophète Jérémie sur la montagne de Nébo, de peur qu'elle ne fût profanée par les mécréants, et depuis ce temps-là elle n'a été vue d'aucun homme mortel; mais elle est réservée au même endroit pour être produite aux derniers jours et pour renouer l'alliance entre Dieu et ce peuple désolé. Et la Vierge, par le dessein que Dieu inspira aux saints apôtres, fut enclose dans la pierre de Gethsémani, d'où elle a été tirée par les anges pour être placée sur le trône de gloire, où elle fait incessamment l'office d'avocate, réconciliant à Dieu les pécheurs égarés.

Écoutez maintenant la comparaison que fait saint Ambroise (Homil. 13) : L'arche, dit-il, contenait les tables de la loi ; Marie a reçu dans son sein l'héritier du Testament. L'arche portait la loi, Marie l'Évangile. Dans l'arche se faisait entendre la voix de Dieu ; Marie nous a donné le Verbe de Dieu. L'arche brillait d'un or très-pur ; Marie brillait intérieurement et extérieurement de toute la splendeur de la virginité. L'arche était décorée d'un or tiré des entrailles de la terre, Marie l'est d'un or céleste. C'est donc à juste titre que l'Église invoque Marie sous le titre d'arche d'alliance, fœderis arca. Quand vous verrez l'arche d'alliance du Seigneur votre Dieu, dit Josué au peuple, levez-vous et suivez-la : Quando videritis arcam fœderis Domini Dei vestri, consurgite et sequimini (Js III, 3). À la vue de Marie, nous devons nous lever, l'honorer, lui témoigner notre respect et marcher sur ses traces. À la vue de l'arche, la mer s'enfuit, le Jourdain recula : Mare vidit et fugit, Jordanis conversus est retrorsum (Ps CXIII, 3); à la vue de Marie, l'enfer recule. L'arche rendait le peuple de Dieu vainqueur; Marie nous assure la victoire sur le démon, sur le monde et sur nous-mêmes. Oza toucha imprudemment l'arche et fut frappé de mort ; quiconque attaque Marie vit et meurt misérablement. Placée dans la maison d'Obédédom, l'arche l'enrichit; celui qui accueille Marie est comblé de grâces et de faveurs. L'arche était placée dans le Saint des saints ; Marie ne veut et ne peut habiter que dans les cœurs purs.