Le Saint du Jour
10
décembre
Saint Melchiade
( † 314)
L’Église fait, en ce même
jour, la Commémoration du saint Pape Melchiade. Cet illustre Pontife, que saint
Augustin appelle le véritable enfant de la paix de Jésus-Christ, le digne Père
du peuple chrétien, monta sur le Saint-Siège en 311, pendant que le feu de la
persécution était encore dans toute son activité : c’est pourquoi il est honoré
de la qualité de Martyr, comme plusieurs de ses prédécesseurs qui, n’ayant pas,
il est vrai, répandu leur sang pour le nom de Jésus-Christ, ont cependant eu
part à la gloire des Martyrs, à cause des grandes traverses et persécutions
qu’ils eurent à souffrir avec toute l’Église de leur temps. Mais le Pontificat
de saint Melchiade présente ceci de remarquable, qu’ayant eu ses racines dans la
tempête, il s’est épanoui dans la paix. Dès l’année 312, Constantin rendit la
liberté aux Églises ; et Melchiade eut la gloire de voir s’ouvrir l’ère de la
prospérité temporelle des enfants de Dieu. Maintenant son nom brille au Cycle
liturgique, et nous annonce la Paix qui bientôt va descendre du ciel. Daignez
donc, ô Père du peuple chrétien, solliciter pour nous le Prince de la Paix, afin
que, venant en nous, il détruise toute agitation, calme toute résistance, et
règne en maître sur nos cœurs, sur nos esprits et sur nos sens. Demandez aussi
la Paix pour la sainte Église Romaine, dont vous fûtes l’époux, et qui a gardé
votre mémoire jusqu’aujourd’hui ; conduisez-la toujours du haut du ciel et
écoutez les vœux qu’elle vous adresse. Dom Guéranger, l’Année Liturgique.
Translation de la Sainte
Maison de Lorette
En 1291, sous le pontificat de Nicolas IV,
les chrétiens avaient entièrement perdu les saints lieux de la
Palestine. L’église élevée à Nazareth par l’impératrice Hélène venait de
tomber sous le marteau destructeur, et la Sainte Maison qu’elle
renfermait allait bientôt avoir le même sort, lorsque, selon le récit
traditionnel, Dieu ordonna à ses anges de la transporter ailleurs. Le 10
mai, à la seconde veille de la nuit, le sanctuaire de Nazareth avait été
déposé non loin des rivages de l’Adriatique, entre Tersatz et Fiume, sur
un petit mont appelé Rauniza, en Dalmatie. A l’intérieur de la Sainte
Maison, on découvrit une statue de cèdre, représentant la Vierge Marie
couronnée de perles, vêtue d’une robe dorée et d’un manteau bleu,
debout, portant dans ses bras l’Enfant Jésus qui levait les trois
premiers doigts de main droite pour bénir, tandis que sa main gauche
soutenait un globe.
Lorsqu’on lui rapporta la nouvelle, l’évêque Alexandre était fort malade
; dans la nuit, il était au plus mal et priait la Vierge Marie, espérant
pouvoir aller contempler le prodige qu’on lui avait décrit. Soudain le
ciel s’est ouvert à ses yeux, la très-sainte Vierge se montre au milieu
des anges qui l’environnent, et d’une voix dont la douceur ravit
intérieurement le cœur dit : « Mon fils, tu m’as appelée ; me voici pour
te donner un efficace secours et te dévoiler le secret dont tu souhaites
la connaissance. Sache donc que la sainte demeure apportée récemment sur
ce territoire est la maison même où j’ai pris naissance et où je reçu
presque toute mon éducation. C’est là qu’à la nouvelle apportée par
l’archange Gabriel, j’ai conçu par l’opération du Saint-Esprit le Divin
Enfant. C’est là que le Verbe s’est fait chair. Aussi, après mon trépas,
les apôtres ont-ils consacré ce toit illustre par de si hauts mystères,
et se sont-ils disputé l’honneur d’y célébrer l’auguste sacrifice.
L’autel, transporté au même pays, est celui même que dressa l’apôtre
saint Pierre. Le crucifix que l’on y remarque, y fut placé autrefois par
les apôtres. La statue de cèdre est mon image faite par la main de
l’évangéliste saint Luc qui, guidé par l’attachement qu’il avait pour
moi, a exprimé, par les ressources de l’art, la ressemblance de mes
traits, autant qu’il est possible à un mortel. Cette maison, aimée du
ciel, environnée pendant tant de siècles d’honneur dans la Galilée, mais
aujourd’hui privée d’hommages au milieu de la défaillance de la foi, a
passé de Nazareth sur ces rivages. Ici point de doute : l’auteur de ce
grand évènement est ce Dieu près duquel nulle parole n’est impossible.
Du reste, afin que tu en sois toi-même le témoin et le prédicateur,
reçois ta guérison. Ton retour subit à la santé au milieu d’une si
longue maladie fera foi de ce prodige.
L’enquête juridique que l’évêque Alexandre et deux députés du pays
(Sigismond Orsich et Jean Grégoruschi) allèrent faire jusqu’à Nazareth,
pour constater sa translation en Dalmatie, la persuasion universelle des
peuples qui venaient la vénérer de toutes parts, semblaient être des
preuves incontestables de la vérité du prodige.
Après trois ans et sept mois, la Sainte Maison fut à nouveau transportée
par les Anges et fut déposée dans la marche d’Ancône, au territoire de
Récanati, dans une forêt appartenant à une dame appelée Lorette ;
c’était le 10 décembre 1294. Les peuples de Dalmatie furent tellement
désolés qu’ils semblaient ne pouvoir survivre à l’évènement. Pour se
consoler, ils bâtirent sur le même terrain une église consacrée à la
Mère de Dieu, qui fut desservie depuis par les Franciscains et, chaque
année, les fidèles dalmates se rendent par troupe à Lorette.
En 1464, Pie II offrit au sanctuaire de Lorette un calice d’or pour
avoir été guéri d’une maladie. En 1470, une bulle de Paul II célèbre à
Lorette une statue de la Vierge apportée par les anges dans un édifice
fondé miraculeusement. Deux ans plus tard, Pietro di Giorgio Tolomei,
dit Teramano, recteur de l’église de Lorette, raconte, dans une notice,
comment la Sainte Maison (Santa Casa) de Nazareth vint à Rauniza puis à
Lorette. Sixte IV déclare Lorette propriété du Saint-Siège. En 1489, le
bienheureux Baptiste Spagnuoli, dit le Mantouan, rédige une nouvelle
notice qui reprend celle de Teramano. Après qu’une bulle de Jules II
(1507) a consacré ces pieuses croyances, Erasme compose une messe pour
la Vierge de Lorette (1525) sans pourtant faire allusion au vol de la
maison dans les cieux dont parle le récit que Jérôme Angelita adressa à
Clément VII (1531). Les Carmes furent députés à la garde de la Sainte
Maison. Léon X étendit les indulgences des stations apostoliques à Rome
au sanctuaire de Lorette. En 1483, le cardinal Savelli composa les
litanies dites de Lorette dont l’Eglise fait usage aujourd’hui pour
prier la Vierge Marie. Sixte V, en 1585, éleva Lorette au rang de cité,
donna le titre de cathédrale à son église et y établit un siège
épiscopal.
A Liesse et au séminaire Saint-Sulpice d’Issy-les-Moulineaux, ont voit
une chapelle construite sur le modèle de la Sainte Maison de Lorette. A
travers la France, on rencontre des sanctuaires et des églises dédiés à
Notre-Dame de Lorette. Dans le diocèse de Nancy on visite les
sanctuaires de Notre-Dame de Lorette de Baudrecourt, bâti en 1578, et de
Saint-Martin qui fut reconstruit après la Révolution. Au diocèse de
Saint-Claude, à Conliège où l’on avait édifié une chapelle pour abriter
une statue de la Sainte Vierge qu’un petit berger avait découverte dans
un rocher, on établit une confrérie sous le titre de Notre-Dame de
Lorette (1653). Au diocèse de Luçon, à la Flocellière, Elisabeth
Hamilton, femme de Jacques de Maillé-Brézé, morte en 1617, léga ses
bijoux pour fonder un couvent de Carmes et une chapelle dédiée à
Notre-Dame de Lorette, achevée dix-huit ans après sa mort ; détruite par
la Révolution, la chapelle fut relevée en 1867. Au diocèse de Rodez, on
trouve, en plus de celui de Millau, un sanctuaire que Louis d’Arpajon,
marquis de Séverac, éleva à Notre-Dame de Lorette, en 1648, pour expier
un crime ; la statue fut sauvée de la Révolution et la chapelle fut
rendue au culte en 1854. Au diocèse de Tours, à Montrésor, au XVI°
siècle, René de Bastarnay, seigneur de Montrésor, baron du Bouchage et
d’Authon, en souvenir d’un pélerinage à Notre-Dame de Lorette, fit
édifier une chapelle qui, ruinée par la Révolution, fut rétablie en 1877
; à Tauxigny, une chapelle dédiée à Notre-Dame de Lorette, élevée en
1542 par Guillaume, abbé de Baugerais, fut vendue à la Révolution et ne
fut pas rendue au culte. Au diocèse de Séez, à Montsort, près d’Alençon,
on voit un ancien oratoire construit sur le modèle de Notre-Dame de
Lorette qui reçut, en 1888, un office particulier. Au diocèse d’Autun, à
Morlet, près d’Epinac, au XIV° siècle, le seigneur des Loges, en
remerciement pour avoir été délivré des Turcs, construisit une chapelle
en l’honneur de Notre-Dame de Lorette. Au diocèse de Strasbourg, à
Murbach, on vénère une Notre-Dame de Lorette construite à la fin du
XVII° siècle. A Nantes, l’église Sainte-Croix est affiliée à Notre-Dame
de Lorette. Au diocèse de Saint-Brieuc, dans le canton d’Uzel, au
Quillio, on vénérait déjà sous l’Ancien Régime Notre-Dame de Lorette.
Dans l’archidiocèse de Bordeaux, à Saint-Michel de la Pujade, près de
Lamothe-Landeron, Eléonore d’Aquitaine, après l’apparition de la Vierge
à deux petits pâtres, avait fondé une chapelle qui, au XIV° siècle, prit
le nom et la forme de Notre-Dame de Lorette ; ruinée par la Révolution,
la chapelle fut restaurée au siècle suivant. Au diocèse de Saint-Flour,
à Salers, on célèbre Notre-Dame de Lorette : l’antique statue ayant été
brûlée par les révolutionnaires, la nouvelle fut bénite en 1813 par le
cardinal Gabrielli et la nouvelle église consacrée en 1887.
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