ICRSP




La vie cachée de Saint Jean-Baptiste au désert

Télécharger l'enregistrement

« Marcher selon l’Esprit, vivre de la foi, ne chercher que les biens du Ciel au lieu de ceux de la terre, oublier le passé pour s’appliquer uniquement à ce qui est devant nous, c’est là vraiment prophétiser !

Comment, en effet, notre vie peut-elle être au Ciel, sinon par l’esprit de prophétie ?

C’est ainsi que les prophètes, autrefois, franchissaient le temps par un élan de la pensée et s’élançaient dans l’avenir ; ils se séparaient de leurs contemporains et tressaillaient de joie à l’idée de voir le jour du Seigneur ; ils le voyaient et cette vue les enivrait de joie. »

                                                                                                                            Saint Bernard

 

 

Saint Jean-Baptiste « fut dans les déserts jusqu’au moment où il se présenta à Israël » (Lc I, 80).

 

Des Révélations d’Anne-Catherine Emmerich :

« Il habitait très avant dans le désert, et il se mortifiait de toutes les manières. Il dormait en plein air sur le rocher nu, il courait de toutes ses forces sur des pierres ou à travers les chardons et les ronces ; il se flagellait avec des épines ; il travaillait jusqu'à l'épuisement et restait de longues heures en prière et en contemplation

Il s’avançait toujours plus avant dans les désert.

Je le vis aussi retirer du creux des arbres quelque chose de brun qu'il mangeait et qui me semblait être du miel sauvage : on en trouvait là fréquemment. Je le vis, lorsqu'il fut devenu plus grand, porter autour des reins la peau de mouton qu'il avait apportée avec lui : il n'eut pas d'autre vêtement jusqu'à ce qu'il se fût tressé lui même une couverture brune à longs poils, qu'il portait attachée sur ses épaules.

Il y avait dans cette solitude des animaux avec une toison laineuse qui l'approchaient familièrement ; et aussi des chameaux qui se laissaient arracher par lui les longs poils qu'ils avaient autour du cou. Je le vis en faire des tresses avec lesquelles il confectionna une couverture qu'il avait encore sur lui lorsqu'il parut de nouveau au milieu des hommes pour baptiser. Je le vis dans ce désert s'imposer des pénitences et des mortifications de plus en plus rudes et s'adonner à la prière avec une assiduité et une ferveur toujours croissantes

 

« Jean ne se sentait pas mêlé aux choses de la terre comme les autres hommes. Dès le sein de sa mère, il s'était trouvé en contact avec les choses éternelles et le Saint Esprit avait établi entre son Rédempteur et lui des rapports qui existaient hors du temps. Encore enfant, il avait été enlevé au monde, et son éducation, livrée à des influences d'un ordre supérieur, s'était faite au sein de la nature toute imprégnée de Dieu.

Là, il vécut séparé des hommes, au fond des solitudes les plus reculées, ne sachant rien, si ce n'est son Rédempteur, jusqu'à ce qu'il sortit du désert, comme ayant reçu une nouvelle naissance pour commencer sa carrière publique, toujours austère, enthousiaste, ardent, ne craignant rien et ne s'inquiétant de rien. »

 

« Dans la solitude, il frayait avec les sources, les rochers, les arbres et les bêtes sauvages, il vivait et conversait avec eux ; c'est de même que par la suite il parlera et agira parmi les hommes et les pécheurs, sans penser à lui même.

Il ne voit et ne connaît que Jésus ; il ne parle que de Lui. Ses discours se borneront à dire : « Je viens préparer Ses voies : faites pénitence, recevez le baptême. Voici l'agneau de Dieu qui porte les péchés du monde ! »

Dans le désert, il était pur et innocent comme un enfant dans le ventre de sa mère, et il sortira du désert pur et candide comme un enfant suspendu au sein de sa mère. Plus tard, le Seigneur dira aux apôtres : "Il est pur comme un ange, rien d'impur n'est entré dans sa bouche, pas plus qu'un péché ou un mensonge n'est sorti de sa bouche. " »

 

 

            Enfoncé dans le désert, loin du commerce des hommes, Jean-Baptiste ne converse donc qu’avec le Ciel. Il n’a pas d’autre bonheur ou consolation que de se livrer à Dieu et de tout Lui sacrifier.

            « Il préfère la solitude du désert aux sollicitudes du monde, la paix au fracas, la tranquillité au tumulte; il sait que la fuite et l'éloignement des hommes est la plus forte sauvegarde contre la contagion des vices ». (Sermon de Pierre de Blois)

Saint Jacques dit que la langue est la source de toute iniquité, et que celui qui veut fuir le péché doit fuir la conversation.

Car « la parole distrait, mais le silence recueille et communique la vigueur à l’esprit. Pour esquiver les pièges que nous tendent le démon et la sensualité, il n’y a pas de plus sûr moyen que de souffrir, d’agir et de se taire, en aimant et en recherchant la solitude, dans l’oubli de tout le créé et de tout ce qui passe, quand bien même le monde viendrait à s’effondrer.

Rien ne nous est plus nécessaire que de garder le silence des désirs et celui de la langue, en présence de notre grand Dieu. Car le langage qu’Il entend, c’est le langage silencieux de l’amour ». (St Jean de la Croix L 22)

 

Mais au milieu de sa vie solitaire, silencieuse et pénitente, Saint Bonaventure nous apprend cependant que saint Jean-Baptiste reçut la visite de l'Enfant Jésus.

            « Avec quel empressement », dit-il, « et quelle allégresse le fils de Zacharie reçut cette auguste visite ! Quel ne dut pas être son bonheur! »

La sainte famille serait restée quelque temps avec saint Jean, elle aurait partagé son frugal repas, et après l'avoir comblé d’ineffables bénédictions, lui au­rait dit adieu en le laissant à ses saintes contemplations.

Ne s’entretenant qu’avec Dieu, saint Jean-Baptiste mène donc une vie étonnante. Il n’a pour vêtement qu’un rude habit de poils de chameaux, pour toute nourriture des sauterelles et du miel sauvage ; et pour sa soif, de l’eau pure. Le désert lui fournit tout, car la Providence divine veille sur son prophète. Il n’a aucun commerce avec les pécheurs et pourtant c’est lui qui va bientôt reprendre leurs vices et réprimer avec vigueur leurs scandales…

 

Que médite-il au fond de son cœur en cette profonde retraite ?

 

Il est déjà tout occupé du Messie qu’il devra bientôt annoncer : être privé de la vue et de la conversation de Jésus est certainement l’abstinence la plus admirable et la plus éprouvante de sa vie au désert… Il sait bien pourtant que Jésus opère invisiblement de loin comme de près…

Ses pensées sont continuellement occupées de Lui : il adore dans le silence Celui qu’il annoncera bientôt par ses paroles.

Et il demeure surtout attaché aux ordres de Dieu, à l’écoute de Sa voix pour être prêt à suivre Ses plus petites inspirations, sans se préoccuper de quoi que ce soit d’autre, sans aucun empressement de commencer sa mission. Il attend simplement, dans le recueillement et la prière, que l’heure de Dieu lui soit manifestée.

Il n’y a en lui aucun orgueil humain, aucun empressement, aucun désir personnel, et c’est ainsi qu’il prépare les voies à Jésus : par son humilité. Il aime son désert et trouve que sa part est la plus belle.

 

Le premier anachorète

 

Par sa vie retirée dans la solitude, par son célibat et ses pratiques ascétiques, Jean-Baptiste peut être considéré, au seuil du Nouveau Testament, comme l’archétype du moine.

« Successeur des prophètes Elie et Elisée, qui vivaient d'herbes et de racines dans les grottes du mont Carmel, saint Jean a été le premier anachorète du christianisme, et son exemple sera bientôt suivi par des mil­liers d'autres. Dès les premiers siècles, ces déserts seront peuplés par ses pieux imitateurs ».

 

Mais la vie qu’il mène au désert est pourtant loin d’être une nouveauté dans la tradition biblique.  Cette vie extrêmement rude n’était pas inconnue de l’ancienne Loi. La vie de la plupart des prophètes est pleine elle aussi de semblables austérités.

Outre Elie et Elisée, nous pouvons penser aussi au prophète Jérémie, dont le célibat, et surtout la profonde intimité avec Dieu, sont déjà une préfiguration de ce que sera par la suite la vie monastique.

 

La temps que Jean-Baptiste passera dans cette profonde retraite est comme un temps de formation qui le prépare à sa mission future ; il est surtout une expérience de solitude où le cœur à cœur avec Dieu devient comme la respiration de son âme.

Il se laisse séduire par Dieu, et conduire par Lui toujours plus profondément dans cette solitude aride et éprouvante pour vivre dans Son intimité.  (Os II, 16)

 

Le jeûne et la vie ascétique

 

« Celui qui ne veut pas se dépouiller mais prétend trouver le Bien-Aimé dans son lit, au milieu de ses aises, ne Le trouvera jamais. »  (NP Saint Jean de la Croix NO II, XXIV,4)

 

Jean-Baptiste mène une vie très austère : l’évangile nous dit qu’il ne se nourrit que de sauterelles et de miel sauvage. Il porte un manteau de poils de chameau et un rude pagne de peau autour des reins. (Mt III, 4)

 

Le désert est d’abord le lieu du jeûne et du manque, tout est réduit à l’essentiel.

Jean vit là dans l’attente du Jour du Seigneur, préparant Ses chemins, préparant son cœur à Sa venue, embrasé déjà du désir de Lui laisser toute la place. (Is XL, 3)

Il aura bientôt des disciples qui adopteront son mode de vie et se mettront à son école.

Mais pour l’instant il est tout orienté vers Dieu seul, Il Le laisse former son âme pour la grande mission qui lui sera confiée : ramener vers Lui de nombreux fils d’Israël.

La conversion radicale qu’il annoncera bientôt avec vigueur, il doit d’abord la vivre dans sa chair, la laisser façonner et transformer son propre cœur. Et le jeûne va représenter la première réponse à l’onction par le Saint-Esprit : l’âme remplie du Saint Esprit est rendue capable de jeûner et de manquer.

En effet, pour devenir disponible à la contemplation et s’ouvrir aux biens du Ciel, la première condition est de se détacher des biens de la terre, de ne pas en faire un but et un absolu.

Jean-Baptiste applique donc à Dieu « toutes ses puissances, tous ses désirs, toutes les affections de son âme » de manière à ce que tout son être serve seulement le Seigneur et Lui appartienne uniquement.

Et l’âme ne peut en venir là qu’en se laissant purifier et unifier par l’action du saint-Esprit.

Le jeûne prépare notre cœur à recevoir Dieu, à nous laisser remplir par Lui et à Le laisser produire Ses fruits en nous ; il révèle aussi notre soif de Lui et nous pousse à compter entièrement sur Sa Providence divine au lieu de vouloir nous suffire à nous-même.

Et le désert, par le dégagement obscur qu’il provoque, est justement le lieu où ce dépouillement peut s’opérer, où l’âme peut se soumettre totalement à l’emprise de l’Esprit…

Le jeûne est l’attente de la véritable liberté, celle du saint-Esprit : la liberté d’aimer et de se donner. Et plus l’âme s’embrase du désir des biens célestes, plus elle se montre pleine de mépris pour les choses présentes, plus elle est véritablement libre.

 

Au désert, il n’y a plus rien que Dieu, et le combat spirituel avec les puissances des ténèbres.

Or seul celui qui jeûne peut remporter la victoire sur le prince de ce monde : et certains démons, certaines tentations et vaines illusions ne se chassent que par le jeûne et la prière. (Mc IX, 29)

Le jeûne est une des armes les plus efficaces dans le combat spirituel.

 

Jean-Baptiste, pour nous donner l’exemple, aura donc à faire l’expérience de cette école d’humilité, aride et difficile.

« Le Seigneur ton Dieu t’a fait marcher dans le désert afin de t’humilier, de t’éprouver et de connaître le fond de ton cœur : allais-tu ou non garder Ses commandements ?

Il t’a humilié, Il t’a fait sentir la faim, Il t’a donné à manger la manne que tu ne connaissais pas… pour te montrer que l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » (Dt VIII, 2-3).

 

La prière

 

Mais le désert est aussi et surtout le lieu de la prière.

Au désert, Jean-Baptiste est presque toujours absorbé en oraison et comme ravi en extase.

Il ne cesse pas un instant de se tenir en présence de Dieu et de Le servir, comme les anges qui se tiennent nuit et jour devant Dieu et Le servent.

« Selon l'opinion de la plupart des docteurs, il fut confirmé dans la grâce comme les anges, car il ne se laissa jamais aller à aucune faute.

L'austérité de sa vie, la sévérité de sa pénitence, ses privations en fait de nourriture, de vêtements, de repos, de sommeil, faisaient de son existence un continuel martyre, et lui obtinrent ce privilège que nous envions aux anges. C'est pourquoi saint Jean Chrysos­tome dit que sa vie était toute angélique; il vivait sur la terre comme s'il eût été au Ciel.

Sans cesse occupé à l'oraison, à la prière et aux louanges du Seigneur, il évitait toute société humaine, et Dieu seul était l'objet et le terme de ses conversations. » (Petits Bollandistes)

 

Le désert est bien le lieu par excellence où la relation avec Dieu devient vitalement nécessaire, où elle se renforce continuellement : on ne peut y vivre et y persévérer sans s’appuyer sur Dieu seul et recevoir à chaque instant la force de Son Esprit.

 

Et au désert, saint Jean-Baptiste n’a pas d'autre maître que le Saint-Esprit.

            « Ce fut par ses soins qu'il connut les mystères les plus pro­fonds, non pas selon les bornes d'une intelligence humaine, mais avec toute la pénétration d'un esprit céleste. C'est à l'école du Saint-Esprit que Jean reçut l'in­telligence des Ecritures et même le pouvoir de parler et d'écrire avec l'au­torité des auteurs sacrés. C'est là qu'il puisa la science et le zèle qui allaient lui être nécessaires comme docteur et comme prédicateur, pour concilier au Christ la foi du monde entier. » (Petits Bollandistes)

 

Mais le désert n’est pas le lieu d’une intimité idyllique ou d’un pieux repos, c’est d’abord un lieu de combats, en compagnie des bêtes sauvages (Mc I,13). C’est un lieu soumis à l’emprise des forces du mal, où les démons doivent être défiés sur leur propre terrain.

Par là, Dieu veut aguerrir l’âme de son prophète, Lui apprendre à lutter, à ne pas s’appuyer sur ses forces humaines mais seulement sur la force de l’Esprit. « Rendez-vous puissants dans le Seigneur et dans la vigueur de Sa force. Revêtez l’armure de Dieu pour pouvoir résister aux embûches de l’ennemi. (Ep VI, 10-11)

C’est une erreur commune de croire que l’on vit en Dieu lorsqu’on n’a pas de combats, alors qu’au contraire le combat spirituel est justement le lieu où l’âme progresse, où elle acquiert la sagesse et la force.

Elle ne peut triompher des puissances adverses qu’en se quittant sans cesse, en se mettant de plus en plus à l’écoute de l’Esprit, pour entrer dans l’obéissance radicale au projet de Dieu, souvent si déroutant pour tant de nos attentes factices et illusoires.

Et le combat spirituel ne concerne pas seulement la lutte contre nos tendances désordonnées et nos péchés personnels, il est aussi une arme pour combattre le mal autour de nous et hâter la conversion des âmes à Dieu. La dimension de notre prière dépasse celle de notre seul Salut. Et l’ascèse de Jean-Baptiste au désert est déjà un moyen d’œuvrer à la conversion qu’il prêchera bientôt par ses paroles.

 

Aussi le combat spirituel, qui n’est rien d’autre que le combat de la foi, est-il provoqué par Dieu Lui-même : il sait bien que les occasions périlleuses de la tentation nous humilient, nous acculent à chercher en Lui Seul la force et à nous quitter nous-mêmes. Les tentations font grandir l’âme dans la confiance et permettent à Dieu de se donner encore plus.

Et dans cette arène du combat spirituel, Jean-Baptiste précède en quelque sorte son Seigneur. C’est dans ce même désert que Notre Seigneur sera tenté par l’Ennemi, précisément là où Il arme et fortifie son Précurseur. Car saint Jean-Baptiste n’a pas cédé ou succombé ; il ne s’est pas laissé piéger mais a déjoué toutes les attaques de l’Ennemi en résistant jusqu’au sang, par le jeûne, le mortification et la prière. Il a triomphé en choisissant le chemin de l’humilité : « il faut que Lui grandisse et que moi, je diminue ». Il a préféré la lumière de la Vérité aux ténèbres du mensonge.

 

Si le désert est une terre d’épreuve, c’est aussi parce qu’il est le lieu où l’âme pénètre dans la foi nue ; car si la vie contemplative a ses joies, elle a également ses austérités, ses aridités, ses temps de sécheresses. Mais elles conduisent l’âme à progresser plus avant dans la foi, et « il y a une telle ressemblance entre la foi et Dieu qu’il n’y a pas d’autre différence qu’entre voir Dieu et y croire. Plus l’âme est riche de foi, plus elle est unie à Dieu.» (St Jean de la Croix Montée II Ch IX, 1).

La prière de Jean-Baptiste au désert le conduit donc à une pauvreté et humilité radicales.

« Terre de désolation et de crevasses, terre d’aridité et de ténèbres, terre où nul homme ne passe, où personne ne demeure… (Jr II, 6)

« Pays des serpents brûlants, des scorpions et de la soif ». (Dt VIII, 15)

Voilà le lieu où Dieu choisit de former son prophète, Son précurseur…

 

« Avant d'élever la voix pour appeler les hommes à la pénitence, il doit la pratiquer lui-même au plus haut degré ; avant d'enseigner la vertu, il doit en suivre les sentiers les plus ardus. »

Et c’est là que l’humilité surnaturelle va lui être insufflée par le Saint-Esprit : il lui faut consentir à disparaître, à s’effacer, pour savoir tout attendre de Dieu, dans une pauvreté réceptive, et se laisser consumer dans l’offrande de tout son être à Son service.

Mais au creux de ce dépouillement total, privé de toute certitude et de tout appui humain, Jean-Baptiste peut découvrir combien Dieu prend soin de ceux qui s’abandonnent entre ses mains et qu’Il ne se lasse pas de s’occuper de nous…

« Pendant quarante ans, Vous avez pris soin d’eux dans le désert, sans que rien ne leur manquât. Leurs vêtements ne s’usèrent pas et leurs pieds n’enflèrent point. » (Ne IX, 21)

 

La méditation de la Loi du Seigneur.

 

En ce lieu inhospitalier et purifiant, Dieu parle à son saint Précurseur à travers Sa Parole, c’est par elle qu’Il lui révèle Ses desseins de Salut et la mission qu’Il va lui confier.

Car si Jean-Baptiste est instruit directement par le saint Esprit, sa science lui vient également de son étude assidue qui occupe de longues heures de sa vie érémitique.

Car un ermite ne prie pas toute la journée dans le désert, il s’adonne aussi aux études de la Sainte Ecriture.

Dans sa grotte, saint Jean Baptiste devait donc probablement méditer très longuement sur les rouleaux de la Bible.

Et dans le silence du désert, la Parole retentit fortement dans son coeur, elle est sa vraie nourriture, son unique trésor ; il la scrute, la pénètre et la goûte continuellement, la méditant jour et nuit… Il l’assimile par la prière, en attendant de la proclamer à tous les fils d’Israël qui viendront bientôt chercher cette nourriture pour leur âme auprès de lui.

Il fait siennes ces exclamations du prophète Jérémie : « Quand tes paroles se présentaient, je les dévorais : Ta Parole était mon ravissement et l’allégresse de mon cœur. (Jr XV, 16)

Car la Parole est en lui comme un feu dévorant qui le consume, un feu impossible à contenir (Jr XX,9) : il la laisse descendre au profond de son cœur, il la savoure et elle habite ses jours et ses nuits. Il l’intériorise dans un profond silence avant de la faire retentir bientôt par sa prédication.

Méditer la Parole dans son cœur, c’est donc pour saint Jean-Baptiste accueillir sa mission de prophète et découvrir peu à peu tout ce que cela va impliquer pour lui. Il doit entrer dans le mystère de Dieu, au cœur de Son plan de Salut pour l’humanité, et c’est un mystère dans lequel il y a infiniment à découvrir, à méditer et à aimer.

Dans la solitude aride et dépouillante du désert, il prend le temps d’une longue assimilation des paroles de Dieu, et il se laisse surtout assimiler par Lui : il faut que le Saint-Esprit imprègne et transfigure toute son humanité. Il faut que la Parole ne soit plus la sienne mais seulement celle de Dieu à travers lui. Il doit devenir tout transparent pour laisser passer la lumière divine, pour qu’un jour il puisse annoncer ce qu’il a compris dans le silence du désert, et l’annoncer non pas comme des paroles venant de lui, mais du seul Seigneur.

Saint Jean-Baptiste ne peut pas rester dans ses propres pensées et projets, il doit se hausser à chaque instant au niveau des pensées divines, dans un acte de foi qui prend tout son être, car « autant le ciel domine la terre, autant les chemins de Dieu sont au-dessus de nos chemins et ses pensées surpassent nos pensées. » (Is LV, 9-10)

 

Il sait bien que l’histoire du Salut n’est pas immédiatement lisible, qu’elle est souvent déroutante pour notre être pécheur, et qu’il faut beaucoup de temps pour apprendre à discerner l’œuvre de Dieu, pour entrer dans Ses façons de faire, et pour comprendre la signification de ce qu’Il nous donne à vivre ou nous demande. Car notre intelligence humaine n’est pas apte à saisir d’emblée le sens de l’œuvre de Dieu, seules de longues heures passées en Sa présence nous apprennent peu à peu à voir et à sentir comme Lui, à Le comprendre, à saisir Sa manière d’agir et à pouvoir collaborer avec Lui…

Dieu est là sans cesse dans notre vie mais souvent Sa présence et Sa volonté sont incompréhensibles dans l’éclair du présent, il faut accepter d’abord de ne pas tout comprendre immédiatement et d’être dépassé ; Il faut ensuite le lent et patient labeur de la méditation et de la prière pour voir avec plus de netteté ce que Dieu désire de nous, et l’œuvre qu’il vient accomplir réellement à travers les limites de nos pauvres capacités.

C’est cela qu’il est donné à Jean-Baptiste de vivre au désert, il doit prendre la mesure du mystère de Dieu et de la mission qu’Il veut Lui confier, pour discerner pas à pas ce qui Lui est demandé pour ouvrir les chemins de Celui qui doit venir.

Ce cœur à cœur avec la Parole le prépare à annoncer le Verbe fait chair…

Tout comme Notre Seigneur se cachera trente ans dans la vie obscure et ordinaire de Nazareth, Son Précurseur est caché au désert. Et il est instruit de l’intérieur, dans le secret, de tout ce qui l’attend.

Et c’est en lui comme un dévoilement progressif, qui lui donne de pressentir de plus en plus les mystères divins, cachés de toute éternité dans le silence du Père, mystères qu’il va bientôt révéler par sa prédication et son témoignage.

 

« Par ce que nous venons de voir de sa vie au désert, saint Jean nous prouve clairement qu’il considérait comme rien ce monde avec toutes ses douceurs. Parce qu’il devait prêcher la pénitence, comme un bon maître, il donnait en sa personne l’exemple : c’est ainsi qu’il nous  a montré non seulement à mépriser le monde avec ses attraits, mais encore à pleurer les péchés du genre humain tout entier.

Et tout en sa vie au désert était déjà un engagement au bien. »

(Ludolphe le Chartreux)

 

 

Prière : (de Ludolphe le Chartreux)

 

« Bienheureux Jean-Baptiste, Précurseur du Christ et type de la virginité, vous qui avez mené une vie si austère par la nourriture et le vêtement, vous qui avez fuit les attraits séducteurs du monde corrompu, je vous en supplie, obtenez-moi, par vos saintes prières, de pratiquer une véritable mortification dans le boire et le manger, dans mes pensées, dans mes paroles et toutes mes actions.

Faites que le Seigneur préserve mon esprit et mon corps de toute souillure et impureté, et que pendant toute ma vie, il m’accorde de me tenir éloigné de tout péché et de rester fidèle à Son service. Qu’Il me fasse produire de dignes fruits de pénitence, pour mériter le pardon de mes péchés et parvenir à la vie éternelle.

Ainsi soit-il. »

 


« Son vêtement n’était ni doux ni délicat; c’était une espèce de cilice lourd et rude, plus fait pour mortifier la chair que pour la flatter, de sorte que le seul vêtement de son corps annoncait déjà toute la force de son âme. » St Jean Chrysostome

« Il se contente d’une nourriture légère, composée de petits insectes et de miel qu’il trouvait sur le tronc des arbres. Nous lisons dans les ouvrages d’Arnulphe, évêque des Gaules, que l’espèce de sauterelles qui se trouve dans le désert de la Judée est des plus petites; leur corps grêle et court a la forme d’un doigt de la main; on les prend facilement dans les herbes courtes, et lorsqu’elles sont cuites dans l’huile, elles servent d’aliments aux pauvres. Il raconte également qu’on trouve dans le même désert des arbres dont la feuille ronde et large a la couleur du lait et la saveur du miel. » Raban

            « Ce genre de vêtements et cette nourriture pauvre annoncent un homme qui pleure les péchés du genre humain. » St Rémi

St Jean de la Croix

« Quiconque n’a pas été tenté ne pourra pas entrer dans le Royaume des Cieux. Supprime la tentation et pas un n’est sauvé. » saint Antoine