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Fête de l’Immaculée Conception Gricigliano, le 8 décembre 2018.
+ LA BEAUTÉ D’UNE ÂME SANS TACHE
« Tota pulchra es, Maria, et macula non est in te. Vous êtes toute belle, ô Marie, et il n’y a point de tache en vous. »
Monsieur le Supérieur, Monseigneur, Messieurs les chanoines, Messieurs les abbés, Mes sœurs, Chers fidèles,
À l’appel de Dieu, le prophète qui devait annoncer au monde l’oracle de la Vierge, saisi de frayeur s’écria : « Malheur à moi, je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres souillées ! » Mais saisissant à l’autel un charbon ardent, un séraphin descendit purifier sa bouche avec le feu. Ah ! c’est que le nom seulement de l’Immaculée peut-il sans souillure effleurer des lèvres humaines ? Daigne donc le Seigneur pardonner à ma témérité et purifier aussi mon cœur et mes lèvres au feu de son ardente charité, afin que je puisse moins indignement annoncer cette Vierge « toute belle en, qui il n’y a point de tache », et lui adresser en mon nom en commençant, avec l’ange de l’Incarnation, le salut de mon amour filial : Ave Maria ! Le mystère de la conception immaculée de Marie, en nous faisant admirer le chef-d’œuvre de la grâce, « le joyau de Dieu », nous apprend la merveilleuse beauté de nos âmes régénérées. Car si le privilège accordé à la mère de Dieu est unique, la grâce qui l’a produit est commune à tous. En vue des mérites de Jésus-Christ, tous ont été sanctifiés : Marie, avant sa naissance, dès sa conception ; les autres, après la naissance, seulement au jour du baptême. La grâce qui arrêta devant elle le flot impur, a chassé aussi de notre âme la souillure du péché. Marie fut préservée du mal, nous en fûmes délivrés. Proportion gardée, nos âmes aussi sont toutes belles. Admirons donc, mes bien chers amis, dans la Vierge conçue sans péché la ravissante beauté d’une âme sanctifiée par la grâce, et prenons exemple ensuite pour garder jalousement comme elle, ici-bas, nos âmes sans souillure.
I
« Vous êtes toute belle, et il n’y a point de tache en vous. »
Mes frères, pourquoi cette grandiose solennité en l’honneur de l’Immaculée ? Pourquoi cette exaltation de sa beauté ? Être conçue sans péché, est-ce donc si rare chose et merveille si extraordinaire ? Pour le comprendre, chers prêtres, chers séminaristes et chères sœurs, écoutez ce mot de saint Paul : « Eramus natura filii iræ. Par nature, dit-il, nous étions des enfants de colère. » Car la honte du premier désobéissant, le chef de notre race, a rejailli sur tous ses enfants. Avec la vie, il leur a légué sa déchéance. Et tel un fleuve infecté dans sa source qui porte tout le long de son cours un limon fangeux et souille tout ce qui vient effleurer ses flots, ainsi la chair, véhicule de la vie, charrie depuis son origine la souillure contractée en Adam et infecte toute âme qui vient prendre contact avec elle pour former un être nouveau. En recevant la vie, au moment même de notre conception, dans l’instant que notre âme créée par Dieu s’unissait à notre corps, dans l’instant que nous commencions d’être, nous étions souillés par la tache inhérente à la nature humaine. En devenant membres, par la chair, d’une race coupable et maudite, nous devenions pécheurs. De nous alors Dieu détournait sa face irritée par la souillure qui crie vengeance. Ainsi disgraciés, privés de la lumière et de la force surnaturelles, nous naissions faibles et ignorants, objets de la colère de Dieu, natura filii iræ. C’est pourquoi Job a tant maudit « cette nuit où l’on a dit : Un homme est conçu. ». Mais pour Marie, mes frères, il n’en va pas ainsi. Elle échappe à l’universelle corruption. Participante comme nous à la nature humaine, elle n’en contracte cependant point la souillure, et partant elle n’est pas comme nous disgraciée, mais agréable à Dieu, sans tache et pleine de grâce.
C’est là le mystère de l’Immaculée Conception, le miracle de la toute-puissance de Dieu. Éclairons-le. Par un décret spécial de sa souveraine volonté, en prévision des mérites de Jésus-Christ, au moment même où elle va devenir pécheresse, à l’instant de sa conception, Dieu refoule au seuil de son âme la souillure prête à l’envahir et les germes de mort qu’avec elle elle porte : au foyer de rébellion, il enchaîne ou éteint l’étincelle, qui va s’allumer, de la concupiscence ; la chair de péché dans laquelle nous sommes conçus, en nous palpitante encore de la révolte, en elle s’apaise et devient la docile servante de son âme. Le Saint-Esprit, qui vient habiter en elle avec tous ses dons, inonde son intelligence des flots de la lumière divine, embrase son cœur de la plus ardente charité. La foi, l’espérance, l’amour et toutes les vertus, sous cet influx bienfaisant, s’épanouissent et portent du fruit dans son âme. Sur cette enfant le Très-Haut repose amoureusement son regard, car elle est vraiment toute belle, comme la première Ève au sortir des mains du Créateur. Conçue sans péché, au lieu de naître comme nous enfant de colère et rejeté, Marie entre dans la vie, sainte, immaculée, pleine de grâce, reflétant la splendeur même de Dieu : c’est une enfant du ciel.
Comprenez-vous alors pourquoi l’Église la félicite de la gloire et du bonheur de son immaculée conception ? C’est que ce privilège unique la place au-dessus de toutes les créatures autant que le ciel est au-dessus de la terre. Associons-nous à l’Église pour la féliciter : « Ô Marie, vous êtes toute belle et il n’y a point de tache en vous ! » Mais qui nous donnera jamais de lui ressembler ? Qui lavera jamais notre âme de la souillure avilissante afin que nous soyons beaux comme elle, agréables à Dieu ? Mes frères, cette merveille s’est accomplie au jour de notre baptême. La même grâce méritée par Jésus-Christ, qui a préservé Marie, a effacé de notre âme la souillure du péché qui était comme la signature de l’acte écrit contre nous et nous livrant au démon, pour la remplacer par l’indélébile caractère d’enfant de Dieu, nous restituant nos titres et nos droits au ciel perdus par le premier Adam. La souillure disparaissant a fait changer le visage de Dieu qui, laissant tomber son courroux, s’est écrié devant notre âme comme devant l’Immaculée : « Toi aussi, tu es toute belle, il n’y a plus de tache en toi. » Alors en nous, comme en Marie, il a établi sa demeure, nous a faits par, sa grâce, participants de sa nature divine, nous a adoptés dans sa famille pour avoir un jour notre part de son héritage éternel, et nous communiquant les dons de son Saint-Esprit nous a rendus saints et agréables à ses yeux, objets de son amour, prédestinés au paradis. Mes frères, saurons-nous jamais assez apprécier la beauté et la riche destinée d’une âme immaculée ? Si nous avions bien compris tout cela, nous ferions je crois plus grand cas de la grâce de notre baptême.
II
« Vous êtes toute belle, et il n’y a point de tache en vous. »
Mes frères, ce n’est point seulement dans son berceau que Marie mérite ce compliment, mais à toute heure de sa vie, jusqu’au seuil de la tombe. Le saint concile de Trente enseigne en effet que, durant son séjour ici-bas, pas une faute, pas même une de celles arrachées à notre faiblesse et que nous appelons vénielles, ne vint voiler la splendeur de son âme sans tache. Immaculée dans sa conception, Marie retourne à Dieu immaculée. Heureuse créature dites-vous en vous-mêmes. Et peut-être même pensez-vous que Marie n’eut point à subir comme nous l’épreuve dans laquelle nous avons succombé plus d’une fois. Mais comment croire, mes frères, que le démon, assez effronté pour tenter la vertu infaillible du Fils ait épargné la Mère ? Oh ! sans doute, Marie reçut une plénitude de grâce, de l’avis des théologiens, supérieure à celle de tous les anges et de tous les saints, qui confirmait sa volonté dans le bien pour toujours ; mais cependant elle restait libre. Et c’est son mérite précisément d’avoir gardé avec un soin jaloux la grâce de son immaculée conception.
C’est l’estime pour le don de Dieu qui, dès la tendre enfance, guide ses pas au temple, loin du monde à la vertu dommageable, près de Dieu à notre faiblesse toujours secourable. Elle s’émeut et se trouble à la visite d’un ange, et sa réponse au messager divin : « Comment cela se fera-t-il ? », laisserait deviner peut-être qu’elle eût préféré voir passer à une autre l’honneur d’avoir Dieu pour Fils plutôt que de cesser d’être vierge ou seulement de mettre en danger la grâce de sa conception. Rassurée par l’ange, elle va pourtant au temple recevoir la purification légale d’une souillure qu’elle n’avait point contractée. Oh ! le souci qu’elle a de garder son âme pure, de la pureté de son immaculée conception ! Elle sait que la désobéissance à Dieu ou le péché seul est capable, en nous faisant perdre la grâce, de souiller notre âme. Aussi avec quelle soumission, avec quel empressement, quelle délicatesse elle obéit aux ordres du ciel ! Jamais un murmure, jamais une réflexion désobligeante, toujours « Fiat : Oui, Seigneur, je suis votre servante, qu’il, me soit fait suivant votre parole. »
Mes frères, c’est vrai : nulle créature au monde n’a reçu une grâce plus abondante que Marie, mais nulle aussi n’a répondu d’une volonté plus entière à la faveur qui lui était accordée. Cherchez-en une seulement qui ait exploité, avec plus d’intelligence, de travail persévérant le talent qui lui était confié ! En est-il une qui ait accueilli avec plus d’empressement, de sainte avidité les dons du ciel ? Aussi non seulement Marie a gardé, mais de jour en jour, sans cesse, elle a fait progresser en elle la grâce initiale de sa conception immaculée et l’on peut dire : « Belle en sa première heure, plus belle encore en sa dernière. Tota pulchra es, Maria, et macula non est in te. »
Chers chanoines, chers séminaristes, chrétiens, mes frères, sanctifiés par la grâce du baptême qui est le sacrement de notre conception spirituelle, nous possédons un trésor analogue à celui de Marie. Et l’apôtre nous avertit que nous le portons dans des vases fragiles. Quel soin prenons-nous de le garder ? Ô vous qui avez conservé en vous l’innocence baptismale ou qui l’avez recouvrée par la pénitence, craignez plus que tout au monde de la perdre jamais et tenez-vous en éveil pour que le mal n’entre pas en vous, car le cœur de l’homme vierge est un vase profond. Lorsque la première eau qu’on y verse est impure, la mer y passerait sans laver la souillure, car l’abime est immense et la tache est au fond.
C’est une vigilance de tous les instants qu’il faut pratiquer pour que la souillure n’entre pas dans notre âme. Et elle nous enveloppe, prête à nous envahir. L’erreur, en effet, n’est-elle pas la souillure de l’intelligence comme le vice est la souillure du cœur ? Et l’une entraîne l’autre, car on fuit la lumière de la vérité dans la crainte d’avoir à réformer sa conduite égoïste : « Noluit intelligere ut bene ageret », et réciproquement, les fanges du cœur obscurcissent l’intelligence, captif du plaisir, ennemi de la vérité. Or, mes frères, aujourd’hui l’erreur sur les vérités essentielles qu’il importe de savoir et de croire pour entrer au ciel est enseignée un peu partout, même là où il ne devait pas l’être ; le vice, encouragé par la place d’honneur qu’on lui accorde, au grand jour étale ses séductions, dans les conversations, les lectures, les médias, les spectacles, la mode, les divertissements, les arts eux-mêmes. Chers amis, prenez-y donc bien garde, et surtout vous, futurs prêtres. Pour garder intacte la grâce du baptême et la faire progresser à l’exemple de Marie, il faut dans la crainte et l’humilité fuir le monde, « aller au vrai de toute son âme, » pratiquer la justice intégralement, servir Dieu de toute son activité, de toute sa vie libre et aimante, de tout son cœur.
Il vous faut chers amis prier, prier plus, prier mieux, vous mortifier, sans chercher des mortifications extraordinaires qui flattent souvent l’amour-propre. Oui vous mortifier dans l’accomplissement attentif de votre devoir d’état, exercer la charité avec votre prochain, pratiquer l’abnégation, être dociles aux enseignements et corrections, accorder facilement son pardon, lutter contre son orgueil. Voilà le secret, chers chanoines, chers séminaristes pour ne pas devenir comme ces trop nombreux clercs qui donnent scandale de nos jours car brillants de l’extérieur mais pourris de l’intérieur.
Ici-bas, voyez-vous, voilà l’unique nécessaire garder son âme sans souillure en restant fidèle à la volonté de Dieu. Que ce soit donc là notre ardent désir, notre continuel souci, notre noble ambition, afin qu’à notre heure dernière le juste Juge nous félicite en ces termes : « Âme chrétienne, âme sacerdotale, âme consacrée, vous êtes toute belle : il n’y a point de tache en vous » et qu’Il nous fasse entrer dans la demeure des immaculés. Pour mériter cette récompense à laquelle nous aspirons tous, demandons spécialement aujourd’hui le secours de la Vierge toute-belle : « Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous ! »
Ainsi soit-il.