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L’onction chez Simon le Pharisien : la conversion de Marie-Madeleine

(Lc VII, 36-50)

Par une carmélite

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« Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs. » (Lc V,32)

 

            Notre Seigneur a commencé sa vie publique, Il enseigne et prêche dans les villes.

Marie-Madeleine a entendu parler de Lui, peut-être même est-elle allée L’entendre en cachette. Mais l’Evangile ne nous dit rien de son premier contact avec Jésus.

Pourtant, par sa vie dissolue, Marie-Madeleine est encore bien loin de Jésus, son cœur est tout rempli de vanités et d’affections mondaines, rempli d’elle-même surtout !

            Elle est belle, et plus que belle. Tout, en sa personne, est étudié pour plaire.

Mais déjà son coeur, immergé dans l’ivresse du bonheur, est devenu le lieu de douloureuses tensions ; la sensualité l’a aveuglée et emplie de ténèbres.

Si elle satisfait sur le champ chacun de ses désirs, pourtant au plus profond, elle sent une soif, une soif redoutable que rien ne peut ni rassasier ni adoucir. Car même des plaisirs toujours nouveaux ne sauraient apaiser le besoin profond de nos âmes créées pour l’Infini.

            Elle voit bien que son coeur est remplie de vanité et d’orgueil, cet orgueil qui est la fissure par où Satan pénètre et prend possession de nos âmes…

A la poursuite de la Vanité, Madeleine est devenue vanité. (Jr 2,5)

            Elle se sent prisonnière, prisonnière de la convoitise de la chair, de la convoitise des yeux, de l’orgueil des richesses (1 Jn 2,16). Et un vide intérieur de plus en plus grand la tenaille.

 

            En se livrant avidement aux mondanités et à ses désirs, elle s’est détournée de la source d’eau vive pour aller boire à des fontaines lézardées : ces plaisirs d’un instant qui semblaient lui promettre le bonheur mais qui ont laissé son coeur aride et desséché, déçu.

            Et quand une âme s’éloigne par sa faute de la Source de vie pour se fixer dans une autre, aux eaux noires et fétides, tout ce qui s’en échappe n’est plus qu’impureté et souillure.

            Sans doute certaines paroles de Jésus sont-elles arrivées jusqu’à Madeleine… Et ces paroles de vie sont venues mettre en lumière le tombeau qu’est devenue sa vie présente.

            Elles éveillent en elle la nostalgie très douloureuse d’une autre vie. Car elle est lasse et excédée de cette existence qui la détruit, de ce vide, de cet esclavage auquel elle est réduite, esclave de ses passions, de ses désirs, de ses possessions qui la possèdent !

Et en même temps, c’est comme si cette autre vie lui était fermée… Comment y accéder ?

            Il lui semble que ce n’est déjà plus pour elle, que c’est trop tard, et surtout elle comprend qu’un tel changement dépasse de très loin ses propres forces…

 

            Si Marie-Madeleine est encore bien loin de Jésus, Lui est déjà si proche d’elle…

Son Dieu la voit, Il est penché sur elle avec amour.

Comme un médecin ne quitte pas des yeux son malade mais l’entoure de sa sollicitude et observe les moindres signes lui permettant de déceler son état, Notre-Seigneur en fait autant

avec l’âme de ceux qui se sont éloignés de Lui par le péché.

C’est le secret de l’Amour rédempteur : Il est patient, il enveloppe de bonté, de fidélité, de prière, Il attend jusqu’au bout, Il ne veut laisser se perdre aucune des âmes qu’Il a créées avec tant d’amour…

Mais Il laisse à chaque âme sa liberté, pour qu’elle manifeste le fond de son être. Car l’amour s’offre, il ne s’impose jamais.

 

            Telle est l’attitude de Dieu à l’égard des pécheurs.

Nul n’est trop misérable pour être accueilli par son Amour miséricordieux. Misère et miséricorde s’appellent…

« Et c’est parce qu’Il est juste que le Bon Dieu est compatissant et rempli de douceur, lent à punir et abondant en miséricorde. Car Il connaît notre fragilité : Il se souvient que nous ne sommes que poussière… » (Pte Thérèse LT 226)

Dans Sa tendresse infinie, Il donne le temps aux pécheurs de se tourner vers Lui, de faire pénitence, mais eux abusent de ce temps pour pécher. Pourtant, Dieu ne les quitte jamais : quand bien même Il semble très loin, Il est là tout proche. Il attend l’heure favorable pour briser leur coeur endurci, Il attend que l’accumulation de leurs fautes fasse monter en eux la morsure du regret, de l’amertume et même du dégoût.

Alors arrive le moment où ils sont remplis de désarroi devant cette saveur de néant et de déception que laisse toujours derrière lui le mal, ce non-être.

            Et renaît dans leur coeur un commencement de désir de faire le bien… Car nous ne sommes pas faits pour le néant mais pour la vie !

            Dieu voit que leur âme n’est que plaies, et il effleure ces plaies avec le baume de Sa douceur, avec le baume de Sa patience et de Son pardon…

 

            De son côté, l’âme s’écrit : « que suis-je donc devenue ? » Elle a honte d’elle-même, et se sent perpétuellement insatisfaite. Il n’y a pas de misère plus grande que celle d’une âme qui a perdu l’amitié de Dieu…

Il lui manque la seule chose qui pouvait vraiment la satisfaire.

Dans les ténèbres du péché, elle cherche un rafraîchissement à son tourment, elle croit pouvoir le trouver dans un nouveau plaisir ou un amour quelconque… Mais non, il n’apportera qu’un nouveau vide.

Il n’y a qu’un unique amour pour nos âmes : Dieu !

 

            Pour la première fois, Marie-Madeleine regarde ses péchés, elle en acquiert la connaissance, elle les confesse en son coeur et son âme entre dans une crainte profonde. Elle tremble à cause de sa damnation et se met à pleurer des larmes abondantes, des larmes amères..

            Une brèche s’est ouverte dans sa volonté pécheresse ; elle est émue par tant de sentiments qui l’habitent : la lassitude, le dégoût, la crainte… Encore pécheresse, la voilà pourtant sur le point de se rendre à Dieu, captivée pour toujours…

            Elle rougit de ses péchés et sent la morsure de la honte envahir tout son être. Ni jour, ni nuit, sa conscience ne cesse de gronder et de la tourmenter.

            La lumière de la vérité commence à l’envahir : elle n’aperçoit en elle que des défauts, il lui semble n’être qu’un amas d’impureté mêlée de passions, de méchancetés, de vanités, elle se fait horreur à elle-même.

            Elle ne sait pas encore que c’est justement pour sauver les hommes de cette misère que Notre-Seigneur est venu au monde !

Elle voit avec une entière certitude qu’elle a mérité l’enfer ; elle gémit dans l’amertume, et prononce intérieurement sa condamnation.

 

            De plus en plus bouleversée par la vue de ses péchés, habitée par les paroles de Jésus, elle se sent irrésistiblement attirée vers le divin Maître.

            Elle veut aller à Jésus, car Il lui semble découvrir en Lui le Bien, la Joie et la Paix dont elle a tellement soif, auxquels elle aspire de toutes les fibres de son être, et que personne jusque là n’a pu lui donner durablement…

Ce qu’elle a cherché en vain dans les richesses et les plaisirs de ce monde, et qui n’a été qu’une suite de déceptions et de désillusions, elle sent mystérieusement qu’elle va le trouver en Lui, et que cette fois, elle ne sera pas déçue.

Du sein de l’abjection la plus profonde, elle va oser lever les yeux vers la pureté divine, elle va avoir assez de foi et d’audace pour ne pas désespérer de la beauté de son âme…

 

            Apprenant que Jésus a été invité chez Simon le Lépreux, elle décide de s’y rendre. Si ce Simon a bien été guéri par Jésus d’une maladie aussi repoussante et impure que la lèpre corporelle, elle espère secrètement que Jésus pourra la purifier, elle aussi, de toutes ses souillures intérieures, elle sent une immense confiance naître en con coeur ! Une confiance que rien ne peut éteindre, une confiance capable de lui faire braver tous les obstacles pour approcher de Jésus…

            Un amour impatient et insatiable jaillit en son coeur. Emportée par l’ardeur de son désir et l’ivresse de l’amour, elle ne pense plus qu’à rejoindre Celui dont son âme est en train de s’éprendre.

            Il ne lui vient pas à l’idée d’attendre un moment plus favorable pour aller trouver Jésus. Elle ne peut souffrir aucun délai… C’est le propre de l’amour violent de ne pas permettre à l’attente de se prolonger.

 

            Elle va donc au lieu du repas, prenant avec elle un vase d’albâtre rempli d’un précieux parfum.

Arrivée chez Simon, elle entre, richement vêtue et soigneusement apprêtée.

Lorsqu’elle pénètre dans la salle du repas, tous, sauf Jésus, se retournent pour la regarder.

Mais Madeleine n’a pas un seul regard pour les convives, elle ne se soucie pas des murmure que fait naître son arrivée. Elle qui jusque-là était remplie de l’estime d’elle-même, esclave du regard des autres et du désir de plaire, elle ne s’occupe pas des personnes importantes qui sont assises à la table du pharisien.

            Remplie de confusion à la pensée de ses péchés, elle traverse la salle en inclinant la tête et en baissant les yeux, sans s’arrêter avant qu’elle ne soit parvenue jusqu’à Jésus.  

            La considération de sa misère la fait s’élancer sans aucun respect humain vers la source de la miséricorde….

 

            Arrivant près de Jésus, elle s’agenouille et se prosterne humblement aux pieds de Celui qui est déjà son Maître, le coeur rempli de confiance, brûlant déjà pour Lui d’un ardent amour.

Pourtant elle n’ose Le regarder…

            Elle pose par terre son petit vase de parfum et détache sa longue chevelure.

            Elle prend ensuite les pieds de Jésus dans ses mains et les embrasse en sanglotant… elle éclate en soupirs et en sanglots tellement est grande la contrition qui déchire son âme.

 

            Là, Marie-Madeleine sent pour la première fois son coeur se remplir de silence : un silence d’amour et d’adoration…

Il n’y a pas besoin d’avoir quelqu’un en face de soi pour beaucoup parler… et jusque-là, Madeleine s’était beaucoup parlée à elle-même, remplie qu’elle était de son propre moi et de tant de vanités. Et voilà ce qui l’avait tenue éloignée de Dieu : parce que le « moi », le « je », c’est cela qui s’oppose à l’amour.

Mais soudain, aux pieds du divin Maître, tout se tait en son âme, et il n’y a plus que Jésus seul.

Il devient son Tout, son unique horizon. Il éteint tous les bruits qui l’agitaient et la tourmentaient.

Il lui suffit… Il est sa paix.

 

            Elle n’ose rien Lui dire, mais la retenue et le silence de Madeleine parlent fortement au cœur de Jésus. Elle ne Lui demande rien et pourtant, elle va tout recevoir. Car Jésus lit au plus profond de son âme, Il entend tout ce qu’elle ne dit pas et plus encore que ce qu’elle n’ose Lui dire…

Elle se sent remplie d’une paix si profonde qu’elle n’en a jamais ressentie de si grande auparavant. C’est une certitude d’être aimée que rien ne peut effacer, quelque chose de très doux que rien ne vient troubler.

La reconnaissance inonde son âme.

Elle comprend soudain toute l’immensité de la Miséricorde divine, tel un abîme insondable :

elle se sent visitée par de si grandes grâces, elle qui n’est pourtant qu’une misérable poussière !

            Le front appuyée sur les pieds de son Dieu, elle confesse qu’elle n’a pas mérité la plus petite de Ses grâces, que seule Son inconcevable bonté peut les lui accorder si largement, et là elle s’enfonce dans une profonde humilité. Elle déplore chacun de ses égarements.

            Envahie de ces sentiments, elle se dit qu’elle n’aurait pas dû avoir l’audace d’approcher de Jésus, elle se sent si indigne de la sainteté qui émane de Lui… et cependant elle ne peut Le quitter.

            Elle murmure avec l’épouse du cantique des Cantiques : « J’ai trouvé Celui que mon cœur aime. Je l’ai saisi et ne le lâcherai point. » (Ct III,4)

            Et en effet, elle ne Le quittera plus. Déjà elle ne peut se consoler de L’avoir aimé si tard. Elle s’afflige d’avoir si longtemps prodigué son amour en pure perte.

Son âme, qui jusque-là était une terre aride et désolée, sans eau, est en train de devenir un jardin tout irrigué par la grâce.

Un nouveau désir naît dans son coeur : suivre Jésus, Le servir, souffrir avec Lui. Désormais elle acceptera tout ce que Sa main lui tendra… Rien ne lui paraîtra de trop pour Lui prouver son amour. Il est devenu le coeur de son coeur, son unique joie.

Elle sent tout son être se détacher de la terre, Jésus Seul lui suffit complètement, elle sent qu’il n’y aura plus un moment de sa vie pour s’occuper d’elle-même… et c’est comme une renaissance !

Tout comme elle a offert jusque-là ses membres comme esclaves à l’impureté et aux désordres du péché, à présent elle les offrira en sacrifice à Son Amour pour se sanctifier et pour être Sa joie ( Rm VII,19). Tout ce qui a été l’instrument de ses vanités va devenir la matière de son offrande.

            Elle prie Jésus de prendre son coeur et de Le garder tout à Lui pour toute l’éternité : « Recevez mon coeur, prenez ma vie, même si elle n’est plus digne de vous, mais du moins mes malheureux égarements m’ont convaincue à jamais que Vous êtes le seul aimable. »

Elle donne et prodigue tout.

            Après s’être égarée dans la multitude de ses passions et désirs, elle revient à l’unité : Jésus devient son centre et son seul Bien, maintenant elle ne pourra plus s’occuper que de Lui car elle comprend qu’il n’y a que Dieu seul qui soit en vérité nécessaire à l’homme. « Nul ne s’écarte de Lui qu’il ne se perde »

            Elle le suivra dans l’abandon ou les ténèbres, dans les tourments ou la crainte, dans la douleur ou l’amertume du coeur. Peu importe, désormais elle Le bénira sans cesse… Elle ne sait plus que bénir et se fondre d’amour et de reconnaissance !

Alors que ces pensées se pressent en elle, les caresses et les larmes tombent comme une pluie sur les pieds adorables de Jésus.

Et Jésus tourne doucement la tête pour la regarder de Ses yeux magnifiques. C’est un regard qui absout, plein de douceur et de tendresse.

Il la laisse libre de s’épancher. Il l’accueille avec une bonté et une patience infinies. Il ne s’étonne pas de cet événement étrange qui plonge tous les convives dans l’étonnement et la stupéfaction, Il ne se sent pas gêné devant les démonstrations de Madeleine.

            Lui qui lit dans son coeur, Il voit la ferveur et l’amour intense qui la dévore, Il voit avec quelle douleur elle implore son pardon et avec quel repentir parfait elle regrette ses égarements passés. Il mesure toute la confiance qu’elle met en Lui et Il est bouleversé par la force de sa foi.

              Elle Lui fait hommage de tout ce qu’elle est, sans aucune réserve.

Elle est tellement persuadée qu’en Lui elle trouvera tout qu’elle ne veut plus s’attacher qu’à Lui seul, à sa Parole, à Sa volonté, à Ses commandements. Elle sent que Jésus est assez puissant pour la faire parvenir à la plus haute perfection et à la suprême béatitude, pour la rendre semblable à Lui afin qu’elle soit agréable au Père.

            Sa foi ardente la jette à ses pieds, prête à accomplir désormais toutes Ses volontés, elle l’attache à Lui pour ne plus jamais Le quitter, c’est une foi parfaite qui s’épanouit dans l’amour le plus grand, un acte de foi pur en la toute-puissance et la bonté infinie de Jésus.

Cette foi est le principe de sa victoire sur le péché et sur le monde (I Jean V, 5). « Haec est victoria quae vincit mundum, fides nostra ». Telle est la victoire qui a triomphé du monde : notre foi !

Désormais, Madeleine ne se sentira plus sollicitée par les attraits du monde, elle sera insensible à ses charmes, libre de tous ces faux biens qu’il propose, car elle a trouvé le Bien infini surpassant tous les biens : Jésus.

 

            Marie-Madeleine prend ensuite sa large chevelure et en caresse les pieds de Jésus, inondés par ses larmes, jusqu’à ce qu’ils soient secs.

Puis elle y verse le précieux parfum, et les couvre de baisers, sans arriver à y mettre un terme…

Le nard odorant se répand et embaume toute la salle.

Elle continue de pleurer mais ses larmes ne sont plus amères et douloureuses. Elles sont comme la rosée du matin, douces et silencieuses ; elle naisse en Madeleine de la certitude d’être enfin aimée, vraiment, profondément, pour elle-même. Et c’est si beau, si gratuit et si grand !

Elle reçoit ensuite en son coeur les paroles d’absolution de Jésus, qui pose un instant la main sur sa tête inclinée, avec une extrême douceur, et lui dit : « Tes péchés, tes nombreux péchés te sont remis, parce que tu as beaucoup aimé…

Ta foi t’a sauvée, va en paix ».

La pécheresse n’est plus, Madeleine revient à la vie, elle s’est lavée du péché dans ses larmes abondantes et son âme est maintenant revêtue d’une beauté toute neuve, resplendissante. Elle renaît à la grâce : par la force de sa douleur et la sincérité de son amour, son âme retrouve fraîcheur et pureté.

L’humilité et la charité ont justifié Marie-Madeleine ; car l’âme qui aime arrive toujours à trouver un chemin vers la Vérité.

« La charité couvre la multitude des péchés ». (I P IV,)

 

            « Va en paix ». Avec quelle profonde joie Madeleine entend ces paroles pleines de douceur.

C’est comme un lever de soleil dans son âme. Ces paroles marquent la conséquence de l’absolution qu’elle vient de recevoir « ego te absolvo » : Jésus l’a délivrée et déliée des liens qui l’attachaient à la terre, à l’égoïsme, à la sensualité.

C’est l’invitation à marcher dans la voie du bien pour rester toujours dans l’amitié et la paix avec Dieu. Désormais, plus rien ne viendra troubler sa conscience, et elle va chérir son Dieu à la mesure du pardon qu’elle a reçu de Lui.

 

            Aux pieds de Jésus, Madeleine comprend qu’il n’y a pas d’autre voie pour elle que l’amour.

Son office sera d’aimer, de parvenir à un amour sans limites. Elle désire que son âme devienne un baume de consolations, un paradis où Jésus prendra ses délices.

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes tes forces… »,

            Voilà l’horizon qui s’ouvre devant elle ! Aimer son Dieu comme Il mérite de l’être, L’aimer comme elle n’a jamais aimé personne jusque-là, dans une mesure incalculable.

Il n’y a pas d’autre chemin pour être sauvé et arriver au Ciel.

            Notre Seigneur n’exige pas davantage car il sait bien qu’aimer de toutes ses forces est un martyre qui brûle et qui consume.

Et si l’âme de Madeleine a soif d’être toute à Jésus et de L’aimer, Lui est encore plus avide de continuer à répandre en elle sa propre bonté.

Compatissant à la violence qu’elle se fait en venant se jeter ainsi à Ses pieds, pleine de la douleur de son repentir, Il court Lui-même au-devant d’elle et Lui témoigne la réciprocité de Son Amour par le don de Sa grâce et de Son pardon.

            Le geste de Madeleine est celui de la plus grande humilité…

            Et dans la même mesure où elle s’humilie par amour devant Dieu, elle est relevée et renaît à la vraie joie… « Quiconque s’humilie sera exalté ».(Mt 23,12)

            Marie-Madeleine sait que rien ne peut la justifier devant Dieu : tout son passé est à nu devant Lui, rien des désordres de sa vie n’a échappé à Son regard, elle sait qu’en elle « n’habite aucun bien » (Rm 7,17).

Mais elle n’estime pas que son péché soit trop grave pour être lavé par l’amour divin, ni que ses souillures puissent être un fardeau trop lourd pour Sa tendresse miséricordieuse…

            Et cette confiance audacieuse bouleverse le Coeur de Dieu : « c’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l’Amour ! »

            Elle a eu foi dans l’amour divin et la foi fait des miracles !

Maintenant elle ne désire plus passer pour belle ni aux yeux des autres, ni à ses propres yeux.

            Elle ne souffre plus de ses laideurs, et ne se réjouit pas non plus de sa beauté, elle jouit seulement de la beauté de Jésus. Cette beauté ravit son âme et la fait sortir d’elle-même pour toujours… Marie-Madeleine va devenir une contemplative, une amoureuse de la beauté de Dieu, et on est changé en ce que l’on contemple.

 

O Beauté qui surpassez

Toutes les beautés,

Sans blesser, Vous causez de la douleur,

Et sans douleur, Vous nous arrachez

A l’amour des créatures.

O noeud qui joignez ainsi

Deux objets si distants,

Je ne sais pourquoi vous vous défaites,

Puisque quand vous existez,

Vous donnez la force de regarder les maux comme un bien.

Notre rien vous l’unissez

à l’être infini.

Et sans le faire disparaître, vous le transformez.

Ne trouvant rien en Lui qui soit digne de Votre Amour

Vous l’aimez

Par Vous, notre néant devient grandeur !

 

Sainte Thérèse (Poésie 7)