« Une Pensée par Jour »
2 décembre 2010
« Nous sentons quelquefois de certains contentements qui viennent comme à l’improviste, sans aucun sujet apparent, et ce sont souvent des présages de quelque grande joie, dont plusieurs estiment que nos bons anges, prévoyant les biens qui nous doivent avenir, nous en donnent ainsi des pressentiments, comme au contraire ils nous donnent des craintes et frayeurs parmi les périls inconnus, afin de nous faire invoquer Dieu, et demeurer sur nos gardes. Or, quand le bien présagé nous arrive, nos cœurs le reçoivent à bras ouverts, et se rappelant l’aise qu’ils avaient eue sans en savoir la cause, ils connaissent seulement alors que c’était comme un avant-coureur du bonheur avenu. Ainsi, mon cher Théotime, notre cœur ayant eu si longuement inclination à son souverain bien, il ne savait à quoi ce mouvement tendait ; mais sitôt que la foi le lui a montré, alors il voit bien que c’était cela que son âme requérait, que son esprit cherchait, et que son inclination regardait. Certes, ou que nous voulions, ou que nous ne voulions pas, notre esprit tend au souverain bien. Mais qui est ce souverain bien ? Nous ressemblons à ces bons Athéniens qui faisaient sacrifice au vrai Dieu, lequel néanmoins leur était inconnu, jusques à ce que le grand saint Paul leur en annonça la connaissance (Act., XVII, 23) ; car ainsi notre cœur, par un profond et secret instinct, tend en toutes ses actions, et prétend à la félicité, et la va cherchant çà et là, comme à tâtons ; sans savoir toutefois ni où elle réside, ni en quoi elle consiste, jusques à ce que la foi la lui montre et lui en décrit les merveilles inutiles ; et lors ayant trouvé le trésor qu’il cherchait, hélas ! quel contentement à ce pauvre cœur humain, quelle joie, quelle complaisance d’amour ! Hé !je l’ai rencontré celui que mon âme cherchait sans le connaitre ! ô que ne savais-je à quoi tendaient mes prétentions, quand rien de tout ce que je prétendais ne me contentait, parce que je ne savais pas ce qu’en effet je prétendais ! Je prétendais d’aimer, et ne connaissais pas ce qu’il fallait aimer, et partant ma prétention ne trouvant pas son véritable amour, mon amour était toujours en une véritable, mais inconnue prétention ; j’avais bien assez de pressentiment d’auteur pour me faire prétendre ; mais je n’avais pas assez de sentiment de la bonté qu’il fallait aimer pour exercer l’amour. » |