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Le Jeudi Saint, le lavement des pieds des Apôtres a eu lieu « dans une pièce située au-dessous du cénacle dans la même maison », c’est pourquoi dans la sainte liturgie le lavement des pieds ne se fait jamais au chœur !

Les trois textes suivants l’attestent :

 

Ludolphe le Chartreux (1295 - 10 avril 1377), La Grande Vie de Jésus-Christ, tome 6, le lavement des pieds des apôtres (Jn XIII).

« Foulant donc aux pieds tout orgueil, "Jésus se lève de table" (Joan. XIII, 4) ; ses disciples se lèvent également aussitôt, sans savoir où il voulait aller, ni ce qu'il voulait faire. Il descend alors avec eux dans une pièce située au-dessous du cénacle dans la même maison ; car les Juifs en Palestine plaçaient la salle à manger dans la partie supérieure de leurs habitations et les chambres à coucher dans la partie inférieure. Il y avait autrefois sur cette montagne de Sion deux chapelles, desservies par des chanoines réguliers de l'ordre do saint Augustin sous la conduite d'un abbé. La chapelle supérieure était dans le lieu même où Notre-Seigneur fit la Cène et où le Saint-Esprit descendit sur les Apôtres ; la chapelle inférieure occupait l'endroit où le Sauveur lava les pieds de ses disciples et leur apparut après sa résurrection, les portes étant fermées. Auprès de ce dernier sanctuaire se trouvait le cimetière où avaient été ensevelis saint Étienne, Nicodème, Gamaliel et son fils Abibon, ainsi que plusieurs autres saints personnages.
Non loin de là on voyait aussi les tombeaux de David, de Salomon, et de plusieurs bons rois de Juda et de Jérusalem. Jésus, étant donc arrivé dans cette chambre basse, y fit asseoir tous ses Apôtres ; puis s'étant fait apporter de l'eau, quitta ses vêtements afin d'être plus dispos pour la fonction qu'il allait accomplir. »

 

Père Schmœger, Vie de Anne-Catherine Emmerich.

« Ils se levèrent de table, et pendant qu'ils arrangeaient leurs vêtements, comme ils avaient coutume de le faire pour la prière solennelle, le majordome entra avec deux serviteurs pour desservir, enlever la table du milieu des sièges qui l'environnaient et la mettre de côté. Quand cela fut fait, il reçut de Jésus l'ordre de faire porter de l'eau dans le vestibule, et il sortit de la salle avec les serviteurs. Alors Jésus, debout au milieu des apôtres, leur parla quelque temps d'un ton solennel. Mais j'ai vu et entendu tant de choses jusqu'à ce moment, qu'il ne m'est pas possible de rapporter avec certitude le contenu de son discours ; je me souviens qu'il parla de son royaume, de son retour vers son père, ajoutant qu'auparavant il leur laisserait tout ce qu'il possédait, etc. Il enseigna aussi sur la pénitence, l'examen et la confession des fautes, le repentir et la justification. Je sentis que cette instruction se rapportait au lavement des pieds, et je vis aussi que tous reconnaissaient leurs péchés et s'en repentaient, à l'exception de Judas. Ce discours fut long et solennel.
Lorsqu'il fut terminé, Jésus envoya Jean et Jacques le Mineur chercher l'eau préparée dans le vestibule, et dit aux apôtres de ranger les sièges en demi-cercle. Il alla lui-même dans le vestibule, déposa son manteau, se ceignit et mit un linge autour de son corps. Pendant ce temps, les apôtres échangèrent quelques paroles, se demandant quel serait le premier parmi eux ; car le Seigneur leur avait annoncé expressément qu'il allait les quitter et que son royaume était proche, et l'opinion se fortifiait de nouveau chez eux qu'il avait une arrière-pensée secrète, et qu'il voulait parler d'un triomphe terrestre qui éclaterait au dernier moment.
 Jésus étant dans le vestibule, fit prendre à Jean un bassin et à Jacques une outre pleine d'eau ; puis, le Seigneur ayant versé de l'eau de cette outre dans le bassin, ordonna aux disciples de le suivre dans la salle où le majordome avait placé un autre bassin vide plus grand que le premier.
 Jésus, entrant d'une manière si humble, reprocha aux apôtres, en peu de mots, la discussion qui s'était élevée entre eux ; il leur dit, entre autres choses, qu'il était lui-même leur serviteur et qu'ils devaient s'asseoir pour qu'il leur lavât les pieds. Ils s’assirent donc dans le même ordre que celui où ils étaient placés à la table, les sièges étant rangés en demi-cercle. Jésus allait de l'un à l'autre, et leur versait sur les pieds, avec la main, de l'eau du bassin que tenait Jean ; il prenait ensuite l'extrémité du linge qui le ceignait, et il les essuyait. Jean vidait chaque fois l'eau dont on s'était servi dans le bassin placé au milieu de la salle, et revenait près du Seigneur avec son bassin. Alors Jésus faisait, de nouveau, couler l'eau de l'outre que portait Jacques dans le bassin qui était sous les pieds des apôtres et les essuyait encore. Le Seigneur qui s'était montré singulièrement affectueux pendant tout le repas pascal s'acquitta aussi de ces humbles fonctions avec l’amour le plus touchant. Il ne fit pas cela comme une pure cérémonie, mais comme un acte par lequel s'exprimait la charité la plus cordiale. »

 

E. Le Camus, Dictionnaire de la Bible, 1899, article Cénacle.

Cénacle, du latin Cœnaculum, s’entend, dans le langage chrétien, de la salle où Notre-Seigneur prit son dernier repas pascal et institua la sainte Cène, ou le sacrement de l’Eucharistie. Cette salle, désignée par Marc, XIV, 15, et Luc, XXII, 12, sous le nom de anwgewn ou de anagaion miga était, d’après la composition même du mot, ana et gaian, un appartement au-dessus de terre, à un étage supérieur, appelé communément, Act., I, 13 (où il s’agit du Cénacle) ; IX, 37, 39 ; XX, 8, et Josèphe, Vit., 30, uperwon, « la partie supérieure de la maison, la salle haute. » Les Arabes la nomment aliyâh, de nom même que lui donnaient jadis les Juifs, II (IV) Reg., XXIII, 12, etc.

         I. Les chambres hautes en général. – Aujourd’hui encore cet appartement d’honneur se trouve dans toutes les maisons un peu importantes de l’orient. D’ordinaire il s’ouvre sur la terrasse, et on y aboutit par un escalier extérieur. C’est là qu’on reçoit les visiteurs, qu’on se recueille pour prier, qu’on se réunit pour converser, qu’on expose les morts avant la sépulture, qu’on donne les festins et les grands repas de famille. Jud., III, 20 ; II Reg., XVIII, 33 ; III Reg., XVII, 19 ; IV Reg., IV, 10, etc. En 1888, quand nous visitâmes Hébron, nous fûmes reçus et logés dans la salle haute d’une belle maison juive, à l’entrée de la ville. On y montait par un escalier extérieur. L’appartement avait une porte donnant sur la terrasse et une fenêtre ouverte sur la rue. La salle était voûtée et couverte par un dôme aplati. L’extérieur de la maison était peint en bleu pâle, l’intérieur de l’appartement était blanchi à la chaux. A Jaffa, la salle haute d’une maison, construite dans le jardin où l’on a cru retrouver la sépulture de Tabithe, était aussi abordée par un escalier extérieur ; mais, au lieu d’être voûtée en dôme, elle supportait une terrasse. Sur la terrasse étaient des vases de fleurs et des statuettes qui nous rappelaient les idoles placées au-dessus de la chambre haute du roi Achaz. IV Reg., XXIII, 12. L’appartement central commandait quatre portes donnant, deux à droite et deux à gauche, sur des chambres particulières. A Antioche, nous avons été reçus dans la salle haute des protecteurs de la mosquée Abib-el-Nadjar, qui formait, comme celle des Juifs d’Hébron, une pièce isolée sur la terrasse et donnait de trois côtés sur la rue. Intérieurement elle était ornée de grossières peintures et de larges blancs fixés dans la muraille. Ceux-ci contournaient les murs de la salle sans solution de continuité. Les Turcs qui nous recevaient fumaient accroupis sur des coussins. Les fenêtres y étaient nombreuses, et parfaitement disposées pour l’aération. C’est d’une de ces larges ouvertures, où il s’était installée pour avoir moins chaud, que le jeune Eutyque de Troade tomba, s’étant endormi en écoutant prêcher Paul jusqu’à une heure très avancée de la nuit. Act., XX, 9-14. Le pauvre enfant fut ramassé mort sur le pavé. La maison avait trois étages. Nous n’en avons jamais rencontré d’aussi haute dans nos voyages. Parfois les fenêtres ont des balcons en bois, ainsi que nous l’avons remarqué à Adana, et, s’ils ne sont pas solides, il peut arriver des accidents comme celui dont Ochozias fut victime à Samarie. IV Reg., I, 2.

         II. Histoire du Cénacle. – 1° D’après le Nouveau Testament. – Nous ne savons rien de précis sur les dispositions de la salle haute dans laquelle Jésus célébra la dernière pâque. Le texte évangélique nous apprend seulement qu’elle était vaste, mega, et convenablement meublée, estrwmenon etoimon, pour la circonstance. Un triclinium devait y être dressé. Voir Triclinium. Cf. E. Le Camus, Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, t. III, p. 172 et suiv. Le nom du propriétaire du Cénacle ne nous est pas connu. Jésus ne le dit pas aux Apôtres ; upagete pros ton deina, telle est la formule par laquelle il empêche Judas d’aller révéler au sanhédrin le lieu du repas pascal. Le Maître ne voulait pas être saisi par ses ennemis avant l’heure des pieux épanchements. Les uns ont supposé que le propriétaire était Nicodème ou Joseph d’Arimathie ; d’autres, la mère de Jean Marc. S. Silviæ Aquitanæ Peregrinatio ad loca sancta, edidit J. F. Gamurrini, 2e édit., in-4°, Rome, 1888, p. 70, 50. Ce fut certainement un prosélyte. Nous savons en effet, que le lieu où Jésus avait fait ses adieux aux Apôtres continua à être fréquenté par ceux-ci après la résurrection. On s’y trouvait sûrement dans une maison amie. La façon dont l’auteur du livre des Actes nous dit qu’après l’Ascension les disciples se retirèrent dans le Cénacle, Act., I, 13, suppose que ce Cénacle était un lieu connu de tous, qu’on s’y était réuni d’autres fois, et que ce fut là le premier sanctuaire de l’Église naissante. La tradition la plus ancienne est toute dans ce sens. Voir W. Cureton, Ancient Syriac Documents, in-4°, Londres, 1864, p. 24. Si l’on suppose, ce qui n’est pas invraisemblable, que les Apôtres et les premiers fidèles n’ont eu pendant longtemps à Jérusalem qu’un local pour leurs réunions générales, on sera porté à croire, puisque nous les trouvons, après la mort de Jacques et la délivrance miraculeuse de Pierre, dans la maison de Marie, mère de Marc, que celle-ci fut la propriétaire du Cénacle. En tout cas, nous savons que l’appartement était vaste, puisque Pierre, Act. I, 15, put haranguer cent vingt auditeurs ; qu’il avait des ouvertures sur la rue, puisque les passants entendaient, au matin de la Pentecôte, les disciples parler les diverses langues de l’humanité ; qu’il se rattachait à une série d’autres dépendances constituant une maison complète. C’est, en effet, dans une maison qu’on entre pour monter au Cénacle, Act. I, 13 ; c’est cette maison tout entière qui est envahie par le bruit de l’Esprit-Saint descendant sur les Apôtres. Act., II, 2.

         2° Histoire du Cénacle d’après la tradition. – Un lieu si plein de souvenirs, où Jésus avait pris son dernier repas avec les siens, institué la sainte Eucharistie, dénoncé le traître, prononcé ses discours d’adieu ; où le Crucifié était revenu vainqueur de la mort, Joa., XX, 19, 26, prouver à chacun, mais surtout à Thomas, qu’il était réellement ressuscité ; où l’Esprit-Saint avait communiqué aux disciples la lumière, l’énergie et la langue de feu qui devaient transformer le monde, resta particulièrement cher à la piété de tous, et quand même il n’aurait pas continué à être exclusivement le lieu de rendez-vous des fidèles et des Apôtres, il serait demeuré l’auguste relique de la première génération chrétienne. En supposant qu’il eût été ruiné pendant le siège de Titus, ce qui n’est pas certain, car l’effort de lutte ne fut pas au midi de la ville, mais au nord, le souvenir en eût survécu à sa catastrophe universelle et la piété de tous n’aurait pas tardé à relever les pierres du pieux sanctuaire. Aussi, dès le IVe siècle, saint Épiphane assure-t-il qu’il avait été épargné par les Romains et qu’il était fréquenté par les fidèles dès le temps d’Adrien. Cet auteur, Lib. de mens. et ponder., 14, t. XLIII, col. 261, décrivant l’état du mont Sion après la ruine de Jérusalem, assure qu’on y voyait « une église de modestes proportions, à l’endroit même où les disciples, revenant de la montagne des Olivers, après l’ascension, montèrent à l’étage d’en haut ». C’est ce sanctuaire que visita ensuite sainte Paule, vers 404 : « Ubi super centum viginti credentium animas Spiritus Sanctus descendisset. » Itiner. Terr. Sanct., édit. Tobler, Genève, 1877, p. 33. Les évêques de Jérusalem le signalent à la vénération de leur peuple, et saint Cyrille, vers 350, dans sa Catéchèse XVI, 4, t. XXXIII, col. 924, relative à la troisième personne de la sainte Trinité, s’écrie : « Nous connaissons le Saint-Esprit qui a parlé par les prophètes, et qui est descendu sur les Apôtres en forme de langues de feu, ici même, à Jérusalem, dans l’église supérieure des Apôtres. » Si l’on en croit Nicéphore Callixte, H. E., VIII, 30, t. CXLVI, col. 116, l’église dont parle saint Cyrille aurait été, non plus le petit sanctuaire contemporain d’Adrien, mais un édifice imposant, qui, sur l’ordre de l’impératrice Hélène, l’avait remplacé. Dans sa relation du transfert des reliques de saint Étienne, de Gamaliel et de Nicodème, le prêtre Lucien qualifie le sanctuaire de Sion d’ « église première ». En effet, il n’est pas un pèlerin qui ne fasse mention de l’église de Sion ou Sainte-Sion dans le récit de son voyage. Arculphe en traça même un plan rudimentaire sur une tablette de cire ; elle a la forme d’un parallélogramme régulier, t. LXXXVIII, col. 789. A la fin du XIe siècle, l’antique édifice avait disparu sous le marteau des Sarrasins. Les croisés le relevèrent et l’entourèrent d’un mur fortifié, pour protéger les religieux augustins préposés à sa garde, pour protéger les religieux augustins préposés à sa garde, ce qui n’empêcha pas, à la chute du royaume latin, les musulmans de s’en emparer. Après l’avoir reconquis, perdu et repris encore, les Franciscains le perdirent définitivement au milieu du XVIe siècle. C’est aujourd’hui une mosquée. – Voir Melch. De Vogüé, Les églises de la Terre Sainte, in-4°, Paris, 1860, p. 322-330 ; F. Cabrol, Les églises de Jérusalem, in-8°, Paris, 1895, p. 19-21.

         III. État actuel du Cénacle. – On y arrive, en sortant de Jérusalem moderne, par la porte du sud, dite de David. A deux cents mètres du rempart, se dresse un ensemble de constructions isolées, que dominent une coupole assez basse et un minaret. On pénètre dans une cour intérieure, et de là, par un escalier rapide, on atteint la terrasse pavée sur laquelle s’ouvre la porte d’une église supérieure. Celle-ci est supposée correspondre à l’ancienne salle haute ou Cénacle. L’ensemble du bâtiment qui subsiste est un fragment gothique de la meilleure époque, probablement le bas-côté méridional de l’église des croisades, où l’on croyait posséder et où l’on vénérait les sites traditionnels de la descente du Saint-Esprit à l’extrémité orientale de la nef, de la Cène à la première travée en allant vers l’occident, de la colonne de la flagellation à la division des deux travées suivantes, enfin du lavement des pieds dans la partie inférieure ou rez-de-chaussée ; car, pour mieux rappeler l’antique disposition des lieux, on avait construit l’église à deux étages. Les colonnes qui divisent en deux nefs parallèles l’étage supérieur correspondent aux piliers de l’étage inférieur. On sait que les musulmans honorent en ce lieu le tombeau de David.

         Quoi qu’il en soit des détails fantaisistes que la piété des âges de foi a naïvement ajoutés à la donnée première de la tradition chrétienne, l’importance de celle-ci ne saurait échapper aux hommes sérieux. Le premier lieu de réunion des Apôtres fut celui où Jésus avait mangé la Pâque. La première église où les fidèles se réunirent fut la chambre haute où les Apôtres avaient reçu le Saint-Esprit. Cette église était consacrée par trop de souvenirs pour être abandonnée des fidèles. Puisqu’on la mentionne dès le IVe siècle, c’est que jusqu’alors on ne l’avait pas perdue de vue. Depuis cette époque nous savons son histoire. Donc le lieu-dit actuellement Nebi Daoud correspond, selon toute probabilité, à la maison où fut le Cénacle.