Saint François de Sales,
modèle de l'évêque tridentin


Conférence donnée par Monsieur le Chanoine Benoît Merly,
le 19 octobre 2017 au Séminaire de Gricigliano


 

Monsieur le Supérieur,

Mon Révérend Père

Chers confrères,                        

Messieurs,

 

C’est avec une certaine crainte, que j’aborde aujourd’hui, devant vous, un thème qui mérite effectivement que l’on s’y arrête, tous ensemble pour que l’on connaisse, et par là, aime, mieux notre saint patron, et également afin que l’on se fasse une idée peut-être plus juste de la fonction épiscopale, telle que le saint Concile de Trente a désiré l’envisager.

Mais ces thèmes, pour passionnant qu’ils puissent être, ne sont pas de ma compétence ordinaire, si bien que, sans doute, il y aura à redire, non seulement quant au style extérieur, mais sans doute, quant au fond.

Pour autant, implorant votre indulgence, j’espère que quelques parcelles de mon propos contribueront à notre avancement commun.

 

 

L’épiscopat monarchique tel que défini par le concile de Trente.

 

Dire que St François de Sales est un évêque tridentin, c’est, tautologie, qu’il est un évêque tel que le concile de Trente a désiré qu’il soit.

Avant de nous aventurer dans le détail de cette œuvre épiscopale, exemplaire au regard des exigences que ce saint concile posa, il faut d’abord nous arrêter quelques instants sur ce que les pères de Trente ont dit de l’évêque, comme pasteur, comme pontife et hiérarque, comme maître de doctrine et de spiritualité.

Le récent concile nous enseigne[1] que :

les évêques étant successeurs des apôtres reçoivent du Seigneur, à qui tout pouvoir a été donné dans le ciel et sur la terre, la mission d'enseigner toutes les nations et de prêcher l'Evangile à toute créature, afin que tous les hommes, par la foi, le baptême et l'accomplissement des commandements, obtiennent le salut (cf. Mt.  28,18 ; Mc. 16,15-16 ; Ac. 26,17 s.). Pour remplir cette mission, le Christ Seigneur a promis aux apôtres l'Esprit-Saint, et, le jour de Pentecôte, l'a envoyé du ciel pour que, grâce à sa vertu, les apôtres soient ses témoins jusqu'à l'extrémité de la terre devant les nations, les peuples et les rois (cf. Ac. 1,8 ; 2,1 ; 9,15). Cette charge, confiée par le Seigneur aux pasteurs de son peuple, est un véritable service: dans la Sainte Ecriture, il est appelé expressément "diakonia" ou ministère (cf. Ac. 1,17 ; 1,25 ; 21,19 ; Rm. 11,13 ; 1Tm. 1,12).

Puis, selon la méthode qu’il met ordinairement en œuvre, il décline les fameuses tria munera, qui constituent un leitmotiv bien connu : l’évêque dans sa fonction d’enseignement, sa fonction de sanctification et sa fonction de gouvernement.

Traitant de la charge pastorale des évêques, le décret Christus Dominus commence par traiter de l’évêque par rapport à l’Eglise universelle : c’est là la mise à l’honneur de cette collégialité toujours invoquée, jamais définie de manière satisfaisante.

Ensuite seulement, l’évêque est envisagé comme pasteur d’une Eglise particulière, d’un diocèse[2] :

Un diocèse est une portion du peuple de Dieu confiée à un évêque pour qu'avec l'aide de son presbyterium, il en soit le pasteur : ainsi le diocèse, lié à son pasteur et par lui rassemblé dans le Saint-Esprit grâce à l'Evangile et à l'Eucharistie, constitue une église particulière en laquelle est vraiment présente et agissante l'Eglise du Christ, une, sainte, catholique et apostolique.

 Chaque évêque, à qui a été confié le soin d'une église particulière, paît ses brebis au nom du Seigneur, sous l'autorité du Souverain Pontife, à titre de pasteur propre, ordinaire et immédiat, exerçant à leur égard la charge d'enseigner, de sanctifier et de gouverner. Il doit cependant reconnaître les droits légitimes des patriarches ou des autres autorités hiérarchiques.

 

Ces quelques rappels ne sont pas la preuve flagrante de mon enthousiasme pour ces présentations de l’évêque, mais surtout l’occasion de montrer que ces deux conciles, sans pour autant, ce qu’à Dieu ne plaise, changer la substance du ministère épiscopal, n’envisagent pas la fonction selon des critères strictement identiques, et ne mettent dès lors pas l’accent sur les mêmes charges[3] :

Aussi le saint concile déclare-t-il que, outre les autres degrés ecclésiastiques, les évêques, qui ont succédé aux apôtres, appartiennent à titre principal à cet ordre hiérarchique ; qu'ils ont été placés (comme dit le même apôtre) par l'Esprit Saint " pour gouverner l'Eglise de Dieu " (Ac. 20, 28) ; qu'ils sont supérieurs aux presbytres ; qu'ils confèrent le sacrement de la confirmation ; qu'ils ordonnent les ministres de l'Eglise ; qu'ils peuvent accomplir plusieurs autres choses pour lesquelles les autres d'un ordre inférieur n'ont aucun pouvoir.

 

Où l’on voit de manière très claire que l’évêque, s’il est effectivement, ex officio, pasteur de son diocèse, exerce ce pastorat par voie de gouvernement.

Nulle évocation des tria munera, dont l’une serait le gouvernement, mais bien un gouvernement qui est ordonné à la sanctification et à l’enseignement.

Cette doctrine si conforme à l’enseignement apostolique, et si limpide, déterminera ce qu’est un évêque tridentin : il est un prêtre élevé au-dessus des prêtres du second ordre, par une missio canonica délivrée par « l’évêque de l’Eglise catholique », en vue du gouvernement d’une parcelle du peuple de Dieu, gouvernement qui est totalement ordonné au salut de cette portion particulière de l’Eglise.

L’évêque, c’est donc celui qui gouverne, et ce gouvernement ne peut être envisagé que comme une charité faite par Pierre et ses successeurs à un peuple particulier.

On ne trouvera donc, dans la perspective tridentine, d’évêque ordonné en vue de trois charges distinctes : il est ordonné au gouvernement, et ce gouvernement comporte diverses rationes.

Cette vérité est exprimée dans le Catéchisme du Concile de Trente qui, traitant de la question de l’apostolicité de l’Eglise, associe les Apôtres et leurs successeurs et le Saint-Esprit, dont ils sont ministres, et qui gouvernent l’Eglise[4] :

[…] Voilà pourquoi les Pères du Concile de Nicée, pour faire comprendre à tous quelle était l’Eglise catholique, ajoutèrent au symbole, par une inspiration divine, le mot Apostolique. Et en effet, le Saint-Esprit qui gouverne l’Eglise, ne la gouverne que par des ministres apostoliques (c’est-à-dire par les successeurs légitimes des Apôtres). Cet esprit fut d’abord donné aux Apôtres, mais ensuite, grâce à l’infinie Bonté de Dieu, il demeura toujours dans l’Eglise (Saint Aug. cont. Cresc.). Et comme elle est la seule qui soit gouvernée par le Saint-Esprit, elle est aussi la seule qui soit infaillible dans la Foi et dans la règle des mœurs. Au contraire toutes les autres qui usurpent le nom d’Eglises sont sous la conduite de l’esprit du démon, et tombent nécessairement dans les plus funestes erreurs de doctrine et de morale.

C’est donc bien cette perspective de gouvernement qui doit guider notre brève étude de l’épiscopat de St François de Sales : les pères conciliaires, réunis à Trente, n’ont eu de cesse en effet, non seulement de réaffirmer la Foi de l’Eglise, face aux hérésies, mais encore, selon l’usage immémorial, d’opérer une réforme, laquelle, pour être réclamée par l’Eglise en toutes ses composantes, ne pouvait cependant trouver son élan véritable et surnaturel que par le biais de sa tête, en un mot, Pierre et les Apôtres, en la personne de leurs successeurs légitimes.

 

 

Le concile de Trente est par excellence le concile des évêques.

 

Aussi sont-ils les premiers touchés par les mesures contre le cumul des bénéfices ; selon un idéal ancien, mis en avant par les évêques réformateurs du début du siècle, l'évêque ne peut être lui-même que s'il réside effectivement, s'il est pasteur comme le Christ. Les évêques n'étaient plus maîtres chez eux en raison des exemptions obtenues de la papauté par les réguliers au fil du temps, en raison d'une mauvaise emprise sur les bénéfices (dont l'évêque n'est pas toujours le patron prioritaire) en raison aussi de la mauvaise entente d'évêques étrangers au diocèse avec les chapitres cathédraux.

Toutes ces questions sont résolues à un moment ou à un autre du concile.

Le concile décide que l'évêque du lieu seul peut ordonner, et que les clercs qui veulent aller se faire ordonner ailleurs doivent obtenir son autorisation (lettres dimissoires).

L'évêque possède le monopole de la prédication et de l'enseignement dans son diocèse.

L'évêque peut visiter toute paroisse, même si elle appartient à un ordre privilégié.

Il peut poursuivre sans en référer à son supérieur tout moine ou clerc régulier délinquant. Les évêques enfin ne sont justiciables que du pape, ce qui leur donne une indépendance certaine par rapport aux pouvoirs monarchiques grandissants[5].

Les décisions les plus marquantes en matière disciplinaire concerneront donc le clergé lui-même, sous la dépendance toujours plus grande de l’épiscopat.

La réforme du clergé avait été tentée ici et là bien avant la réunion du concile[6], sans grand et durable succès.

Le concile ne fait que suivre une aspiration générale, appuyée sur une bonne expérience.

Ce n'est pas que le clergé du début du siècle fût particulièrement indigne, contrairement à la légende, il ne semble pas, par exemple, qu'il y ait eu beaucoup plus de prêtres concubinaires que dans les générations précédentes, ou suivantes, d’ailleurs, mais les manquements choquent beaucoup plus qu'autrefois.

On a beaucoup critiqué ce clergé paillard, cumulard et trop souvent absent. Or il ne faut pas se laisser prendre à ces critiques. Les paroisses marchaient fort bien sans leur curé titulaire, car celui-ci devait obligatoirement se payer un remplaçant, qui était un prêtre du pays, plus proche des fidèles.

Le problème réside dans l'image de la charge d'âme, rapportée au Christ. La priorité du concile est d'imposer la résidence à ceux qui ont charge d'âmes. Le pasteur doit en effet résider avec ses ouailles pour faire son métier, car on ne peut donner un troupeau à un mercenaire. Le pasteur est totalement assimilé au Bon Pasteur, c'est à dire au Christ lui-même, il est responsable sur son propre salut du salut de ses fidèles. Pour ce vieil idéal pastoral, né au VIIe siècle, et diffusé encore dans les écrits du pape S. Grégoire le Grand, la charge pastorale est "l'art des arts" et rien ne peut dépasser ce service dans l'Église : la fonction de pasteur, qu'il soit curé, évêque ou abbé, est un chemin de perfection[7].

Mais cet idéal se heurte depuis des siècles à une réalité matérielle, qui est celle des revenus du clergé. Depuis l'époque féodale, tout curé dispose d'un bénéfice (charge avec revenu). Mais beaucoup de bénéfices ne permettent pas aux curés et évêques de vivre correctement (certains tendent donc à accumuler les bénéfices et sont donc absents) et surtout ce système ne permet pas de former le clergé à sa tâche.

Le problème de l'ignorance du clergé est un thème récurrent depuis deux siècles. Or il y a consensus pour estimer qu'on ne peut admettre à une telle charge sans un examen sérieux des capacités du candidat à enseigner, à administrer les sacrements, à vivre dans la piété[8].

Pour résoudre cette question, le concile prévoit la création de séminaires. L'idée, issue de toute la recherche pédagogique du siècle précédent, est qu'il faut former les adolescents avant qu'ils n'aient été touchés par le vice. On prévoit donc de créer une " pépinière " (c'est le sens premier de séminaire) dans laquelle on formerait des jeunes de 12 ans sachant lire et écrire dans les disciplines ecclésiastiques.

Ils feront des études de grammaire, chant, comput, homélies des saints et de tout ce qui est nécessaire pour donner les sacrements.

Ils seront aussi éduqués à la piété en communiant (et se confessant) une fois par mois et ils rendront service dans les églises les dimanches et fêtes.

Le concile prévoit que le financement de ces séminaires appartient à l'évêque.

Le concile imagine donc une pépinière ou un vivier de jeunes gens vertueux, promis au sacerdoce, plutôt qu'une université dispensant un savoir comme c'est le cas pour les protestants. Mais il s'agit plus d'un petit séminaire que d'un séminaire comme on le mettra en place plus tard, vers la fin du XVIIe siècle.

Pendant longtemps, faute de ressources, les séminaires ne serviront que quelques jours, au mieux quelques semaines, pour former les candidats à l'ordination. Or le concile n'a pas pu trouver une alternative au système bénéficial. Pour longtemps encore, l'accès au clergé ayant charge d'âmes sera réservé à ceux dont les familles auront pu payer les études.

Le concile s'occupe du clergé qui vit sous une règle de façon plus marginale.

Il veut surtout renforcer le pouvoir des évêques, qui désormais pourront visiter les abbayes tous les ans. Le pouvoir du supérieur sur la communauté est renforcé.

Le concile s’est clôt le 4 décembre 1563, un an à peine avant la mort de Pie IV : la santé de ce dernier déclinant, l’on jugea expédient de clore rapidement les débats qui duraient, avec des périodes d’interruption, depuis décembre 1545. Il n’était pas question de renouveler l’expérience de Constance ou de Bâle, et il importait que le Pape lui-même confirmât toutes les décisions de l’assemblée, afin que nul ne prétende à la suprématie de cette dernière.

Ce fut chose faite par la Bulle Benedictus Deus, datée du 26 janvier 1564[9].


Les premiers évêques tridentins de Genève.

 

Au même moment, à Annecy, se déroulaient de tragiques événements.

En 1568, alors que se clôture le concile, un évêque est nommé à Genève : Ange Justiniani.

Il fut le premier évêque de Genève qui résida effectivement à Annecy. Depuis le départ de Pierre de la Baume de Genève jusqu’à l’arrivée d’Ange Justiniani à Annecy, le diocèse fut donc sans évêque résident pendant 35 ans.

Ange Justiniani est né à Gênes en 1520, il était « Docteur en théologie, professeur à Padoue et à Gênes, helléniste remarquable, il fut en outre confesseur du duc de Savoie Emmanuel-Philibert qui le fit nommer à l’évêché de Genève par bulles du 13 octobre 1568. Il fit son entrée solennelle à Annecy le 22 mai suivant et décida d’y fixer sa résidence. La petite ville deviendra dès lors le siège définitif de l’évêché malgré l’espoir de recouvrer Genève auquel ne renoncèrent jamais les évêques successifs qui continuèrent à s’intituler évêques et princes de Genève. » 

C’est en cette ville, la même année, que meurt Jean Calvin qui y avait établi ses quartiers, soutenu par la ville dont le conseil promulgua les Ordonnances ecclésiastiques le 20 novembre 1541.

Les évêques ne jouissaient pas alors des plus grandes faveurs des protestants, de quelque obédience qu’ils fussent.

Ainsi, à l’occasion d’un débat houleux au cours du Concile de Trente, entre l’archevêque de Grenade et son confrère Castagna, de Rossano, au sujet de l’origine de l’épiscopat, ce dernier affirmait que les protestants tenaient que[10]

leurs « évêques à eux, ou surintendants, ou ministres, comme ils disent », détiennent cette prérogative d'être « envoyés de Dieu sans intermédiaire » ; et nous, ils nous traitent de « fabrication d'hommes, masques de pape, frottés d'huilé, tondus » … 

D’un côté, Genève rejette son évêque qui part en exil à Annecy, de l’autre, l’absence de l’évêque pendant presque 35 ans donna au chapitre et à quelques fortes personnalités ecclésiastiques la fâcheuse habitude de se croire indépendants de toute hiérarchie et d’être maître du diocèse.

En outre, le concile de Trente, qui venait de s’achever, ne portait pas encore ses fruits et l’on pouvait constater un relâchement général de la discipline ecclésiastique jusque dans les cloîtres réputés les plus austères.

Ainsi, Ange Justiniani voulut promulguer officiellement les décrets du concile de Trente mais il se heurta à la double hostilité du clergé et du Sénat de Savoie qui interdit la publication intégrale de ces canons, notamment ceux concernant la discipline ecclésiastique. Le nouvel évêque se heurta aussi à l’hostilité du chapitre qui souhaitait garder ses prérogatives d’indépendance par rapport à l’évêque et à sa juridiction.

Fatigué et sans doute usé par ces hostilités cléricales et politiques, Ange Justiniani démissionna de sa charge en faveur d’un jeune abbé bénédictin, Claude de Granier, prieur de l’abbaye de Talloires, avec lequel il permuta sa charge en décembre 1578. Molesté par les moines de l’abbaye, Ange Justiniani s’enfuit et se retira à Gênes où il mourut en 1596.

Claude de Granier prendra donc la suite, et il sera comme le père de S. François de Sales : il l’ordonnera prêtre et sera son mentor, avant de le proposer à l’épiscopat, comme titulaire de la coadjutorerie.

Il sera ainsi la grande figure du diocèse pendant 24 ans.

Prédécesseur direct de S. François, c’est à lui qu’on doit le début de la reprise en main du diocèse.

Claude entra très jeune à l’abbaye de Talloires dont il devint abbé commendataire à l’âge de 15 ans! Autre temps, autre mœurs…

Il continua ses études à Rome où il obtint le grade de docteur et rentra à son abbaye pour essayer d’y remettre un peu d’ordre mais il se heurta à une opposition violente et  faillit y laisser sa vie ! On comprend qu’il n’hésita pas à laisser sa place à Mgr Justiniani qui rencontra les mêmes résistances.

Nommé évêque de Genève par bulles du 15 décembre 1578, il est sacré dans l’église St-Dominique d’Annecy, le 26 avril 1579. Il entreprend aussitôt la réforme du diocèse à laquelle il va consacrer toute son action. En 1580 et 1581, il en visite toutes les paroisses. Il est amené à prendre tout une série de mesures qui amorce un véritable renouveau de la vie religieuse. Il mourut à Polinges en 1602 au retour du jubilé de Thonon auquel il avait participé.

Dans une lettre adressée au pape Clément VIII, S. François de Sales lui rendit un vibrant hommage :

Homme de foi antique, de mœurs antiques, d’antique piété et d’antique constance, il est digne assurément d’immortalité et sa mémoire mérite d’universelles bénédictions.

Mgr de Granier voulut lui aussi, comme nous venons de le voir, entreprendre la réforme du diocèse confié à ses soins, même si, selon les auteurs, la « Savoie propre », dépendant de Grenoble, était plus atteinte, l’évêque de cette ville donnant lui-même du scandale[11].

Ainsi, un rapport établi par des pères capucins en 1596 rapporte que des curés, acheteurs de leur bénéfice, ne savent pas la formule du baptême, que tous les prêtres et religieux confessent « à volonté sans permission, et sans connaître ni les péchés, ni les censures ecclésiastiques, ni les cas réservés. » Dans les églises des campagnes, sales et ruinées, « on conserve l’eucharistie sordidement, sans lumière ; on trouve souvent des hosties corrompues ou moisies, exposées à la dent des rats. »

Dans ses « Constitutions synodales », datant de 1582, Claude de Granier écrit que c’est dans le peuple un débordement de vices, blasphèmes, de sacrilèges, séditions, de vols, de libertinages et de crimes. Le sacerdoce est au niveau du peuple : les clercs y sont généralement en horreur ; on ne les attaque pas, on ne les tue pas, mais on se détourne d’eux sur les chemins ; on les méprises, on n’en tient pas compte.

Comme partout, le mal tient au recrutement où la noblesse ne donne à l’Eglise que les rebuts de la famille : « hermaphrodites, difformes, estropiés, infâmes », parmi lesquels les « élégants frisent leurs cheveux sur leurs tempes comme des femmelettes, entortillent leurs moustaches comme des conquistadors, portent des cols et des manchettes de dentelles et des culottes bouffantes en forme de tambours ». Chez les gueux et vilains, c’est la crasse que l’on doit combattre, le débraillé et la pratique de certains métiers peu conformes à l’état ecclésiastique : arracheurs de dents, forains, colporteurs, proxénètes.

L’évêque tentera de n’accorder dès lors les bénéfices qu’à des candidats dignes, lettrés, ayant 14 ans accomplis, les cures n’étant accordées qu’à des candidats de 25 ans, par le biais du concours.

Faisant de son mieux, un de ses contemporains pourra écrire de lui, en 1596[12] :

Cet évêque se dévoue avec beaucoup de zèle aux intérêts de son Eglise ; il la pourvoit de bons curés par la voie du concours, exigeant d’eux, en plus de la doctrine une vie exemplaire ; il ne manque lui-même en rien aux devoirs d’un bon pasteur.

 

 

La Résidence.

 

C’est en 1602, le 8 décembre, que S. François de Sales reçoit la consécration épiscopale à Thorens, l’église de ses aïeux, puis, la veille du 3ème dimanche de l’Avent, il prend possession de sa cathédrale et, par elle de son diocèse.

De fait, il aura grand soin, à l’image de ses deux prédécesseurs, de conserver la résidence, ce qui est une des plus sévères prescriptions du récent concile de Trente[13] :

La résidence est un devoir non moins indispensable pour les bénéficiers. Dans les premiers siècles de l'Eglise, tous les clercs demeuraient attachés à leur titre : ils ne pouvaient le quitter, et encore moins passer d'un diocèse à un autre sans la permission de leur évêque, sous peine d'excommunication contre eux et même contre l'évêque qui les recevait.

Depuis que l'on fit des ordinations sans titre, les clercs qui étaient ainsi ordonnés se crurent dispensés de résider dans le lieu de leur ordination.

La pluralité des bénéfices s'étant ensuite introduite, les bénéficiers auxquels on a permis de posséder à la fois plusieurs bénéfices, se sont trouvés dans l'impossibilité de remplir partout l'obligation de la résidence ; on en a même vu qui ne résidaient dans aucun de leurs bénéfices, s'occupant de toute autre chose que des devoirs de leur état.

C'est de-là que le concile d'Antioche en 347 défendit aux évêques d'aller à la cour sans le consentement et les lettres des évêques de la province, et principalement du métropolitain.

Le concile de Sardique défendit aux évêques de s'absenter de leurs églises plus de trois ans sans grande nécessité, et ordonna à tous les évêques d'observer leurs confrères quand ils passeraient dans leur diocèse, et de s'informer du sujet de leur voyage, pour juger s'ils devaient communiquer avec eux et souscrire aux lettres de congé qu'ils portaient. […] Le concile de Trente ne permet aux évêques de s'absenter de leur diocèse que pour l'une de ces quatre causes, christiana charitas, urgens necessitas, debita obedientia, evidens ecclesiæ vel reipublicæ utilitas. Il veut que la cause soit approuvée par écrit et certifiée par le pape ou par le métropolitain, ou en son absence par le plus ancien évêque de la province. Le concile leur enjoint particulièrement de se trouver en leurs églises au temps de l'Avent, du Carême, des fêtes de Noël, Pâque, Pentecôte et de la Fête-Dieu, à peine d'être privés des fruits de leur bénéfice à proportion du temps qu'ils auront été absents[14].

Il aura particulièrement soin de prêcher le plus souvent possible, toutes les occasions étant bonnes pour cela[15] :

Troisième dimanche de Carême : la station préparatoire à Noël battait donc son plein. Aux vêpres, François ne put se retenir de monter en chaire.

Cette prédication de la part de l’évêque est bien la tâche principale de ce dernier, selon ce qu’en dit le concile de Trente : docteur de son peuple, c’est à l’enseignement qu’il est voué, et ceux qui enseignent dans son diocèse ne le peuvent qu’en vertu du mandat qu’ils ont reçu de lui:

La fonction de la prédication est la fonction principale des évêques[16] .

Le jour de leur sacre, « les autres n’ont que les ruisseaux »[17] […] Cette considération nous doit donner courage, car Dieu en cet exercice nous assiste spécialement ; et c’est merveille combien la prédication des évêques a un grand pouvoir au prix de celle des autres prédicateurs. Pour abondants que soient les ruisseaux, on se plait à boire à la source.

Il sait à quoi la prédication est destinée, il sait qu’elle est efficace, à l’image d’un sacrement.

Ne dit-il pas à ce sujet[18] :

Au sortir du sermon, je ne voudrais point qu’on dise : Oh ! Qu’il est grand orateur ! Oh ! Qu’il a une belle mémoire ! Oh ! Qu’il est savant !...mais je voudrais que l’on dise : Oh ! Que la pénitence est belle ! Oh ! Qu’elle est nécessaire ! Mon Dieu, que vous êtes bon et juste !...et semblables choses. Ou que l’auditeur ayant le cœur saisi, ne puisse témoigner de la suffisance du prédicateur que par l’amendement de sa vie.

De même, il écrit le 3 juin 1603, à Mgr Antoine de Revol, jeune évêque de Dol-de-Bretagne[19] :

Vous devez, en toute façon, prendre résolution de prêcher votre peuple […] ne vous laisser emporter à pas une considération qui vous puisse détourner de cette résolution. Ne le faites pas pour devenir grand prédicateur, mais simplement parce que vous le devez et que Dieu le veut. Le sermon paternel d’un évêque vaut mieux que tout l’artifice des sermons élaborés des prédicateurs d’autre sorte. Il faut peu de chose pour bien prêcher, à un évêque, car ses sermons doivent être des choses nécessaires et utiles, non curieuses ni recherchées ; ses paroles simples, non affectées ; son action paternelle et naturelle, sans art ni soin, et pour court qu’il soit et peu qu’il dise, c’est toujours beaucoup.

On ne peut alors s’étonner de voir le bienheureux Pape Pie IX, écrire, à l’occasion du Bref du doctorat, le 16 novembre 1877[20] :

Et, en effet, comme il se reconnaissait redevable aux savants et aux ignorants, il se fit tout à tous, et ainsi il eut soin de parler le langage de la simplicité en instruisant les simples et les villageois, tandis que parmi les sages il fit entendre le langage de la sagesse. Il donna sur ce sujet des règles pleines de justesse : grâce à son influence, la dignité de l'éloquence sacrée, déchue par le malheur des temps, retrouva son antique splendeur, en se formant sur le modèle des Saints Pères ; de cette école sortirent ces grands orateurs dont l'éloquence apporta à l'Église entière les fruits les plus abondants[21]. Aussi fut-il universellement regardé comme le restaurateur de l'éloquence sacrée et un maître en cette matière.

 

 

Les catéchismes.

 

C’est d’ailleurs en faveur des catéchismes que notre saint produisit son premier acte extérieur de gouvernement : il estimait en effet que ces instructions élémentaires qui exposent le dogme et la morale « non par des discours apprêtés, souvent peu écoutés et peu compris du grand nombre mais par des explications claires et simples, entremêlées de questions et de réponses, de comparaisons et d’exemples, et plusieurs fois répétées sous diverses formes qui les gravent dans l’esprit[22] ».

Le clergé d’Annecy et Genève ne s’est certes pas désintéressé de la question de la prédication des catéchismes, spécialement en direction des petits enfants : Mgr de Granier avait ordonné à son clergé, selon les prescriptions du concile de Trente[23], d’enseigner le catéchisme dans toutes les paroisses du diocèse, les dimanches et fêtes[24].

Mais, comme Mgr Trochu l’explique[25], « l’obéissance sur ce point n’avait été ni éclairée, ni complète : en trop de paroisses on s’était contenté de fondre ce catéchisme dans le prône du dimanche sans réunir les enfants pour des instructions particulières. »

Ce qui manque au clergé, c’est surtout un manuel court et pratique mettant la doctrine chrétienne à la portée des jeunes intelligences.

Avant de publier un tel ouvrage, il s’attelle lui-même à la prédication des

catéchismes dans l’église Notre-Dame de Liesse, après avoir fait parcourir la ville à un jeune homme zélé, vêtu d’une casaque bleue sur laquelle il fit peindre les noms de Jésus et Marie, agitant une clochette et disant : « Venez à la doctrine chrétienne, on vous y enseignera le chemin du paradis ! [26]»

Le saint évêque gardera jusqu’au bout la haute main sur les catéchismes, demandant même à certains prêtres de devenir des « missionnaires catéchistes », dont la charge était double : enseigner le catéchisme partout dans le diocèse où les circonstances pouvaient l’exiger, mais encore s’assurer que le clergé est effectivement capable d’assurer cet enseignement, et suit les directives données par l’évêque, qui fonda également une « Confrérie du Catéchisme » à laquelle doivent se référer tous ceux, curés et maîtres d’école, en charge de l’enseignement religieux.

Sur ce sujet, il s’assura rapidement que soit publié un catéchisme diocésain, qui ne sera autre que celui de l’ « illustrissime Cardinal Bellarmin », auquel il adjoint une Méthode pour faire le catéchisme[27].

 

 

La formation du clergé - Rapports de l’évêque et du clergé.

 

·       La concentration des pouvoirs.

Evêque universel se peut entendre, ou d'un qui soit tellement Evêque de l'univers que les autres Évêques ne soient que vicaires et substitués, ce qui n'est point, car les évêques sont vraiment princes spirituels, chefs et Évêques, non lieutenants du Pape mais de Notre Seigneur, dont il les appelle frères ; ou on peut entendre d'un qui est surintendant sur tous, et auquel les autres, qui sont surintendants en particulier[28], […]

L’évêque va d’abord concentrer entre ses mains toute autorité, la relevant et la restaurant, puis la partager avec ses collaborateurs en organisant les surveillances et rendant au clergé son antique dignité et avec elle son efficacité apostolique[29].


·       La formation.

Nous l’avons évoqué, et c’est un point fondamental des décrets de réformations du concile de Trente, pour obtenir des résultats, il convient que le clergé soit dûment formé.

Pour se faire, les séminaires sont créés, en vue d’assurer une solide formation des candidats au sacerdoce, tant dans le domaine intellectuel que spirituel.

S. François de Sales, à l’occasion de son entrée solennelle dans la ville de Thonon, remarque dans la procession un groupement appelé : « la Sainte Maison ».

Cette pieuse union comportait alors une demi-douzaine de prêtres zélés, qui, entre autres œuvres, avaient entrepris de diriger une « modeste école cléricale recrutée surtout parmi les enfants de chœur[30]. »

Cet embryon de séminaire ne devint cependant pas, malgré le désir maintes fois exprimé par le saint évêque, autre chose.

C’est après bien des tentatives auprès des Grands, et du Pape Paul V lui-même, tentatives toutes infructueuses, que S. François se décide, en 1622, à partir en Avignon où des bourses avaient autrefois permis à 16 étudiants pauvres de Savoie d’étudier au Collège Saint-Nicolas d’Avignon, fondé par le Cardinal de Brogny[31]…mais ces bourses avaient été perdues, et malgré les instances du saint, appuyées par les objurgations et patentes du Duc de Savoie, la démarche fut un échec[32].

Pour autant, dès sa première année d’épiscopat, l’évêque de Genève s’emploie à remettre régulièrement sous les yeux de son clergé  l’image du prêtre idéal : le véritable « homme de Dieu »[33].

Pour cela, une fois encore, il s’en remet aux prescriptions du concile de Trente qui lui laisse une grande latitude d’action, et qui lui donne aussi quelques moyens.

Ainsi, il exhorte à l’étude, meilleure des armes contre l’hérésie, ses prêtres, leur écrivant[34] :

Ceux d’entre vous qui s’emploient à des occupations qui leur empêche l’étude font comme ceux qui veulent manger des viandes légères, contre le naturel de leur estomac grossier, et de là qu’ils défaillent peu à peu. Je vous puis dire qu’il n’y a pas grande différence entre l’ignorance et la malice, si vous considérez qu’elle n’offense pas seulement soi-même, mais passe jusques au mépris de l’état ecclésiastique. Pour cela, mes très chers frères, je vous conjure de vaquer sérieusement à l’étude, car la science, à un prêtre, c’est le huitième sacrement de la hiérarchie de l’Eglise ; et son plus grand malheur est arrivé de ce que l’Arche s’est trouvée en d’autres mains que celles des Lévites.

Pour pallier ces insuffisances, il veille, à l’occasion des visites pastorales, à s’assurer de l’idonéité des prêtres aux soins desquels il commet les villes.

Il reprend ainsi la pratique du concours, nommant annuellement une commission d’examinateurs, auxquels il confie le soin de veiller à cette idonéité, participant lui-même à la commission.

De même, il publie régulièrement des mandements ou exhortations sur tel ou tel sujet de morale, de droit ou de discipline, assurant ainsi à son clergé, avant la lettre, une « formation continue », demandant à ses prêtres de s’attacher aux vrais principes de la saine théologie, surtout celles de S. Thomas et S. Bonaventure, et de ne pas s’arrêter à certaines subtilités « sur lesquelles on se dispute longuement sans en devenir plus savant », rappelant la fin surnaturelle de cet exercice, et reprenant à son compte les paroles de S. Bernard[35] :

Il y en a qui étudient par pure curiosité de savoir, d’autres par vanité, d’autres pour se faire de la science un moyen de fortune, et tout cela est mal ; il en est d’autres qui étudient pour se rendre utiles aux autres ou pour se sanctifier eux-mêmes, et tout cela est bien.

Parmi ces textes, quelques-uns sont  par exemple ses Conseils aux confesseurs, à l’automne 1603[36], ou  son Exhortation aux ecclésiastiques pour qu’ils s’appliquent à l’étude.

Outre ces moyens épistolaires, le concile de Trente met à sa disposition un instrument qui lui garantit une rencontre formelle régulière avec ses prêtres : le synode diocésain.

 

 

Le synode diocésain.

 

Cette institution ancienne réunissait autour de l’évêque, Père du diocèse, les prêtres formant son presbyterium.

Le 4ème concile du Latran, en 1215, prescrivait déjà sa réunion annuelle. Le concile de Trente renouvelle cette exigence[37].

Ainsi, dès le 11 août 1603, l’évêque convoque son clergé à Annecy pour le 2 octobre suivant.

Favorisant un contact plus étroit entre l’évêque et son clergé, c’est, pour certains, la seule occasion annuelle de rencontre leur chef, leurs confrères, d’exposer simplement les difficultés de leur ministère et de recevoir les instructions, corrections et conseils pour l’année à venir.

Cette réunion n’avait pas, par ailleurs, vocation à s’éterniser : en deux jours, chacun repartait muni de son viatique annuel[38].

Il le réunit ordinairement le mercredi et le jeudi qui suivaient le dimanche de Quasimodo, et cette réunion réunissait un clergé nombreux - sous peine d’amendes pour les curés -, jusqu’à 500 personnes selon certains auteurs[39], et parmi cette assemblée, l’on choisissait les examinateurs des concours, les « surveillants », qui parcouraient le diocèse au nom de l’évêque, les promoteurs du catéchisme.

 

 

Le concours.

 

A la suite de Mgr de Granier, François de Sales désire confier les paroisses, et les bénéfices y attachés, aux prêtres les plus méritants.

Pour ce faire, il a recours au concours, pour lequel des examinateurs sont nommés annuellement.

Il s’attaquait ainsi  à une sorte de « féodalité ecclésiastique[40] », établie depuis longtemps du fait de la faiblesse du gouvernement épiscopal.

Désormais, le mérite et la science sont les seuls critères de la désignation à un bénéfice vacant.

 

 

Les visites pastorales et la relatio.

 

Outre la question de la prédication, le nouvel évêque de Genève entreprend une autre des obligations prescrites par le récent concile : la visite pastorale.

La visite pastorale remonte aux temps apostoliques et fut pratiquée par les Pères de l’Eglise. L’évêque ou son délégué visite les églises, contrôle les monastères et inspecte les bâtiments[41].

Malgré un certain renouveau au XVe siècle, la visite pastorale est délaissée vers 1550.

Le concile de Trente rappelle aux prélats qu’ils ont l’obligation de parcourir leur diocèse.

Il arrive que les évêques coordonnent leurs visites pastorales avec les missions car il ne s’agit pas tant, en certains diocèses, de visiter les cités en vue de faire un inventaire matériel et humain, que de saisir l’occasion, surtout en terres protestantes, de faire œuvre catéchistique.

Ainsi, au cours du XVIe siècle, l’activité missionnaire, sous forme de prédications itinérantes, connut un nouvel essor.

Son but était de convertir les protestants mais aussi de catéchiser les populations des campagnes. Elle fut l’œuvre des jésuites, des capucins, des prêtres de la Mission (ou Lazaristes) organisés par S. Vincent de Paul, ainsi que des membres de la congrégation de Jésus et Marie créée par S. Jean Eudes. L’Oratoire de France suscita également de nombreuses missions. De 1594 à 1598, François de Sales passa et repassa dans les villes et les villages du Chablais qui comptaient alors nombre de protestants, et continua, comme évêque, l’œuvre prosélyte entreprise comme Prévôt du Chapitre cathédral.

Ainsi, outre les synodes diocésains qui se succéderont sans interruption ou presque jusqu’à la mort du prélat, en fonction des sollicitations de sa charge hors du diocèse, un autre moyen est mis à sa disposition pour assurer la réforme de son diocèse et l’exercice de sa charge épiscopale : la visite pastorale[42], « meilleur moyen d’établir une doctrine saine et orthodoxe sur les ruines de toutes les hérésies, de maintenir les bonnes mœurs de corriger les mauvaises, d’animer le peuple, par des exhortations, au service de Dieu, à la paix et à l’innocence de la vie[43]. »

Retenu par les charges temporelles, S. François de Sales n’entreprend cette visite qu’en octobre 1605, convaincu néanmoins de pouvoir achever, selon les prescriptions du concile, cette visite dans les deux ans à venir…c’était cependant sans compter avec les difficultés du territoire : torrents, montagnes, vallées, sans compter les nombreuses églises, chapelles, abbayes, etc…cette visite prendra donc près de quatre années[44].

Il écrit à Mme de Chantal pour lui annoncer son départ pour six semaines[45] :

Ayant été jusques ici détenu par un monde de cuisantes affaires, je m’en vais à cette bénite visite en laquelle je vois, à chaque bout de champs, des croix de toute sorte. Ma chair en frémit, mais mon cœur les adore. Oui, je vous salue, vous, petites et grandes croix, spirituelles ou temporelles, intérieures ou extérieures : je vous salue et baise votre pied, indigne de l’honneur de votre ombre.

Il visita alors une paroisse par jour, parfois deux ou trois.

Partout il prêchait, catéchisait, confessait, confirmait, consacrait de nouveaux sanctuaires, en même temps que son secrétaire dressait un inventaire complet de tous les biens de l’Eglise, descendant lui-même jusqu’au moindre détail de l’administration[46], et s’assurant que les fidèles ne manquaient pas de la nourriture spirituelle qu’ils étaient en droit d’attendre de leur pasteur.

S’étant renseigné sur l’âge, les prénoms et le nom des prêtres qu’il allait rencontrer au cours de sa visite, il tenait aussi à connaître le genre et la réputation de chacun, se réjouissant que la plupart, à défaut d’avoir été formés dans un séminaire, ouvre de nouveau des livres de théologie.

Interrompu par le Carême qu’il doit prêcher à Chambéry en 1606, il reprendra la visite en juin de cette même année, au cours de laquelle il visita 185 paroisses[47].

Après quoi, il rédigea, conformément au serment qu’il prêta au jour de son sacre, et aux prescriptions du concile de Trente, une exacte relation de l’état de son diocèse, au spirituel comme au temporel, à destination du Saint-Siège. Il renonça à faire la visite ad limina et s’en excusa auprès du Pape, déléguant à cette tâche, le 23 novembre 1606, son jeune frère, alors prévôt du Chapitre, Jean-François de Sales[48].

 

 

L’évêque et le culte.

 

Des transformations du culte catholique aux XVIIe et XVIIIe siècles, on retient le plus volontiers celles qui ont trait à son décor. Les procès-verbaux de visites pastorales, qui contiennent une riche information à ce propos, fournissent aussi l’explication de ces changements : l’inlassable insistance des évêques qui, au cours de leurs tournées, inspectent régulièrement les églises, du point de vue de leur état matériel, de leur décoration ou de leur équipement en vases sacrés et en ornements[49].

Le concile de Trente ne traite que succinctement du culte, principalement au cours de sa 22ème session, en 1562, dans ses décrets relatifs à la messe. Le décret disciplinaire, qui rappelle qu’elle est l’œuvre la plus sainte et la plus divine pour les chrétiens, invite à la dévotion et à la dignité dans sa célébration. Il convient donc d’en exclure toute forme de superstition et d’irrévérence, d’en écarter aussi tout esprit de lucre. Quelques injonctions concrètes découlent de ces principes, telles que le refus des perturbations engendrées par des actions profanes, des conversations ou des bruits, ou encore par l’introduction de musiques impures et lascives[50]. Pour éviter la superstition, la messe ne sera célébrée qu’aux heures licites et dans un total respect du rituel, sans employer « ritus alios et alias cæremonias et preces […] præter eas quæ ab Ecclesia probatæ et laudabili usu receptæ ». Les évêques, comme en beaucoup d’autres domaines, sont chargés de la mise en œuvre de ces prescriptions. Toutefois, c’est sans doute le décret doctrinal lui-même qui contient le passage le plus important, puisqu’il explicite le sens de la liturgie pour l’Église romaine. Les usages cérémoniels tels que « les bénédictions mystiques, les lumières, les encensements, les ornements et plusieurs autres choses semblables » sont justifiés par la nécessité pour l’homme de disposer d’aides extérieures (adminicula exteriora) pour accéder à la méditation des choses divines.

L’Église, qui tient ces usages « ex apostolica disciplina et traditione », en use donc « à la fois pour rendre plus recommandable la majesté d’un si grand sacrifice et pour exciter les esprits des fidèles, par ces signes visibles de piété et de religion, à la contemplation des choses sublimes qui sont cachées dans ce sacrifice ».

En dehors des textes sur la messe, seul le décret de réformation de la 24ème session contient des notations utiles pour le culte, à propos du chant de l’office, que les chapitres exécuteront « reverenter, distincte devoteque ».

En dépit de sa brièveté, la formule fournit les lignes fondamentales des directives qui régissent l’ordonnancement de l’ensemble des cérémonies à l’âge moderne.

Lorsque S. François de Sales prend possession de sa charge épiscopale, en 1602, il est déjà connu pour l’exactitude de sa pratique liturgique.

De fait, S. François se tient également aux prescriptions faites aux évêques en matière liturgique, telles qu’elles sont contenues dans le Cérémonial des Evêques, une « liturgie cléricalisée » comme la nomme Hans Küng[51].

Ce livre liturgique, dont Mgr Gromier disait qu’il « est d’un temps où la pastorale s’adaptait à la liturgie, où les pasteurs ne prétendaient pas régenter les cérémonies. Le souvenir de ce temps mérite de ne pas disparaître, d’avoir un témoin », a été promulgué, à la demande du concile, en 1600, et manifeste une ecclésiologie toute centrée sur la personne de l’évêque, et une liturgie, c’est-à-dire un culte extérieur, théocentrée, répondant à cette parole de l’Ecriture[52] :

Ainsi parle Yahweh : Je vais rétablir les tentes de Jacob et j'aurai compassion de leurs demeures ; Les villes seront rebâties sur leur colline et les palais assis à leur place. Il en sortira des chants de louange et des cris d'allégresse. Je les multiplierai, et ils ne seront plus en petit nombre ; Je les glorifierai, et ils ne seront plus méprisés. […] Son chef sera un des siens, Et son dominateur sortira de son sein ; Je le ferai venir et il s'approchera de moi ; Car quel est l'homme qui disposerait son cœur de manière à s'approcher de moi ? dit Yahweh. Et vous serez mon peuple, et je serai votre Dieu.

Cette liturgie répond très exactement à la pensée et à la doctrine du concile sur la justification, sur la grâce, sur le concours divin, et bien entendu sur la place de l’épiscopat[53].

Ici, plus qu’ailleurs, « Lex credendi statuat lex supplicandi ».

Ainsi, non seulement l’obéissance native du nouvel évêque de Genève le pousse à mettre en œuvre les prescriptions liturgiques, mais encore leur parfaite conformité avec la sainte doctrine défendue au concile.

Il aimait à célébrer lui-même lorsque la fête du jour revêtait une certaine solennité, « afin que le peuple y venant trouve toujours son évêque en tête[54]. »

Généreux pour orner sa cathédrale, sa chapelle personnelle était également pourvue des choses les plus belles[55].

Pour autant, même si sa dévotion dans la célébration des offices édifiait le peuple, rien d’extraordinaire[56] :

Il s’assujettissait à observer les rubriques jusques aux moindres fort religieusement, et il avait un particulier amour envers ceux qui les observaient avec attention et dévotion, se plaisant extrêmement lorsqu’elles étaient bien faites.

Il ne se contente donc pas de célébrer avec dévotion, mais aussi avec exactitude.

Et il se souciait extrêmement de mettre en œuvre les prescriptions liturgiques du concile de Trente, montrant l’exemple, réprimant les abus, et introduisant, notamment dans la partie française de son diocèse, les livres liturgiques romains.

Ainsi, lors du synode diocésain de 1612, l’évêque de Genève rappelle que « tous les évêques d’abord, réunis au très auguste concile de Trente, puis a plupart d’entre eux séparément dans leurs provinces, avaient, avec une ardeur toujours croissante défendu le nombre, la dignité et les cérémonies des sacrements[57]. »

Pour cette raison, il impose une édition du Rituale romanum, dont il précise, comme le concile de Trente lui-même l’explique, qu’il se compose, pour ce qui concerne l’administration des sacrements, des seuls textes et prescriptions du Rituel romain, les bénédictions et autres cérémonies étant principalement extraites de l’ancien Rituel de Genève, canonisant ainsi la coutume immémoriale de son diocèse.

Dès lors, son clergé doit s’en servir « avec joie et unanimité » et ne pas avoir la « présomption, sous aucun prétexte, d’employer d’autres rites que ceux qui sont contenus dans ce rituel[58] », donnant deux ans à chaque prêtre du diocèse ayant charge d’âme, pour se procurer le nouveau rituel.

 

 

La réforme des religieux.

 

Parmi les sujets de préoccupations du concile de Trente, apparaît aussi le désir de réforme des religieux.

A cet égard encore, les difficultés étaient nombreuses, et d’abord de nature juridiques : maintes congrégations religieuses, au fil du temps, avaient obtenu du Saint-Siège l’exemption de la juridiction épiscopale.

Ce fut donc l’un des traits de la doctrine de saint concile de favoriser un retour « à l’équilibre », rappelant la juridiction de l’évêque sur tout son territoire, en raison même de son épiscopat, et donc, conséquemment, sa capacité innée à s’assurer que les prescriptions ecclésiastiques en matière de culte et de discipline, soient dûment observées.

S. François, à la suite de ses deux prédécesseurs, se heurtera régulièrement à quelques communautés religieuses, pourvues de supérieurs commendataires, et peu soucieuses de vivre en conformité avec les règles de leur ordre.

Donnons deux exemples : l’abbaye d’Abondance, et celle de Talloires.

Dans la relatio de la visite pastorale, que nous avons déjà évoquée, notre évêque écrit au Pape[59] :

C’est une chose très surprenante combien la discipline est ruinée chez tous les réguliers des abbayes et des prieurés de ce diocèse ; j’en excepte les Chartreux et les Mendiants. L’or de tous les autres est converti en ordure, et leur vin est mêlé avec de l’eau ou plutôt, il est tourné en poison ; aussi sont-ils la cause que les ennemis du Seigneur blasphèment en disant chaque jour : où est le Dieu de ces gens-là ?

Et de souligner le détail :

Il n’y a point parmi d’observance de la discipline régulière, point de constitutions écrites, point de prononciation expresse des vœux.

Il précise en outre que si « la visite et la correction » semblent les meilleurs remèdes, il convient qu’elles soient faites, non par « les Supérieurs de ces Ordres-là ; car les moines et abbés de Cluny, de Savigny, et de Saint-Ruf ne savent pas seulement ce que c’est que la réforme ; et puisqu’ils sont un sel gâté, comment pourront-ils servir à assaisonner et à préserver de la corruption leurs inférieurs ? »

Il n’est pas moins sévère à l’égard des religieuses : soulignant la vertu des clarisses, il évoque les cisterciennes dont « les portes sont ouvertes à tous allants et venants, aux religieuses pour sortir et aux hommes pour y entrer », regrettant aussi que les prescriptions du concile de Trente concernant la présence annuelle d’un confesseur extraordinaire ne soient pas mises en œuvre, contraignant ainsi les religieuses à se confesser toujours au même prêtre, sans avoir la liberté de recourir à un autre.

Face à ces dérèglements, Mgr de Sales, se sentant investi de la mission sacrée de réformer tout son diocèse, convoque le 28 août 1604 l’abbé commendataire de l’abbaye la plus célèbre de Savoie, celle de Notre-Dame d’Abondance, où résidaient encore six religieux augustins.

Le système de la commende permettait ainsi que l’abbé titulaire, qui pouvait d’ailleurs posséder plusieurs bénéfices en commende, dont il percevait les revenus, puisse vivre hors de toute discipline régulière, laissant le soin à un prieur claustral de gouverner quotidiennement le monastère.

L’abbé commendataire d’Abondance, Vespasien Aiazza, regrettait lui-même, fait assez rare pour être souligné, l’état de décrépitude de son abbaye, et s’était réjoui de la perspective, encouragée alors par celui qui n’était que le Prévôt de Sales,  de voir les chanoines réguliers remplacés par une branche nouvellement réformée de Cîteaux, les « Feuillants ».

Mais la résistance des augustins provoqua un procès, qu’ils perdirent : Rome, comme Turin, confirmèrent l’échange projeté, et Paul V clôt la question par un bref du 28 septembre 1606, que l’évêque de Genève, par délicatesse ne mit en œuvre qu’au printemps suivant, afin de permettre aux vieillards de l’abbaye de ne pas avoir à se déplacer ou à s’habituer à leur nouvelle demeure avant les premiers beaux jours[60].

L’abbaye de Talloires fut plus difficile à corriger : le relâchement de ce monastère bénédictin était entré avec la commende, et Paul V lui-même ordonna à François de veiller à « réduire le monastère de Talloires à la discipline régulière »[61].

Il entreprend cette tâche en juin 1609, à la suite de ses deux prédécesseurs, qui furent l’un et l’autre, successivement, prieurs de cette abbaye, et tentèrent en vain de la ramener à l’ordre.

Quoique mandaté par le Pape lui-même, il demande et obtient du supérieur de la congrégation tout pouvoir pour opérer la réforme, dont il prévint le prieur commendataire. Réunissant les profès de l’abbaye, après une belle objurgation sur la beauté de la vie monastique, la réunion devient houleuse.

Fermement, l’évêque résiste, séparant « les boucs d’avec les brebis ». Un nouveau prieur est élu, qui rencontre rapidement une opposition.

Doté des pleins pouvoirs par Rome, l’évêque décide qu’il ne faut plus essayer, il faut désormais aboutir dans la réforme de Talloires : les moines récalcitrants, quel que soit le motif de leurs atermoiements, ont trois mois pour vider les lieux. Tout fut réglé dans l’heure.



La grâce.

 

Au-delà des questions disciplinaires ou liturgiques, le concile de Trente est aussi celui au cours duquel la doctrine sur les sacrements a été affirmée de la manière la plus formelle : s’agissant des canaux ordinaires de la grâce, il était nécessaire, face à l’hérésie, d’en repréciser la nature et les contours, et, dans le même temps, de justifier leur existence et leur nécessité.

Il n’est donc pas sans utilité que le même concile traite également de la question de la justification et de la grâce, rappelant que sans le concours de cette dernière, « il est impossible à l’homme de persévérer longtemps dans le bien »[62].

Face au luthéranisme, d’une part, et au calvinisme, d’autre part, il faut tenir le juste équilibre[63].

A ces questions vient se surajouter la querelle De Auxiliis, opposant molinistes et thomistes.

D’accord sur le fait que la grâce actuelle est absolument nécessaire pour faire le bien dans l’ordre surnaturel, ils s’opposent sur la nature et le mode d’efficacité de cette grâce, ainsi que sur la persévérance finale.

Clément VIII crée donc la commission De Auxiliis en 1598, et Paul V, soucieux de clore le débat, finit par solliciter l’avis de M. de Genève, en 1607, avis « dont il adopta les vues en imposant silence aux deux partis, et en décidant qu'il fallait laisser s'assoupir une dispute longtemps et vivement débattue sur un sujet très subtil et plein de danger[64]. » 

O Théotime ! mon ami, jamais, non jamais nous ne devons laisser emporter notre esprit à ce tourbillon de vent follet, ni penser de trouver une meilleure raison de la volonté de Dieu, que sa volonté même, laquelle est souverainement raisonnable, mais la raison de toutes les raisons, la règle de toute bonté, la loi de toute équité[65].

Se montrant ainsi un digne fils de la contre-réforme catholique, tout ensemble conscient des faiblesses de la nature humaine blessée, mais sûr de la volonté salvifique de Dieu et de l’efficacité des moyens mis à disposition de l’homme, moyennant sa coopération, et partant, sa liberté[66], citant, à l’appui de sa doctrine, le concile de Trente, et ce près de dix fois dans son Traité de l’Amour de Dieu[67]:

En somme, si quelqu'un disait que notre franc-arbitre ne coopère pas, consentant à la grâce dont Dieu le prévient, ou qu'il ne peut pas rejeter la grâce, et lui refuser son consentement, il contredirait à toute l'Écriture, à tous les anciens Pères, à l'expérience, et serait excommunié par le sacré concile de Trente. Mais quand il est dit que nous pouvons rejeter l'inspiration céleste et les attraits divins, on n'entend pas certes qu'on puisse empêcher Dieu de nous inspirer, ni de jeter ses attraits en nos cœurs : car comme j'ai déjà dit, cela se fait en nous, et sans nous : ce sont des faveurs que Dieu nous fait, avant que nous y ayons pensé : il nous éveille lorsque nous dormons, et par conséquent nous nous trouvons éveillés avant qu'y avoir pensé ; mais il est en nous de nous lever, ou de ne nous lever pas ; et bien qu'il nous ait éveillés sans nous, il ne nous veut pas lever sans nous. Or, c'est résister au réveil, que de ne point se lever et se rendormir, puisqu'on ne nous réveille que pour nous faire lever.



[1] Lumen Gentium, n. 24.

[2] Christus Dominus, n. 11.

[3] Cc. de Trente, 23ème session, 15 juillet 1563 - doctrine et canons sur le sacrement de l'ordre. DS 1768. A noter que Mgr Trochu, dans sa célèbre biographie du saint, vol. II, p. 17, note 4, affirme, à tort, qu’il s’agit de la 24ème session.

[4] Catéchisme du Concile de Trente, 9ème article du Symbole des Apôtres.

[5] Lemaitre (N.), Cours d'agrégation d'histoire, Université Paris I- Panthéon Sorbonne, année académique 2002-2003.

[6] Voir, par exemple, en France, le « groupe de Meaux », avec Guillaume Briçonnet, Lefèvre d’Etaple, entre autres.

[7] Fliche (A.) & Martin (V.), Histoire de l’Eglise depuis les origines jusqu’à nos jours, Ed. Bloud & Gay, Paris, 1948, vol. 17, « L’Eglise à l’époque du concile de Trente », p. 369 : « Les conciles [provinciaux] de 1522 et de 1528 firent mieux [que les évêques de la province de Sens, réunis à Paris en février 1518, qui condamnèrent Luther]. Ils tentèrent réellement de réformer l’Eglise.. S’ils ne réussirent pas, c’est que la réforme ne s’opère pas seulement à coups de décrets, mais qu’il faut des exemples, des initiatives privées, de nombreuses réformes individuelles entraînant la réforme générale, en un mot des saints. »

[8] Florit (Cal H.), St François de Sales et la pastorale moderne, Mémoires et documents publiés par l’Académie salésienne, t. LXXX, Témoignages et mélanges publiés à l’occasion du 4ème centenaire de sa naissance (1567-1967), Ed. Franco-Suisses, Ambilly-Annemasse, 1968, p. 31 et sq. : « Du reste, les idées qui lui sont propres : — vision de l'homme - efficacité du travail quotidien pour la sanctification personnelle et la vie activé dans une Communauté d'Eglise - ont trouvé des échos autorisés dans les documents de Vatican II. Comment, par exemple, ne pas reconnaître une « présence » tangible de la doctrine de saint François dans le chapitre V de la Constitution dogmatique “ Lumen Gentium “ ? »

[9] DS 1847-1850.

[10] Pegon (J.), Episcopat et Hiérarchie au Concile de Trente, Nouvelle revue théologique, 1880, p. 580-588.

[11] Lajeunie (E.-J.), Saint François de Sales, Ed. Guy Victor, Paris, 1966, vol. II, p. 10.

[12] Lajeunie (E.-J.), Saint François de Sales, op. cit., vol. II, p. 11.

[13] Cc. de Trente, 6ème session, 13 janvier 1547, décret de réformation, cap. 1.

[14] Diderot (D.), L’encyclopédie, art. « résidence ».

[15] Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, vol II, Ed. Emmannuel Vitte, Paris-Lyon, 1946, p. 10.

[16] Cc. de Trente, 24ème session, décret de réformation, cap. 4 : Du devoir des Evêques, touchant la prédication de la Parole de Dieu ; & que les Paroissiens seront exhortez de l'aller entendre à leur Paroisse, &c.

[17] Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, op. cit., p. 157.

[18] Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, op. cit., p. 158.

[19] Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, op. cit., p. 18-19.

[20] Bx. Pie IX, Bref Dives in misericordia, 16 novembre 1877.

[21] S. Alphonse de Liguori fit de la célèbre Epître sur la Prédication adressée à Mgr Frémyot, archevêque de Bourges, une des bases de la formation des rédemptoristes en matière d’art oratoire.

[22] Hamon (M.), Vie de saint François de Sales, évêque et prince de Genève, t. 1, Ed. Gabalda & Fils, Paris, 1930, p. 471.

[23] Mgr Trochu, ici encore, donne une fausse référence…

[24] Registre de l’Evesché de Genève, 1602-1607.

[25] Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, op. cit., p. 27.

[26] Cité par Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, op. cit., p. 27. Ces détails sont tirés de L’année sainte, t. VI, p. 542.

[27] Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, op. cit., p. 89.

[28] S. François de Sales, Controverses, partie II, cap. VI, art. 13.

[29] Lajeunie (E.-J.), Saint François de Sales, op. cit., vol. II, p. 18.

[30] Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, op. cit., p. 78.

[31] Lajeunie (E.-J.), Saint François de Sales, op. cit., vol. II, p. 88.

[32] Il faudra attendre 1663 pour qu’un séminaire voie le jour à Annecy. Voir Lajeunie (E.-J.), Saint François de Sales, op. cit., vol. II, p. 88.

[33] Hamon (M.), Vie de saint François de Sales, évêque et prince de Genève, op. cit., p. 90.

[34] Hamon (M.), Vie de saint François de Sales, évêque et prince de Genève, op. cit., p. 90. Voir en particulier la note 1, qui explique que le texte complet de cette exhortation se trouve dans la biographie publiée en 1657 par Mgr de Maupas (p. 201-203).

[35] S. Bernard, Sermo XXXVI, super Cant.

[36] Datés de janvier 1604.

[37] Cc. de Trente, 24ème session, décret de réformation, cap. 2 : Que les Conciles Provinciaux se doivent tenir tous les trois ans ; ceux de chaque Diocèse tous les ans : Quels sont ceux qui les doivent convoquer, & ceux qui s'y doivent trouver.

[38] Les Constitutions synodales du diocèse de Genève sont éditées à la fin de l’année 1603

[39] Lajeunie (E.-J.), Saint François de Sales, op. cit., vol. II, p. 13, note 13.

[40] Lajeunie (E.-J.), Saint François de Sales, op. cit., vol. II, p. 17.

[41] Journal des visites pastorales d’Eudes Rigaud, archevêque de Rouen (1248-1269).

[42] Voir Jedin (H.), L'évêque dans la tradition pastorale du XVIe siècle..., Ed. Desclée De Brouwer, Paris-Bruxelles, 1953.

[43] Cc. de Trente, 24ème session, décret de réformation, cap. 3 : De la manière dont les Evêques se doivent conduire dans la Visite de leurs Diocèses.

[44] Ayant chevauché plus vite que son maître, qui se fatigue plus qu’autrefois, M. Rolland finit par perdre sa compagnie. Rebroussant chemin et apercevant l’évêque, il lui crie : « Eh ! Monseigneur, que vous allez donc lentement ! » Et le saint de lui répondre : « Ah ! Mon cher monsieur Rolland, mon ami, nous allons comme nous pouvons ! » Cité dans Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, op. cit., p. 203.

[45] Lettre 316ème, du 13 octobre 1605, citée par Hamon (M.), Vie de saint François de Sales, évêque et prince de Genève, op. cit., p. 566.

[46] Ce fut d’ailleurs aussi une occasion de convertir de nombreux hérétiques.

[47] Hamon (M.), Vie de saint François de Sales, évêque et prince de Genève, op. cit., p. 584.

[48] Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, op. cit., p. 243-244.

[49] Dompnier (B.), Les ordonnances synodales des XVIIe et XVIIIe siècles et la réglementation du culte, M. Aoun et J.-M. Tuffery-Andrieu. Conciles provinciaux et synodes diocésains du concile de Trente à la Révolution française, Mai 2009, Strasbourg, France. Presses universitaires de Strasbourg, p. 365-383, 2010, Société, Droit et Religion en Europe.

[50] Voir par exemple Dompnier (B.), Les ordonnances synodales des XVIIe et XVIIIe siècles et la réglementation du culte, op. cit., p. 9 : « Au cours du XVIIe siècle, alors que la musique prend une place croissante, les dénonciations de détournement du culte se font plus vigoureuses. Un bel exemple en est fourni par les textes relatifs à l’office de nuit de la Semaine sainte, dont le nom devenu usuel de Leçons de Ténèbres dit à lui seul l’amplification prise par le chant des lamentations du prophète Jérémie, qui en constituent une partie. Déjà, à une date précoce par rapport à cet usage, l’archevêque de Rouen condamne fermement en 1644 le fait que des femmes chantent à la tribune, de nuit, des airs exprimant des affects. » On signale également qu’au cours de ses visites pastorales, le Saint exigea partout « la restauration des églises, leur décence, leur propreté ; et qu’il fit brûler des statues ou tableaux difformes ou grotesques qui les déshonoraient. » Voir Lajeunie (E.-J.), Saint François de Sales, op. cit., vol. II, p. 66.

[51] Küng (H.), Le Concile, épreuve de l’Eglise, Ed. du Seuil, Paris, 1963, p. 125-126, cité par Lajeunie (E.-J.), Saint François de Sales, op. cit., vol. II, p. 67-68.

[52] Jer. XXX, 18-22.

[53] Voir aussi S. Pie X, motu proprio Inter multiplices, du 21 février 1905, sur les privilèges des protonotaires apostoliques, A.A.S., vol. XXXVII, (1904-05), p. 491-512.

[54] Œuvres complètes, t. XXII, p. 123, Règlement épiscopal.

[55] Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, op. cit., p. 527.

[56] Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, op. cit., p. 528, citant Claude Fabre de Vaugelas, Procès de Paris, art. 29.

[57] Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, op. cit., p. 561.

[58] Œuvres complètes, t. XXII, p. 349-358.

[59] Hamon (M.), Vie de saint François de Sales, évêque et prince de Genève, op. cit., p. 587 et sq.

[60] Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, op. cit., p. 154-155.

[61] Trochu (F.), S. François de Sales, l’épiscopat, op. cit., p. 321.

[62] Cc. de Trente, 6ème session, décret sur la justification, 13 janvier 1547 : « Si quelqu'un dit que le justifié soit peut persévérer dans la justice sans un secours spécial de Dieu, soit ne le peut pas avec ce secours : qu'il soit anathème » DS 1572.

[63] Legrand (T.), Luther, l'ennemi de la grâce de Jésus-Christ - 2ème partie : l'hérétique : « […] la conception protestante et fausse de la grâce découle de leur conception du péché originel. Selon Luther, par suite du péché originel, le naturel ne reste pas intègre mais est essentiellement et intrinsèquement corrompue. Le libre arbitre est totalement corrompu et anéanti ; l’homme ne peut pas ne pas pécher. Selon Luther, la grâce est certes nécessaire pour obtenir le salut. Mais elle n’est pas donnée pour que l’homme évite le péché et soit intrinsèquement justifié. Les péchés ne sont pas effacés et demeurent dans l’âme du pécheur. La grâce permet seulement que ces péchés ne sont plus imputés au pécheur mais seraient comme ignorés de Dieu et cependant toujours bien présents. Finalement le péché serait plus fort que Dieu. La sainteté, au sens catholique du terme, est inconcevable. »  Et aussi Calvin (J.), Institutions chrétiennes, p. 244. II, 3.10 : « Dieu pousse notre volonté, non pas comme on l'a longtemps imaginé et enseigné, c'est à dire en nous laissant le choix d'obéir à son impulsion ou d'y résister, mais avec une efficacité telle qu'elle ne peut qu'obtempérer. »

[64] Bx. Pie IX, du Bref Dives in misericordia du doctorat, 16 novembre 1877.

[65] S. Francois de Sales, Traité de l’Amour de Dieu, lib. IV, cap. 7.

[66] S. Francois de Sales, Traité de l’Amour de Dieu, lib. II, cap. 12.

[67] Par exemple, au lib. II, cap. 21 : « Notre Seigneur tire les cœurs par les délectations qu'il leur donne, lesquelles font trouver la doctrine céleste douce et agréable : mais avant que cette douceur ait engagé et lié la volonté par ses amiables liens, pour la tirer à l'acquiescement et consentement parfait de la foi ; comme Dieu ne manque pas d'exercer sa bonté sur nous-par ses saintes inspirations, aussi notre ennemi ne cesse point de pratiquer sa malice par ses tentations. Et cependant nous demeurons en pleine liberté de consentir aux attraits célestes, ou de les rejeter : car comme le sacré concile de Trente a clairement résolu : " Si quelqu'un disait que le franc arbitre de l'homme étant rué et incité de Dieu, ne coopère en rien, consentant à Dieu, qui l'émeut et l'appelle, afin qu'il se dispose et prépare pour obtenir la grâce de la justification, et qu'il ne peut n'y consentir point s'il veut; certes un tel serait excommunié et réprouvé de l'Église. " »