« Une Pensée par Jour »
du Traité de l’Amour de Dieu
21 octobre
2010
« Nous avons une grande
diversité de facultés et habitudes, qui produisent aussi une grande
variété d’actions ; et ces actions, une multitude nonpareille d’ouvrages
; car ainsi sont diverses les facultés de voir, d’ouïr, de goûter,
toucher, se mouvoir, se nourrir, entendre, vouloir, et les habitudes de
parler, marcher, jouer, chanter, coudre, sauter, nager ; comme aussi les
actions et les œuvres qui proviennent de ces facultés et habitudes sont
grandement différentes.
Mais il n’en est pas de même en Dieu, car il n’y a en lui qu’une très
simple infinie perfection, et en cette perfection qu’un seul très unique
et très pur acte ; ainsi, pour parler plus saintement et sagement, Dieu
est une seule, très souverainement unique, et très uniquement souveraine
perfection, et cette perfection est un seul acte très purement simple,
et très simplement pur, lequel n’étant autre chose que la propre essence
divine, il est par conséquent toujours permanent et éternel ; et
néanmoins, chétives créatures que nous sommes, nous parlons des actions
de Dieu, comme s’il en faisait tous les jours grande quantité et en
grande variété, bien que nous sachions le contraire ; mais nous sommes
forcés à cela, Théotime, par notre imbécillité, car nous ne savons
parler sinon cela que nous entendons, et nous entendons selon que les
choses ont accoutumé de se passer parmi nous. Or, d’autant qu’ès choses
naturelles il ne se fait presque point de diversité d’ouvrages que par
diversité d’actions ; quand nous voyons tant de besognes différentes,
une si grande variété de productions, et cette multitude innumérable des
exploits de la puissance divine, il nous semble d’abord que cette
diversité se fait par autant d’actes que nous voyons de différents
effets, et nous en parlons tout de même, pour parler plus à notre aise,
selon notre pratique ordinaire et la coutume que nous avons d’entendre
les choses : et si en cela nous n’offensons pas la vérité ; car encore
qu’en Dieu il n’y ait pas multitude d’actions, ainsi un seul acte qui
est la divinité même ; cet acte toutefois est si parfait, qu’il comprend
excellemment la force et la vertu de tous les actes qui sembleraient
être requis pour toute la diversité des effets que nous voyons. Dieu ne
dit qu’un seul mot, et en vertu d’icelui en un moment furent faits le
soleil, la lune et cette innombrable multitude d’astres, avec leurs
différences en clarté, et mouvement, en influences. » |