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Clôture du Pèlerinage de Chrétienté
Cathédrale de Chartres, lundi 24 mai 2010
Excellence,
Mes très révérends pères,
Monsieur l’aumônier,
Messieurs les chanoines,
Messieurs les abbés,
Mes biens chers frères,
Pèlerin, tu es fatigué, la longue route a endolori tes membres, la poussière et les chants voilé ta voix et, avouons le, tu ferais bien tien le vœu de Jésus aux Apôtres à Gethsémani : « Maintenant vous pouvez dormir ! »
Ah, si le prédicateur nous laissait un peu de paix, nous profiterions de l’exhortation pour laisser tomber nos paupières « Maintenant vous pouvez dormir » !
Oui, si ce prédicateur avait un peu en pitié ce cortège d’enfants épuisés, d’âmes soulagées par le sacrement de pénitence, et qui soudain s’écroulent, comme délivrés d’un fardeau trop lourd ; si ce prédicateur entendait, montant de la crypte de la cathédrale et heurtant les voûtes, le chant sourd du kyrie des gueux…
Et pourtant pèlerin, il te faudra encore entendre une question -que dis-je une question ?- un cri, une supplique !
Êtes-vous prêt à aimer passionnément l’Eglise ?
Quand je dis passionnément, permettez-moi de préciser : êtes-vous prêt à aimer passionnément l’Eglise au risque de la Croix ?
C’est là tout le dilemme, car nous rêvons tous, depuis le péché originel, d’une petite foi bien à nous, bien confortable, pas trop dérangeante.
A ce sujet, n’ayons pas peur de dire que certaines écoles de pensée théologique n’ont pas compris la réalité profonde de ce qu’est l’Eglise de Dieu… Sur cette question, des Calvin, des Luther et autres hérésiarques ont buté.
La Pentecôte que nous célébrons pendant toute l’octave n’est pas à proprement parler la naissance de l’Eglise.
Comme nous le rappelait notre Saint-Père le Pape Benoît XVI, l’Eglise est née du côté percé du Sauveur.
La Pentecôte est en quelque sorte la force et la joie de recevoir la croix, de la prêcher, de la défendre, et même -ô folie !- de l’aimer.
Alors pèlerin, tu comprendras que ce soir, on ne peut pas te prêcher autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. L’Eglise, c’est Jésus-Christ ; Jésus-Christ c’est la Croix ; l’Eglise c’est la Croix.
Considère premièrement, cher pèlerin, que cette Croix vient de bercer ton pèlerinage, elle a conduit ton chapitre, elle orne le faîte de ton église, et peut-être -je le souhaite, je l’espère- ce soir ou demain, en rentrant chez toi, tu la trouveras dans ta chambre, dans ta maison, dans ton école.
Nous nous sommes tellement habitués à la Croix, cet instrument de supplice que le Sauveur dans son amour pour nous a choisi pour Sa Passion : ce bois, rougi du sang d’un Dieu, témoignage de charité, et force des martyrs ; ce bois rouge, sanglant, écarlate qui appelle la Pentecôte, le don de soi et le rayonnement apostolique.
Et puis, avouons-le, la Croix n’a pas bonne presse : le protestantisme et le jansénisme ont marqué, même invisiblement, nos consciences et nous faisons rimer un instrument d’amour avec tristesse, avec mélancolie, avec rigidité, avec volontarisme, avec puritanisme…
Bref, pour être crucifié, il faudrait être un rien compassé, pratiquer des macérations extraordinaires, et si en conséquence on avait les joues creuses, ce ne serait pas si mal.
Quelle ignorance de la Croix !
La Croix est la source de la vraie joie.
Un chrétien s’exclame avec le bienheureux Karl Laisner « Christ, tu es ma passion ! »
Un chrétien doit affirmer avec le bienheureux Pier Giorgio Frassati : « nous n’avons pas le droit de vivoter… vivre est notre devoir… un chrétien ne peut pas être triste ».
Et il y a la parole célèbre de saint François de Sales : « un saint triste est un triste saint ».
Tu me demanderas alors, pèlerin, quel est ce mystère de croix et de joie, et pour te l’expliquer, je voudrais que nous contemplions ensemble notre Dieu trois fois saint.
Dieu est la béatitude en lui-même, il est absolument, immuablement, éternellement bienheureux en lui-même. Il est la béatitude comme il est la vie et la vérité car rien ne lui manque, sinon Il ne serait pas Dieu.
Dieu le Père est absolument et éternellement heureux d’engendrer le Fils, et il le dit : « voici mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toutes mes complaisances. »
Dieu le Fils, le Verbe incréé, est éternellement heureux d’être engendré par le Père, et il le dit : « Abba, Père ».
Dieu le Saint Esprit, amour du Père et du Fils, est un élan eternel, incréé d’amour.
Pourtant, dans quelques instants, de tout ton cœur tu va chanter, pèlerin, le Credo. Et tu proclameras de Jésus-Christ qu’il a souffert sous Ponce Pilate.
Le Verbe incarné a donc souffert. II a souffert dans sa nature humaine, et non dans sa nature divine.
Il a souffert et ne souffre plus, me direz-vous, puisqu’Il est monté au ciel dans la gloire.
Alors pourquoi, chers pèlerins, Pascal s’écrit-il « Jésus est en agonie jusqu’à la fin des temps » ?
Rappelle-toi : « l’Eglise et Jésus Christ c’est tout un », disait Ste Jeanne d’Arc.
Tout ce que tu fais à l’un de ses petits, c’est à Jésus que tu le fais ; tout ce que tu ne donnes pas, c’est à Jésus que tu ne le donnes pas.
Notre Seigneur est encore à l’agonie et à la joie dans son Corps Mystique qu’est l’Eglise.
Pour entrer pleinement dans la joie de la Pentecôte comme dans celle de la Résurrection, il te faudra, pèlerin, retourner au pied de la Croix avec Notre Dame. Ce n’est pas pour rien que Jésus nous l’a donnée pour Mère.
Le Seigneur nous livre d’ailleurs Lui-même une indication sur la manière de recevoir la Croix.
Il est à Gethsémani, Il est à l’agonie et Il dit à son Père : « Abba, si ce calice peut s’éloigner de moi, cependant non pas Ma volonté mais Ta volonté. »
C’est l’écho, dans la prière du Christ, du « fiat » de la Mère, …
… et tout à coup, pèlerin, si tu m’as suivi, ton cœur exulte !!!
Alors dans la volonté du Père est inscrite la Passion du Fils ? Dans cette volonté d’amour, que l’on nomme aussi Esprit-Saint, sont inscrits les tourments du Messie ? Dans le cœur de la bienheureuse Trinité, le mystère de la Croix est donc consenti ?
Ah, le mot est lâché ; et c’est le mot de la fin, rassure-toi !
Consentir.
Renforcés par les dons du Saint Esprit, notre mission ce soir est d’embrasser la Croix, d’y consentir de tout notre cœur. La Croix nous est offerte par la Trinité Sainte.
Au milieu du déluge de haine et de calomnies qui a assailli l’Eglise, et particulièrement la personne sacrée du souverain pontife, nous pouvons, nous devons entrer dans la joie de la croix en faisant la volonté de Dieu, et en la faisant par amour.
Saint François de Sales nous enseigne que « tout est à l’amour, en l’amour, pour l’amour et d’amour en la sainte Eglise » (Traité de l’Amour de Dieu, préface).
Dans la sainte Eglise, la Providence a assigné à chacun une place, et c’est là que Dieu attend que nous Le servions, que nous prenions notre croix et que nous le suivions, selon notre vocation propre ! et pas une autre…
Voyez-vous, il n’y a rien d’extraordinaire dans cette voie, et c’est pour cette raison que beaucoup passent à coté.
Ne rêvons pas notre sainteté ! Pour hier il est trop tard, pour demain il est trop tôt… C’est aujourd’hui qu’il faut choisir Jésus-Christ.
Ne nous inventons pas des croix ; celles que l’on choisit ne sont pas celles de Dieu. La meilleure des croix est, selon l’expression de saint François de Sales, « d’être bien ce que l’on est, nec plus nec minus ».
Alors, chers amis, cette petite contrariété, cette contradiction, cet acte de patience ; et vous mes chers enfants, votre joyeuse docilité, votre travail ardent, votre prière recueillie ; et vous mes chers confrères, ces heures au confessionnal, ces heures de route pour desservir les uns et les autres dans des paroisses parfois éloignées, visiter les malades, porter des communions, votre joyeuse obéissance aux supérieurs, tout cela –soyez-en certains !– amène le règne de Jésus-Christ.
La liturgie ne nous dit-elle pas qu’Il a régné par le bois ?
Devant la Croix trois attitudes sont possibles, une seule est chrétienne :
- refuser la Croix, et c’est le refus de l’amour de Dieu ;
- se résigner à la Croix et la souffrir quand même, mais sans amour ;
- consentir à la Croix et se plonger dans le mystère de la Trinité bienheureuse.
C’est le défi pour lequel le Saint Esprit est venu vous embraser ce soir.
Prêtres, religieux, religieuses, grands-parents, parents, jeunes gens et enfants, préparons le trône de notre Roi et faisons entrer la Croix dans notre vie.
Saint François de Sales, docteur de l’Eglise, a cette belle formule : « La croix est le livre du chrétien ».
Rappelons-nous que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, patronne des missions sans pourtant quitter le carmel, nous confie : « Je préfère à tous les genres de sacrifice l’héroïsme du sacrifice quotidien ».
Et le saint Curé d’Ars : « devant Dieu, un seul acte de renoncement à sa volonté propre lui est plus agréable que cent jours de jeûne ».
Vous entendiez il y a peu l’apôtre saint Pierre nous enseigner dans son épître : « ayez une bonne conduite au milieu des païens, afin que là même ou ils vous calomnient comme des malfaiteurs, ils remarquent vos bonnes œuvres et en glorifient Dieu au jour de sa visite (…) c’est là la volonté de Dieu qu’en faisant le bien vous réduisiez au silence l’ignorance des gens insensés. »
Pour l’Amour de l’Eglise et de son chef visible et invisible, je vous le demande avec toute l’énergie de l’Espérance, pour l’amour de notre Patrie, le royaume de Marie, convertissez-vous !
Soyez rayonnants par l’exemple de votre vie chrétienne, vie joyeuse parce qu’attachée à la croix du Christ !
Les ennemis de la Croix sont nombreux -ils sont même légions- mais qu’avons-nous à craindre, la situation était-elle plus enviable il y a 2000 ans en Judée ?
J’ai vaincu le Monde, promet le Christ. Nous avons donc déjà la victoire, mais il faut la faire rayonner autour de nous !
Rentrez chez vous le cœur gonflé, le cœur brûlant du Saint Esprit et demain dans votre travail, votre paroisse, votre famille, vos amis, tous doivent se dire : Quelque chose a changé !
Le royaume de Dieu est arrivé parmi nous !
Ainsi soit-il !