« Une Pensée par Jour »
23 octobre 2010
« Imaginons, je vous prie, d’un côté un peintre qui fait l’image de la naissance du Sauveur, il donnera sans doute mille et mille traits de pinceau, et mettra non seulement des jours, mais des semaines et des mois à façonner ce tableau, selon la variété des personnages, et autres choses qu’il y veut représenter ; mais d’autre côté voyons un imprimeur d’images qui, ayant mis sa feuille sur la planche taillée du même mystère de la Nativité, ne donnera qu’un seul coup de presse ; en ce seul coup, Théotime, il fera tout son ouvrage, et soudain il tirera son image, laquelle, en belle taille-douce, représentera très agréablement tout ce qui a dû être imaginé selon l’histoire sacrée ; et bien qu’il n’ait fait qu’un seul mouvement, son ouvrage toutefois portera grande quantité de personnages, et d’autres choses différentes bien distinguées, chacune en sou ordre, en son rang, en son lieu, en sa distance et en sa proportion : et qui ne saurait pas le secret, il serait tout étonné de voir sortir d’un seul acte une si grande variété d’effets. Ainsi, Théotime, la nature, comme le peintre, multiplie et diversifie ses actes à mesure que ses besognes sont différentes, et lui faut un grand temps pour faire de grands effets ; mais Dieu, comme l’imprimeur, a donné l’être à toute la diversité des créatures qui ont été, sont et seront, par un seul trait de sa toute-puissante volonté, tirant de son idée, comme de dessus une planche bien taillée, cette admirable différence de personnes et d’autres choses qui s’entre-suivent ès saisons, ès âges, ès siècles, chacune en son ordre, selon qu’elles doivent être ; cette souveraine unité de l’acte divin étant opposée à la confusion et au désordre, et non à la distinction ou variété qu’elle emploie au contraire, pour en composer la beauté, déduisant toutes les différences et diversités à la proportion. et la proportion à l’ordre, et l’ordre à l’unité du monde, qui comprend toutes choses créées tant visibles qu’invisibles, lesquelles toutes ensemble s’appellent univers, peut-être, parce que toute leur diversité se réduit en unité ; comme qui dirait univers, c’est-à-dire, unique et divers, unique avec diversité, et divers avec unité. » |