« Une Pensée par Jour »
du Traité de l’Amour de Dieu
7 octobre
2010
« L’amour étant la première complaisance que nous avons
au bien, ainsi que nous dirons tantôt, certes il précède le désir ; et
de fait, qu’est-ce que l’on désire, sinon ce que l’on aime ? Il précède
la délectation, car, comme pourrait-on se réjouir en la jouissance d’une
chose, si on ne l’aimait pas ? Il précède l’espérance, car on n’espère
que le bien qu’on aime ; il précède la haine, car nous ne haïssons le
mal que pour l’amour que nous avons envers le bien ; ainsi le mal n’est
pas mal, sinon parce qu’il est contraire au bien, et c’en est de même,
Théotime, de toutes autres passions ou affections ; car elles
proviennent toutes de l’amour, comme de leur source et racine.
C’est pourquoi les autres passions et affections sont bonnes ou
mauvaises, vicieuses ou vertueuses, selon que l’amour duquel elles
procèdent est bon ou mauvais : car il répand tellement ses qualités sur
elles, qu’elles ne semblent être que le même amour. Saint Augustin,
réduisant toutes les passions et affections à quatre, comme ont fait
Boèce, Cicéron, Virgile et la plupart de l’antiquité : « L’amour,
dit-il, tendant à posséder ce qu’il aime, s’appelle convoitise ou désir
; l’ayant et possédant, il s’appelle joie ; fuyant ce qui lui est
contraire, il s’appelle crainte ; que si cela lui arrive et qu’il le
sente, il s’appelle tristesse ; et partant ces passions sont mauvaises,
si l’amour est mauvais ; bonnes, s’il est bon . » Les citoyens de la
cité de Dieu craignent, désirent, se dolent se réjouissent et, parce que
leur amour est droit, toutes ces affections sont aussi droites. La
doctrine chrétienne assujettit l’esprit à Dieu, afin qu’il le guide et
secoure, et assujettit à l’esprit toutes ces passions, afin qu’il les
bride et modère, en sorte qu’elles soient converties au service de la
justice et verte. « La droite volonté est l’amour bon, la volonté
mauvaise est l’amour mauvais ; » c’est-à-dire en un mot, Théotime,
que l’amour domine tellement en la volonté, qu’il la rend toute telle
qu’il est. » |