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Le témoignage de Saint Jean-Baptiste après le baptême de Jésus, et son martyre.

1. Le témoignage de saint Jean-Baptiste: Télécharger l'enregistrement

2. L'emprisonnement de saint Jean-Baptiste: Télécharger l'enregistrement

3. Le martyre de saint Jean-Baptiste: Télécharger l'enregistrement

«  En vérité je vous le dis, parmi les enfants des femmes, il n’en a pas surgi de plus grand que Jean-Baptiste ; et cependant, le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui. Depuis les jours de Jean-Baptiste jusqu’à présent, le Royaume des Cieux souffre violence et ce sont les violents qui s’en emparent. Que celui qui a des oreilles entende ! »

(Mt XI, 11-15)

 

Au baptême de Notre-Seigneur, Jean est entré dans le secret du Fils. Il a vu la colombe descendre sur Lui, il a entendu la voix du Père, il a été témoin de cette merveilleuse manifestation pour la transmettre : « C’est en vue de sa manifestation à Israël que je suis venu baptiser dans l’eau. » (Jn I, 31)

 

 

Après son baptême, Notre-Seigneur va rester sur les rives du Jourdain. Nous pouvons imaginer toute le joie qui habitait le cœur de Jean-Baptiste en voyant son Sauveur demeurer quelque temps avec lui, partageant la frugale nourriture que lui fournissait le désert, et Le laissant l’instruire profondément des mystères divins…

Avec quelle avidité il devait dévorer Ses paroles et Se laisser enseigner !

Il frémit de joie, tout ravi et transporté, d’une joie non pas fugace et superficielle, mais de la plus profonde de toutes, une joie déjà éternelle.

Quelle force et quel profond bonheur il dût recevoir du contact avec Lui, il est préparé par là à Lui rendre témoignage par le don de sa vie entière jusqu’à la mort violente.

Il sait que sa mission est désormais accomplie, que bientôt Jésus va s’éloigner de lui pour toujours et qu’il ne le reverra sûrement plus sur cette terre, il sait qu’il ne lui reste qu’à s’effacer, mais il l’accepte sereinement, heureux de laisser toute la place à Celui qu’il aime et qui est plus grand que lui.

Heureux aussi d’avoir réalisé tout ce que le Père attendait de lui, d’avoir obéi à Ses désirs jusqu’au bout…

Et cette joie si profonde est le signe de son amour, de l’amour parfait qui se renonce lui-même.

 

Un des jours suivants, Jean-Baptiste, voyant Jésus venir à sa rencontre, Le montre du doigt en Le désignant à nouveau comme l’Agneau de Dieu : « Voici l’Agneau de Dieu ! (Jn I,36)

Ce jour est désigné par l’Evangile comme « altera die », ce qui n’indique pas nécessairement le lendemain du baptême car cette expression n’a pas toujours un sens relatif qui marque le jour suivant. (Ludolphe le Chartreux)

En désignant Jésus comme l’Agneau de Dieu, Jean rend par là un magnifique témoignage à la grandeur de Notre Seigneur.

 « Nous pouvons admirer la constance de Jean-Baptiste, car il rend témoignage à Jésus non pas un jour ou une fois seulement, mais fréquemment et à plusieurs reprises. Ainsi il réitère le témoignage qu’il avait déjà rendu lors du baptême. »

Et « ce n’est pas seulement par la voix, mais encore par ses yeux qu’il Lui rend témoignage. Il admire Jésus-Christ, et en le contemplant son coeur tressaille de joie. Il ne commence pas par le prêcher, mais il se contente de l'admirer présent ; il fait connaître le don que Jésus est venu nous apporter, et il enseigne aussi de quelle manière on doit se purifier et se préparer à le recevoir, car le nom d'agneau marque bien l’une et l'autre chose. » (St Jean Chrysostome)

 

Désigner Notre-Seigneur comme l’Agneau de Dieu est aussi une manière pour saint Jean d’envoyer ses propres disciples à Jésus.

Par ses paroles, il se réfère à l’agneau pascal que le peuple d’Israël doit immoler et dont le sang protège de l’Ange exterminateur…

Il n’y a en Jésus aucun péché, Il est l’innocence même, et c’est pour cela qu’Il va pouvoir ôter le péché du monde ; il est rempli d’une plénitude de grâces et de vertus capables de purifier l’humanité de tous les péchés, et c’est d’ailleurs la cause de Sa venue en notre chair.

« Voyant le monde succomber sous le poids de ses crimes, il venait en effacer la tache et en abolir la peine, c’est-à-dire la mort dont Lui seul pouvait triompher. » (Ludolphe le Chartreux)

Et saint Jean  ne dit pas qu’Il ôtera mais qu’Il « ôte les péchés du monde » (au présent), comme pour indiquer une action continuelle.

« Car Notre Seigneur n’ôta pas les péchés lors de Sa Passion seulement mais Il les ôte sans cesse jusqu’à nos jours.

Il nous purifie chaque jour dans Son Sang lorsqu’on renouvelle à l’autel la mémoire de Sa Passion salutaire, lorsque Son sacré Corps et Son Sang deviennent notre aliment et notre breuvage spirituel. » (Ludolphe le Chartreux).

L’agneau est l’image de l’innocence, de la pureté, du silence (puisqu’il se laisse conduire au supplice sans ouvrir la bouche) et aussi de la douceur.

En présentant Jésus comme l’Agneau de Dieu, saint Jean a certainement aussi en mémoire le sacrifice annoncé prophétiquement au chapitre LIII du livre d’Isaïe : « Semblable à l’agneau qu’on emmène pour être tué et à la brebis muette devant ceux qui la tondent, il n’ouvrira pas la bouche. »

Il n’ignore pas de quelle façon Notre Seigneur accomplira la Rédemption.

 

A la suite de son témoignage, plusieurs disciples de Jean-Baptiste vont donc aller à Jésus et se mettre à Sa suite dès les premiers jours qui suivent Son baptême, à commencer par André, ainsi qu’un autre qui n’est pas nommé. (Jn I,35 et s.)

« Dès qu’ils eurent entendu parler de Jésus, ils Le suivirent. » (St Jean Chrysostome)

Ce n’est pas que ces disciples méprisent Jean ou se détournent de leur ancien maître, mais ils se montrent par là pleins d’obéissance, « c’est l’esprit de sagesse qui dicte leur docilité » (Ibid). Ils se mettent donc à la suite de Jésus en réponse au témoignage reçu de Jean, leur premier maître.

 

Plus tard, après le temps qu’Il passa au désert, Notre Seigneur va revenir sur les bords du Jourdain avec ses disciples et là Il va baptiser par leurs mains. (Jn III, 22-36)

Selon saint Augustin, Il commença d’abord par baptiser Ses disciples, puis Il leur confia le soin de baptiser les autres, pour pouvoir se livrer tout entier à la prédication. Mais c’est Lui seul qui par Sa grâce rendait efficace le sacrement dont Ses disciples étaient les ministres.

 

Quant à saint Jean-Baptiste, continua-t-il à baptiser après le baptême de Notre-Seigneur ?

D’après l’Evangile, il semble que oui. (Jn III, 22-24 : « Jésus se rendit avec Ses disciples au pays de Judée ; Il y séjourna avec eux et Il y baptisait. Jean aussi baptisait, à Aenon, près de Salim, car les eaux y abondaient, et les gens venaient s’y faire baptiser. Jean n’avait pas encore été mis en prison. »)

En réalité, « saint Jean adressait à Jésus ceux qui venaient à lui pour être baptisés.

Avant que Notre-Seigneur n’ait institué Son baptême, Jean baptisait au nom du Christ qui devait venir ; mais lorsque ce nouveau baptême fut établi, il renvoyait au Sauveur tous ceux qui désiraient se faire baptiser, confirmant ainsi le témoignage qu’il Lui avait rendu. » (Ludolphe le Chartreux)

Cependant, cela suscita de vives réactions de la part des disciples de Jean, qui en prirent ombrage : « Rabbi, celui qui était avec toi de l’autre côté du Jourdain, celui à qui tu as rendu témoignage, le voilà qui baptise et tous viennent à Lui ! »

Ayant vu de leurs yeux Jésus Lui-même s’approcher pour recevoir le baptême de leur maître, le baptême de saint Jean leur semblait donc préférable et supérieur.

Aussi ils lui disaient : « Celui que vous avez baptisé comme votre disciple et à qui vous avez rendu témoignage, lui qui est devenu célèbre par les éloges que vous lui avez décernés, voilà maintenant qu’Il se sépare de vous, il usurpe vos droits et vos fonctions en se mettant à baptiser Lui-même ; et tous courent désormais à Lui à cause des miracles qu’Il opère. »

Aux yeux des disciples de Jean, cela semble une cruelle injustice : tout le monde va désormais trouver Jésus et Jean-Baptiste reste délaissé et abandonné…

Un certain esprit de rivalité naît dans leur cœur.

La réponse de Jean est magnifique d’humilité et d’effacement.

« Nul ne peut rien s’attribuer qui ne lui soit donné du ciel.

Vous-mêmes, vous m’êtes témoins que j’ai dit : Je ne suis pas le Christ, moi, mais je suis envoyé devant Lui.

Qui a l’épouse est l’époux ; mais l’ami de l’époux, qui se tient là et qui l’entend, est ravi de joie à la voix de l’époux.

Voilà ma joie, elle est maintenant parfaite.

Il faut que Lui grandisse et que moi je diminue» (Jn III, 27-30)

Jean-Baptiste ne se laisse pas prendre par la jalousie que ses disciples cherchent à lui inspirer en venant lui rapporter ce que fait Jésus, les prodiges qu’Il accomplit et les foules nombreuses qui se rassemblent autour de Lui. Il n’y a pas la moindre trace d’amertume en son âme.

Il désire plutôt chasser au plus vite ces sentiments pernicieux de leurs cœurs. Aussi il exalte à nouveau le Christ en le désignant comme l’Epoux. Il faut que Lui grandisse de plus en plus par Sa réputation et Son autorité, et que Ses œuvres et Ses miracles manifestent au peuple d’Israël qui Il est.

Et Jean-Baptiste doit au contraire diminuer et s’effacer, il faut qu’il soit le Précurseur de Notre Seigneur jusque dans la mort.

Et cette attitude de Jean face à Jésus est vraie pour nous aussi. Il doit grandir en nous : il faut que nous L’aimions de plus en plus et le connaissions de mieux en mieux.

Et en avançant dans la connaissance et l’amour, nous devons diminuer dans notre propre estime et affection.

Car « plus l’homme découvre combien Dieu est grand et bon, plus il voit combien lui-même est faible et misérable. » (Ludolphe le Chartreux)

 

L’emprisonnement de Jean-Baptiste

 

Depuis quinze mois, Jean-Baptiste annonce la venue du Christ. Par sa prédication enflammée,  il a déjà permis la conversion d’un grand nombre de Juifs.

D’autre part, il n’a pas craint de condamner hautement la conduite d’Hérode, qui a enlevé Hérodiade, la femme de son frère, et qui l’a prise pour épouse, contrairement au précepte de la Loi (Mc VI, 17).

Il dénonce avec vigueur ce mariage adultère et incestueux.

Aussi Hérode fait-il arrêter Jean, qui est chargé de chaînes et emmené en Galilée où on le jette en prison, dans la forteresse de Machéronte à l’est de la mer morte.

Pour flatter les Juifs qu’il prétend gouverner et pour asseoir son autorité, Hérode avait embrassé leur religion et reçu la circoncision comme prosélyte. Il était donc tenu d’observer la Loi de Moïse, qui interdisait d’épouser la femme de son frère encore vivant.

Et saint Jean, en bon défenseur de la vérité, ne manque pas de rappeler à Hérode ce précepte : « Il ne vous est pas permis d’avoir la femme de votre frère. » (Mc, VII, 18)

Hérodiade, quant à elle, en conçoit une grande haine contre Jean-Baptiste et cherche par tous les moyens à se débarrasser de lui et à le faire mourir.

Elle appréhendait certainement que Jean n’arrive à toucher le cœur d’Hérode, et d’être ainsi renvoyée à son premier mari, qui pourrait alors la châtier de son infidélité en la faisant mourir…

Nous pouvons admirer ici la conduite de Jean-Baptiste qui continue d’annoncer la vérité, au péril de sa propre vie, sans tenir compte des conséquences fâcheuses risquant d’en résulter pour lui. Il reste totalement libre.

Malgré la puissance d’Hérode et la perfidie de sa femme Hérodiade, il ne craint pas de dire la vérité, de leur faire savoir ce que demande la Loi divine, avec une fermeté inébranlable et sans aucun respect humain.

            « Tel était Jean-Baptiste: il ne regardait ni à la puissance, ni à la gloire, ni à quoi que ce soit; mais toutes ces choses, il les foulait aux pieds, et, avec cette liberté qui convenait à son ministère, il prêchait Jésus-Christ en toutes circonstances et devant tout le monde. » (saint Jean Chrysostome)

 

Il semble aussi qu’Hérode ait eu de vives préoccupations en voyant l’influence que Jean avait acquise sur le peuple, et qu’il ait redouté de le voir provoquer une sédition.

 

Aussi le retient-il comme prisonnier : il n’ose pas cependant le mettre à mort car il le craint beaucoup.

Il sait au fond de lui que c’est un prophète, et il s’entretient volontiers avec lui.

« Hérode craignait Jean, sachant que c’était un homme juste et saint. Quand il l’avait entendu, il était fort perplexe, et c’est avec plaisir qu’il l’écoutait. » (Mc VII, 20)

En effet, Hérode estimait beaucoup saint Jean car « la vertu a tant de force qu’elle se fait respecter même de ses plus grands ennemis. » (Saint Jean Chrysostome)

 

Et il savait bien aussi que le meurtre de Jean-Baptiste pourrait ruiner sa propre autorité, car le peuple le vénérait comme un prophète et pourrait se révolter d’un tel crime.

« Donc, pour tromper et calmer le peuple, il feignait de consulter et d’écouter Jean, de se conduire d’après ses avis et conseils. Mais en réalité, dans toutes ses actions il ne tenait aucun compte de Dieu, et préférait l’amour impudique d’une femme qui le dominait. » (Ludolphe le Chartreux)

 

Mais dans sa prison, Jean reste paisible et tout abandonné au bon plaisir de Dieu et à sa divine Providence.

Il sait que tout ce qu’Il permet est pour le mieux, il ne se trouble donc nullement des tourments et privations qu’il a à endurer.

Il désire plaire à Dieu plutôt qu’aux hommes. Il n’a qu’un désir : accomplir tout ce qui peut Lui être agréable et fuir la plus petite chose qui pourrait venir offenser Son divin regard.

Il sait qu’il souffre pour Son amour et pour la vérité, et cela lui rend tout facile à supporter.

« Il ne considère pas les peines et souffrances de la prison, mais seulement la couronne et la récompense qui l’attendent pour l’éternité. » (Saint Jean Chrysostome)

 

Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?

 

Saint Jean, en prison pour la Vérité, entend parler de toutes les œuvres merveilleuses du Christ et de ses miracles (Mt XI, 2). Sa captivité n’est pas rigoureuse au point qu’il soit coupé de ses disciples.

Ceux-ci ne manquent donc pas de venir le trouver, ni de lui rapporter tout ce que fait Jésus, et par là, nous voyons qu’ils « avaient encore une secrète envie contre le Sauveur… » (St Jean Chrysostome)

Jean-Baptiste envoie alors deux de ses disciples vers Notre-Seigneur pour Lui demander s’il est le Messie promis ou s’ils  doivent en attendre un autre.

 

Comment se fait-il que Jean-Baptiste, qui connaissait Notre Seigneur, en vienne à envoyer auprès de Lui ses disciples pour apprendre s’Il est bien le Messie promis, ou s’ils  doivent en attendre un autre ?

Comment celui qui a connu Jésus-Christ avant même qu’il fasse ses premiers miracles, celui qui a vu le Saint-Esprit descendre comme une colombe sur Lui et qui a entendu la voix du Père Le révéler lors du Baptême, comment celui qui a proclamé devant tout le monde: Voici l’Agneau de Dieu (Jean I, 29) peut-il maintenant faire demander à Jésus s’Il est bien celui qui doit venir ou s’il faut en attendre un autre ?

 

Jean Baptiste sait bien tous les prodiges accomplis par Notre-Seigneur, il sait que sa réputation s’est répandue dans toute la Judée : qu’il ressuscite les morts, qu’il chasse les démons, qu’il guérit toutes sortes de maladies…

Il est donc impossible qu’il en soit venu à douter de l’identité de Jésus.

 

            « Qu'il sût bien que Celui à qui il envoyait faire la demande était vraiment le Messie, cela est indubitable, car il le connut étant encore dans le ventre de sa mère, et il n'y a aucun Saint qui ait eu une plus grande lumière et intelligence du mystère de l'Incarnation que ce glorieux Saint Jean. » (St François de Sales)

 

Il faut donc rechercher quel a été le dessein de Jean-Baptiste en envoyant ses disciples vers Jésus.

 

Saint François de Sales fait remarquer que « l’on n'interroge pas toujours pour savoir, ni  parce que l'on ignore ce que l’on demande, mais l’on fait des questions pour plusieurs autres causes et raisons.

Aussi le glorieux saint Jean n'envoya pas ses disciples à Notre Seigneur pour savoir s'il était le Messie ou non, car il n'en doutait nullement.

Mais, voyant que l'amour et l'estime que ses disciples lui portaient se faisaient au mépris de Jésus-Christ, il les envoie à cette divine Majesté pour être instruits et informés de la Vérité.

Ce n'est donc pas parce que Saint Jean doutât en aucune façon que Notre Seigneur fût le Messie, qu'il lui envoya ses disciples lui faire une telle demande, mais pour leur bien, pour ne point les attirer à lui, mais pour les en détacher, afin que voyant les merveilles que Jésus Christ opérait, ils vinssent à en concevoir l'estime qu'il fallait.

Il les traite comme des petits enfants, car pour lui il croit assurément qu'il est le Fils de Dieu, l'Agneau qui enlève le péché du monde. Il pouvait bien, par ses paroles, leur faire entendre cette vérité, mais il ne le fait pas, et ainsi les envoie à Notre Seigneur pour être instruits. » (Sermon de Saint François de Sales)

 

En effet, nous avons vu assez clairement dans l’Evangile que les disciples de Jean-Baptiste avaient encore de l’éloignement pour Jésus-Christ, et qu’ils continuaient de nourrir une secrète jalousie contre Lui.

C’est ce qui les empêchait de croire.

« Leur envie était comme un mur qui leur fermait la voie pour aller à Jésus. Tant que saint Jean était avec eux, il les instruisait et les exhortait continuellement, sans qu’il pût rien gagner sur eux; mais se voyant si près de mourir, il s’y appliqua avec encore plus de soin. Il craignait qu’il ne reste dans leurs esprits quelque semence de division, et qu’ils demeurent toujours séparés de Jésus-Christ. C’était l’unique but que saint Jean avait eu dès le commencement, et il avait tâché dès le principe de mener tous ses disciples au Sauveur. N’ayant pu jusque-là les persuader, il fait ce dernier effort, lorsqu’il se voit près de mourir

Il choisit donc deux de ses disciples qu’il savait être les plus disposés à croire, afin que s’acquittant de leur mission sans prévention, ils voient eux-mêmes par des effets sensibles la différence qu’il y avait entre Jésus-Christ et lui. » (saint Jean Chrysostome)

 

Ces disciples vont donc trouver Jésus pour Lui demander s’Il est celui qui doit venir ou s’il faut en attendre un autre.

La réponse de Jésus est à son tour magnifique d’humilité :

 

« Vous me demandez si je suis ce grand Prophète, le Messie promis, Celui qui tonne dans les cieux et qui doit venir briser la tête de l'ennemi. Or, je vous réponds : Dites ce que vous avez vu et entendu.

O admirable humilité de notre cher Sauveur qui vient pour confondre notre orgueil et détruire notre superbe! On lui demande : Qui es-tu ? Et il ne répond autre chose sinon : dites ce que vous avez vu et entendu, pour nous apprendre que ce sont nos oeuvres et non point nos paroles qui rendent témoignage de ce que nous sommes, et que nous sommes pleins d'orgueil.

En fin, ce sont nos oeuvres ou bonnes ou mauvaises qui nous font ce que nous sommes, et c'est par celles-ci que nous devons être reconnus.

L'homme se connaît par ses oeuvres. Que si nous voulons savoir qui nous sommes, il nous faut regarder quelles sont nos oeuvres, reformant ce qui n'est pas bien et perfectionnant ce qui est bon. » (Saint François de Sales)

 

Jésus ne va pas dire : Oui, c’est bien moi, je suis le Messie, mais « Il aime mieux leur faire connaître ce qu’Il est par les miracles qu’il fait devant eux. » (Saint Jean Chrysostome)

Aussi plusieurs malades s’approchant de Lui, et Il les guérit tous. Il savait que le témoignage des oeuvres est moins suspect et a bien plus de force que celui des paroles.

Jésus ne veut pas se rendre témoignage à Lui-même, « il les laisse juger eux-mêmes de toutes choses par les miracles qu’il fait devant eux, les instruisant ainsi de la manière la plus persuasive et la moins suspecte. » (Ibid)

Il est très beau aussi de voir toute la sollicitude que Jésus témoigne, jusque dans ses miracles, envers les petits, les méprisés, les humbles… envers tous ceux dont la vie ne compte que devant Dieu.

 

Et par cet épisode nous est aussi manifestée une fois encore toute la douceur et l’humilité de Jean-Baptiste.

Sa douceur transparaît dans la manière dont il supporte avec patience et bonté les défauts de ses disciples.

 

(Dom Delatte voit aussi dans cette question rapportée à Jésus par ses disciples la possibilité d’une ultime épreuve pour Jean-Baptiste :

« Sans doute, la foi de Jean demeure intacte ; il ne peut démentir, lui, le saint incomparable, l’acte de foi si complet qui a commencé son ministère. Mais il est encore un homme.

Il touche à la fin de sa vie : c’est l’heure des tentations suprêmes, celles qui couronnent et éprouvent la sainteté. Il advient parfois aux meilleurs ouvriers de Dieu d’être visités, vers la dernière heure de leur vie, par une tentation redoutable, une sorte de vision de néant : « Si je m’étais trompé, si ma vie avait été vaine, s’il n’y avait ni Dieu, ni âme, ni éternité… »

Ainsi leur est demandé un acte de foi qui scelle définitivement leur persévérance et leur fidélité.

Or, la captivité de Jean-Baptiste se prolonge.

Cet Agneau de Dieu qu’il a désigné comme étant le Sauveur d’Israël, pourquoi tarde-t-il ? Pourquoi s’est-il retiré dans l’obscurité de la Galilée au lieu de fonder le Royaume de Dieu ?

Ce ne serait qu’une tentation, compatible avec la fidélité profonde du Précurseur.

Notre-Seigneur n’a-t-il pas éprouvé quelque chose de cette angoisse dernière : « Maintenant, mon âme est troublée ; et que dirai-je ? Père, sauvez-moi de cette heure. » Jn XII, 27

Et dans Son agonie, Il disait : « Mon Père, s’il est possible, que ce calice s’éloigne de moi. » Mt XXVI, 39)

 

Une fois que les disciples de Jean se sont retirés, Jésus fait l’éloge de Son Précurseur devant la foule.

« Qu’êtes-vous allés contempler au désert ? Un roseau agité par le vent ? Un homme vêtu d’habits délicats ?

Mais ceux qui portent de somptueux vêtements et vivent dans les délices se tiennent dans les palais royaux.

Alors qu’êtes-vous allés vois ? Un prophète ?

Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète.

Entre tous ceux qui sont nés des femmes, il ne s’en est point élevé de plus grand que Jean-Baptiste. » (Lc VII, 24-26)

C’est comme si Jésus prenait sa revanche à l’égard de Son Précurseur : par ses éloges, Il répond aux multiples témoignages que Jean a rendus de Lui ! (Dom Delatte)

Le martyre de Jean-Baptiste

Notre-Seigneur ne promet jamais à Ses disciples de les préserver de la mort, des épreuves ou des souffrances, mais il permet que cela leur procure de plus grands avantages que s’ils en avaient été préservés.         

Saint Jean-Baptiste, dans sa prison, sait bien qu’Hérode ne peut nuire qu’à son corps, et que de toute façon, cela lui procurera des avantages spirituels.

Jésus le dira à Ses disciples : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne sauraient tuer l’âme. Craignez plutôt celui qui peut perdre dans la géhenne à la fois l’âme et le corps. » (Mt X, 26).

Il demeure donc rempli de confiance et de paix, totalement abandonné.

Or « la liberté que possèdent les âmes abandonnées à Dieu leur apporte une grande paix et une profonde joie : elles savent que Dieu est un Père plein de bonté qui veut les mener à Lui. Que craindraient-elles ? Elles vivent dans l’abondance des biens divins et dans une paix qui surpasse tout sentiment.

Cette paix découle de la confiance inébranlable qu’elles ont en Dieu et de l’intimité profonde qui les unit à Lui. Le Seigneur est leur force, leur sagesse et leur gloire, et jusque « dans les ombres de la mort » elles goûtent une joie inaltérable, parce qu’elles savent qu’elles sont entre les mains du meilleur des Pères, du plus fidèle des Amis, du plus tendre des Epoux. (« Et si ambulavero in mediomedio umbrae mortis, non timebo mala, quniam tu mecum es » Ps XXII, 4) » (Dom Marmion Le Christ, idéal du moine p 530)

 

Hérode, quant à lui, habitait souvent sa lointaine forteresse de Machéronte, où il avait fait mettre en captivité Jean-Baptiste…

 

Un jour, pour fêter l’anniversaire de sa naissance, il donna un festin aux grands de son royaume (Mt XIV, 6). La fille d’Hérodiade, Salomé, dansa publiquement devant lui et elle lui plut. De sorte qu’il lui promit avec serment de lui donner tout ce qu’elle lui demanderait…

 

            « O festin diabolique! ô assemblée de démons ! ô danse cruelle !

On y décide en un moment la mort la plus injuste qui soit. On y fait mourir un homme qui ne méritait que des louanges et des couronnes.

On apporte à ce festin cette tête qui était le trophée des démons.

Considérons aussi la cruauté d’Hérode, et son insensibilité pleine de folie. Il s’engage par serment, et il permet à cette fille de lui demander tout ce qu’elle veut.

Pourtant lorsqu’il reconnaît dans quel excès il s’est engagé, l’Ecriture nous dit qu’il en est fâché.

 

Considérons l’ensemble de ce festin, et nous verrons que c’était le diable qui y présidait. Premièrement tout s’y passe dans les délices, dans la fumée du vin et des viandes, ce qui ne peut avoir que de malheureuses suites.

De plus la licence et le libertinage y règnent souverainement. On y voit une jeune fille que sa mère devait cacher comme un témoignage public de son impudicité, qui entre au contraire avec pompe et avec magnificence au milieu de ce festin, et au lieu de se maintenir dans l’honnêteté propre à son sexe, elle s’expose aux yeux de tous, avec une impudence que n’auraient pas les femmes les plus débauchées.

Craignons cet abîme et ce piége par lequel le démon fit tomber ce malheureux prince dans ce grand crime. Dans la frénésie de la passion qui le possédait, il estima si peu la principauté, qu’il fût prêt d’en donner la moitié pour une danse.

La passion a tellement égaré sa raison qu’il commet à la fois deux actes de la dernière folie: d’abord, de rendre maîtresse de ses actions une fille furieuse, enivrée de passion, et capable des plus grands emportements; et ensuite de confirmer par serment une promesse si extravagante.

            Vit-on jamais une si brutale cruauté? Une jeune fille pour grâce demande un meurtre. Elle demande une mort injuste, la mort d’un saint, et elle fait cette cruelle demande au milieu d’un festin, devant tout le monde, et sans rougir. Elle ne prend point Hérode en particulier pour lui faire cette demande. Elle la fait devant toute la cour, avec un front d’airain, avec un visage de prostituée, et le démon, qui lui avait inspiré ce qu’elle devait demander, lui fait accorder ce qu’elle demande. C’est lui qui la fit danser avec tant de grâce, qui fit qu’Hérode fut ravi de la voir, et qu’ensuite il s’abandonna aveuglément à sa passion. 

 

Mais Dieu voit tout cela et il le souffre. Il ne lance point ses foudres sur cette malheureuse. Il ne réduit point en cendres ce front insolent et cette langue homicide. Il ne commande point à la terre de s’ouvrir pour abîmer ce prince et tous ses convives avec lui. Il retient sa justice en cette rencontre pour préparer à son serviteur une couronne plus illustre, et pour laisser à tous ceux qui le suivront une plus grande consolation dans leurs maux. 

 

Qu’avait à reprocher Hérodiade à saint Jean ?

Il ne lui avait jamais fait la moindre réprimande, et il s’était toujours adressé à Hérode. Mais c’est sa conscience criminelle qui lui fait sentir l’aiguillon du remords. C’est le bourreau qui la tourmente et qui la déchire intérieurement. Ce qu’elle endure au dedans la rend comme furieuse au dehors.

 

Il est très beau aussi de considérer avec quelle modération l’Evangile rapporte cet attentat d’Hérode : il ne l’exagère point, et il semble même l’excuser en quelque sorte.

Il dit qu’Hérode s’affligea de cette demande, mais que néanmoins, à cause de son serment et de ceux qui étaient à table avec lui, il consentit à cette mort.

Il dit de même de cette jeune fille, qu’elle fut poussée à cela par sa mère, et qu’elle lui porta cette tête, comme s’il disait qu’elle ne fit que lui obéir. Car les véritables justes plaignent davantage celui qui fait le mal que celui qui le souffre, parce qu’ils savent que le mal retombe sur celui qui le fait. Ainsi ce n’est point saint Jean qui est à plaindre dans sa mort, puisqu’il n’en reçut aucun mal, mais ceux qui l’ont traité si cruellement.

Il est bon d’imiter toujours cette modération, de plaindre les pécheurs, de couvrir leurs excès pour entrer ainsi dans des sentiments vraiment chrétiens. L’évangéliste, en parlant d’Hérodiade, cette femme impudique et meurtrière, le fait sans exagération et fort simplement.

C’est ainsi qu’agissent les saints. Ils ne font pas des imprécations contre les méchants; mais ils pleurent et ils soupirent pour eux. » (saint Jean Chrysostome)

 

Il n’est rien besoin d’ajouter au récit que nous donne l’Evangile du martyre de Jean-Baptiste (Mt XIV, 3-12 et Mc VI, 17-29)

Par son martyre, saint Jean nous donne l’exemple, il nous apprend « qu’il faut confesser la vérité et savoir mourir pour elle, alors même que notre parole ne devrait pas être entendue, et qu’au regard des hommes, notre mort ne devrait servie à rien.

Dieu peut faire d’apparents gaspillages de Son bien : tout est à Lui ! Et la vérité n’a besoin que de notre témoignage. » (Dom Delatte)

 

A la nouvelle du martyre de Jean-Baptiste, ses disciples dévoués viennent réclamer son corps et le déposent dans un sépulcre.

Saint Matthieu rapporte qu’ils vont ensuite trouver Jésus pour l’avertir. « Et peut-être plusieurs vinrent-ils non seulement pour apporter la nouvelle, mais aussi pour se ranger parmi les disciples de Notre-Seigneur. » (Dom Delatte)

 

C’est ainsi que Jean fut le Précurseur, à la fois dans sa vie et dans sa mort elle-même, se livrant jusqu’au bout, jusqu’au merveilleux témoignage du martyre.

En mourant de cette mort cruelle, il prépare ainsi le baptême de la Passion de Notre-Seigneur…

Mais Dieu ne précipite Ses serviteurs dans les afflictions, les humiliations et les souffrances que pour les élever ensuite à des faveurs et récompenses indicibles…

En mourant pour la vérité, Jean-Baptiste est mort pour le Christ, Lui qui est la Vérité même.

Il nous montre le chemin, car la consommation du martyre n’a pas seulement lieu par l’effusion du sang, une autre forme de martyre advient par l’éloignement des péchés et l’observation de tous les préceptes divins.

            « Le chrétien est toujours sous le feu de la persécution car tout ce qui est dans le monde lui est opposé. De quelque côté que je porte mon âme, je rencontre des périls.

Ne croyez pas que pour les chrétiens et les religieux, le martyre consiste simplement dans l’effusion du sang. » (saint Bernard)

 

Prière de Ludolphe le Chartreux

 

« Saint Jean-Baptiste, illustre ami de Jésus, flambeau brillant et ardent !

Intercédez pour moi auprès de Dieu, afin qu’Il réchauffe mon cœur aveugle et froid. Qu’à votre exemple, je sache supporter avec patience toutes les adversités pour le nom de Jésus, pour la foi, la justice et la vérité.

Que je ne craigne pas de combattre avec courage, jusqu’à la mort même…

Par le secours de vos prières et de vos mérites, obtenez-moi de participer un jour aux Noces royales de l’Agneau sans tache, vous qui L’avez montré du doigt au peuple qu’Il venait sauver.

Ainsi soit-il. »

 

 

 

 

 

 



« Le témoignage est bien plus que la relation objective d’un fait ou d’une parole : c’est un engagement au service de la vérité. » André Feuillet

« Nous ne croyons pas qu’il y ait lieu de supposer une continuité chronologique immédiate. Le grec se sert d’une expression qui signifie habituellement « le lendemain ». Mais la Vulgate a employé une formule plus vague « un autre jour ». (Dom Delatte)

« Certains auteurs disent que le second personnage qui n’est pas nommé était saint Jean l’évangéliste, parce que c’était l’usage des écrivains de ne pas faire leur propre éloge, mais de parler d’eux comme d’une tierce personne, pour éviter l’ostentation. » (Ludolphe le Chartreux)

« Il est également vrai de dire que Jésus baptisait et ne baptisait pas : Il baptisait puisque Lui seul purifiait l’âme de ses souillures ; et il ne baptisait puisqu’Il ne plongeait pas le corps dans l’eau. Les disciples prêtaient le ministère de leur corps pour les actes extérieurs qu’il fallait accomplir, mais Jésus Christ y joignait le secours de Sa puissance pour les effets intérieurs qu’il fallait produire. » (Saint Augustin)

« Il donne pouvoir aux apôtres de baptiser en son nom, mais ne baptise pas Lui-même » (Dom Delatte)

 

Ludolphe le Chartreux

« Avoir tout reçu du Seigneur, avoir été sanctifié par Lui dès avant sa naissance, être à Lui sans pouvoir Le suivre, Lui amener les âmes dans un sentiment de délicatesse, de respect et de tendresse infinie, ne rien retenir pour soi ; n’exister que pour Lui et mourir en Lui obéissant : y a-t-il au monde une vocation plus grande que celle-là ? » (Dom Delatte)

Hérodiade était la femme de son frère Philippe, fils déshérité d’Hérode le Grand.

« Ces sentiments de rivalité n’avaient pu que s’accentuer après l’emprisonnement du Précurseur. Et on conçoit bien que les rapports qui parvenaient à celui-ci fussent très divers. » (Dom Delatte)

« Que la crainte de la mort ne vous empêche pas de prêcher hardiment. Car l’homme traître à la vérité n’est pas seulement celui qui la viole directement en publiant le mensonge à sa place. Mais c’est aussi celui qui ne la proclame pas hardiment ou ne la défend pas courageusement lorsqu’il convient.

Ainsi la vérité est trahie non seulement par celui qui la nie, mais encore par celui qui la tait pour ne pas irriter ceux qui peuvent tuer le corps. » (St Jean Chrysostome)

« Hérodiade ne représente-elle pas la luxure ? La danse de sa fille ne signifie-t-elle pas la licence de la volupté qui procure souvent la mort spirituelle ? » (Ludolphe le Chartreux)

« Considérez avec moi comme les disciples du Précurseur sont déjà liés intimement avec le Sauveur ; ils sont venus Lui annoncer tout ce qui était arrivé à leur maître, et renonçant aussitôt à tout ce qu’ils possèdent dans le monde, ils restent avec le Seigneur. » (saint Jean Chrysostome)