Retour à la page des liens internes  

 

Retour Accueil   Archives

« Une Pensée par Jour »
du Traité de l’Amour de Dieu
 

 

3 décembre 2010

 

« Il y a bien de la différence entre cette parole : J’aime Dieu pour le bien que j’en attends, et celle-ci : Je n’aime Dieu que pour le bien que j’en attends. Comme aussi c’est chose bien diverse de dire : J’aime Dieu pour moi, et dire : J’aime Dieu pour l’amour de moi ; quand je dis : J’aime Dieu pour moi, c’est comme si je disais :J’aime avoir Dieu, j’aime que Dieu soit â moi, qu’il soit mon souverain bien, qui est une sainte affection de l’épouse céleste, laquelle cent fois proteste par excès de complaisance : Mon bien-aimé est tout mien, et moi je suis toute sienne, il est à moi, et je suis à lui (Cant cant., II. 16). Mais dire : J’aime Dieu pour l’amour de moi-même, c’est comme qui dirait : L’amour que je me porte est la fin pour laquelle j’aime Dieu, en sorte que l’amour de Dieu soit dépendant, subalterne et inférieur à l’amour propre que nous avons envers nous-mêmes, qui est une impiété non pareille.
Cet amour donc que nous appelons espérance, est un amour de convoitise, mais d’une sainte et bien ordonnée convoitise, par laquelle nous ne tirons pas Dieu à nous, ni à notre utilité mais nous nous joignons à lui comme â notre finale félicité. Nous nous aimons ensemblement avec Dieu par cet amour, mais non pas nous préférant ou égalant à lui en cet amour : l’amour de nous-mêmes est mêlé avec celui de Dieu, mais celui de Dieu surnage ; notre amour-propre y entre vraiment, mais comme simple motif, et non comme fin principale ; notre intérêt y tient quelque lieu, mais Dieu tient le rang principal. Oui, sans doute, Théotime ; car quand nous aimons Dieu comme notre souverain bien, nous l’aimons pour une qualité par laquelle nous ne le rapportons pas à nous, mais nous à lui ; nous ne sommes pas sa fin, sa prétention, ni sa perfection, ainsi il est la nôtre ; il ne nous appartient pas, mais nous lui appartenons ; il ne dépend point de nous, mais nous de lui ; et en somme, par la qualité de souverain bien, pour laquelle nous l’aimons, il ne reçoit rien de nous, ainsi nous recevons de lui, il exerce envers nous son affluence et bonté, et nous pratiquons notre indigence et disette ; de sorte qu’aimer Dieu en titre de souverain bien, c’est l’aimer en titre honorable et respectueux, par lequel nous l’avouons être notre perfection, notre repos et notre fin, en la jouissance de laquelle consiste notre bonheur. »