Retour Pensées pour la Semaine Sainte
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Vendredi Saint
"Lorsque le Sauveur
plein d'amour, le maître de la vie, paya pour les pécheurs la dette de
la mort, lorsqu'il recommanda son âme humaine à son Dieu et à son Père,
et abandonna son corps à la mort, ce saint vase brisé prit la teinte
pâle et froide de la mort. Le corps de Jésus tressaillit dans une
dernière convulsion, puis devint d'une blancheur livide, et ses
blessures où le sang s'était porté en abondance se montrèrent plus
distinctement comme de sombres taches ; son visage se tira, ses joues
s'affaissèrent, son nez s'allongea st s'enfla, ses yeux pleins de sang
restèrent à moitié ouverts. Il souleva un instant sa tête couronnée
d'épines, et la laissa retomber sous le poids de ses douleurs ; ses
lèvres livides et contractées s'entrouvrirent, et laissèrent voir sa
langue ensanglantée ; ses mains, contractées d'abord autour des clous,
se détendirent ainsi que ses bras, son des se raidit le long de la
croix, et tout le poids du corps porta sur les pieds : ses genoux
s'affaissèrent et allèrent du même côté, et ses pieds tournèrent un peu
autour du clou qui les transperçait.
Alors les mains de sa mère se raidirent, ses yeux se couvrirent d'un
nuage, elle devint pâle comme la mort, ses oreilles cessèrent
d'entendre, ses pieds chancelèrent et elle s'affaissa sur elle-même.
Jean et les autres tombèrent aussi, la face voilée et ne pouvant plus
résister à leur douleur. Lorsque la plus aimante, la plus désolée des
mères, relevés par ses amis, leva les yeux, elle vit le corps de son
fils conçu dans la pureté par l'opération du Saint Esprit, la chair de
sa chair, l'os de ses os, le cœur de son cœur, ce vase sacré formé
dans son sein lorsque le Très-Haut l'avait couverte de son ombre, elle
le vit privé de toute beauté, de toute forme ; séparé de sa très sainte
âme ; assujetti aux lois de la nature dont il était l'auteur, mais dont
l'homme avait abusé et qu'il avait défigurée par le péché ; brisé,
maltraité, défiguré, mis à mort par les mains de ceux qu'il était venu
relever et vivifier. Hélas ! le vase contenant toute beauté, toute
vérité, tout amour, était là, vide, rejeté, méprisé, semblable à un
lépreux, suspendu à la croix entre deux voleurs. Qui pourrait peindre la
douleur de la mère de Jésus, de la reine de tous les martyrs ?
La lumière du soleil était encore troublée et voilée : air fut lourd et
étouffant pendant le tremblement de terre : mais ensuite il fraîchit
sensiblement. Le corps de Notre-Seigneur mort sur la croix avait quelque
chose qui inspirait le respect et qui touchait singulièrement. Les
larrons, au contraire, étaient dans d'horribles contorsions, comme des
gens ivres. A la fin, ils se turent l'un et l'autre : Dismas priait
intérieurement.
Il était un peu plus de trois heures lorsque Jésus rendit l'esprit.
Quand la première secousse du tremblement de terre fut passée, plusieurs
des Pharisiens reprirent leur audace : ils s'approchèrent de la fente du
rocher du calvaire, y jetèrent des pierres et essayèrent d'en mesurer la
profondeur avec des cordes. Comme ils ne purent pas en trouver le fond,
cela les rendit pensifs, ils remarquèrent avec quelque inquiétude les
gémissements du peuple et quittèrent le Calvaire. Beaucoup de gens se
sentaient intérieurement changés ; la plupart des assistants s'en
retournèrent à Jérusalem frappés de terreur ; plusieurs étaient
convertis. Une partie des cinquante soldats romains qui se trouvaient là
alla renforcer ceux qui gardaient la porte de la ville, en attendant
l'arrivée des cinq cents autres qu'on avait demandés. La porte avait été
fermée et d'autres postes voisins furent occupés pour prévenir
l'affluence du peuple et toute espèce de mouvement tumultueux. Cassius
et cinq soldats environ restèrent autour de la plate-forme circulaire,
s'appuyant au terrassement qui la soutient. Les amis de Jésus
entouraient la croix, s'asseyaient vis-à-vis elle, et pleuraient.
Plusieurs des saintes femmes étaient revenues à la ville. Le silence et
le deuil régnaient autour du corps de Jésus. On voyait au loin, dans la
vallée et sur les hauteurs opposées, se montrer çà et là quelques
disciples, qui regardaient du côté de la croix avec une curiosité
inquiète et disparaissaient s'ils voyaient venir quelqu'un."
Bienheureuse
Anne- Catherine Emmerich,
La
Douloureuse Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
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